#Santé publique

Le sport santé sur ordonnance, une thérapeutique plébiscitée par les médecins généralistes

Les 14 et 15 octobre 2015, les 1res Assises européennes du sport santé sur ordonnance se sont tenues à Strasbourg, ville pionnière en ce domaine.

Pour les 500 participants, ces Assises ont été l’occasion de faire le point sur le dispositif "Sport Santé" local, mais aussi sur les nombreux projets similaires qui se sont développés depuis 2012. De plus, 29 collectivités ont décidé de créer un groupe de travail national des villes sport santé sur ordonnance, en partenariat avec le réseau français des Villes santé de l’Organisation Mondiale de la Santé.

Début novembre, les conclusions de ces Assises quant au fort intérêt des médecins généralistes pour ce type de dispositif ont été confirmées par une étude Ifop sur le sujet, qui indique que ces praticiens s’impliquent déjà largement dans la prescription du sport comme thérapeutique et sont, à plus de 80 %, favorables à la disposition législative introduite par amendement dans la loi de santé.

Rappelons que cette loi, portée par Marisol Touraine et actuellement en deuxième lecture à l'Assemblée Nationale, comporte un article, le 35 bis A, qui prévoit la possibilité de prescrire une activité physique aux patients atteints d'une maladie de longue durée. 
Stéphane Korsia-Meffre 25 novembre 2015 02 décembre 2015 Image d'une montre7 minutes icon 6 commentaires
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L'activité sportive est prescrite par 75 % des médecins généralistes.

L'activité sportive est prescrite par 75 % des médecins généralistes.


Le "sport santé", une thérapeutique non médicamenteuse reconnue par la HAS en 2011
En avril 2011, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié un rapport d'orientation sur le développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses validées, dans lequel elle confirmait l'importance de la prescription de l'activité physique régulière dans la prise en charge des maladies cardiovasculaires et des troubles du sommeil.

Ce rapport a fait également le point sur les barrières, en particulier économiques, qui nuisent à la généralisation de cette thérapeutique.
 
Depuis 2005, un programme pilote de la Fédération française d'athlétisme a proposé des activités physiques à 10 000 patients après recommadation du médecin traitant
L'idée du Sport Santé n'a pas attendu la publication du rapport de la HAS. En effet, depuis 2005, la Fédération nationale d'athlétisme propose des activités adaptées à des personnes pour lesquelles le médecin traitant a recommandé l'activité physique.

Pour son président Bernard Amsalem, les Assises européennes de Strasbourg ont été l'occasion de rappeler qu'environ 10 000 personnes sont licenciées dans le cadre du programme "Athlétisme Santé Bien-Être", dont 46 % souffrent de diabète de type 2, 38 % de cancer, 35 % d'obésité, 31 % d'insuffisance respiratoire, 30 % de troubles articulaires et 4 % de maladie d'Alzheimer.

Ces dernières années, le nombre de licenciés de ce type a augmenté de 15 % par an. Des conventions ont été passées avec des entreprises (par exemple, Michelin), des ARS ou des EHPAD.

Des programmes similaires ont été développés à l'étranger, par les fédérations d'athlétisme allemande, italienne, espagnole et hongroise, toutes reconnues au sein du programme européen "Europe gets fit".
 
En 2012, lancement d'un programme de prescription et de prise en charge du sport à Strasbourg
À la suite de la publication du rapport de la HAS, la ville de Strasbourg a mis en place en novembre 2012 un programme municipal Sport Santé qui prend en charge, pour une durée maximale de trois ans, les patients pour lesquels le médecin traitant a prescrit une activité sportive adaptée.

Ce programme (voir ci-dessous) a connu un succès certain et ce sont désormais 
une trentaine de villes françaises (et plusieurs villes européennes) qui ont suivi l'initiative alsacienne.

Le suivi de 2 cohortes de patients strasbourgeois montre une diminution de la sédentarité et une amélioration de la qualité de vie 
Lors des assises européennes du Sport Santé sur ordonnance d'octobre 2015, une large part a été faite aux résultats de l'expérience strasbourgeoise après 3 années de fonctionnement.

Le Dr Alexandre Feltz, adjoint au maire de Strasbourg en charge des politiques de santé et "père" de ce dispositif, a précisé qu'au cours de ces 3 années, environ 1 000 patients ont été pris en charge par le service municipal, dont 600 sont encore suivis et actifs à ce jour.

Le Dr Jehan Lecoq, coordinateur médical de ce programme, a présenté les résultats de 2 cohortes de 65 et 100 personnes, très similaires démographiquement (75 % de femmes, âge moyen 49 ans, le plus souvent souffrant d'obésité et/ou de diabète de type 2).

La première cohorte a significativement gagné en activité (score de Ricci-Gagnon T0 = 12, T6 mois = 18, T12 mois = 20,7). La seconde cohorte, suivie via le score GPAQ, est passée d'une durée moyenne quotidienne de sédentarité de 5,5 à 4,6 heures en six mois, avec un gain significatif de qualité de vie.
 
Un effet positif bien au-delà des effets organiques de l'activité physique
De manière intéressante, ce gain de qualité de vie a également été observé chez les patients les moins assidus. Cette observation est à rapprocher du fait que le bénéfice le plus fréquemment signalé par les patients a été la rupture de l'isolement social.

Une enquête sociologique menée en parallèle du suivi des cohortes par William Gasparini, de la Faculté des sciences du sport de Strasbourg, a confirmé qu'outre la rupture de l'isolement, les patients ont apprécié la gratuité de l'offre, l'encadrement et l'écoute des professionnels, qui leur ont permis de "sortir d'une carrière de malades". 

Des personnes faiblement sensibilisées au sport pendant leur scolarité (et souvent dispensées), intimidées par les structures sportives, ont ainsi pu se familiariser avec l'activité physique, sans craindre le regard des autres (les séances se faisant entre bénéficiaires du programme).

Ce programme strasbourgeois est gratuit la première année, puis exige une contribution solidaire les deux années suivantes. Il coûte 240 000 € annuellement (soit 400 € par patient et par an), financés par le Régime d'assurance maladie d'Alsace Moselle, l'État (via la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale), l'ARS locale et les Hôpitaux universitaires de Strasbourg.
 
Une initiative appréciée des médecins généralistes strasbourgeois
Les médecins généralistes présents aux Assises européennes se sont montrés enthousiasmés par les dispositifs comme celui de Strasbourg. Selon le Dr Pierre Tryleski, généraliste strasbourgeois, "grâce à ce relais fiable et pérenne, je ne suis plus dans l'incantation « Ne fumez plus / Faites du sport / Mangez équilibré ». C'est un nouvel outil à la disposition de mes patients".  

De fait, le millier de patients inscrits depuis trois ans à Strasbourg a été adressé par 180 praticiens, soit environ 50 % des généralistes locaux.

Une enquête Ifop réalisée auprès de 600 médecins généralistes français confirme leur adhésion à la prescription d'une activité physique
Cet intérêt vient d'être confirmé par une étude commandée à l'Ifop par Swiss Life à l'occasion de leur colloque santé annuel et effectuée auprès de 603 médecins généralistes. Les praticiens interrogés en septembre et octobre 2015 ont été 82 % à déclarer soutenir l'amendement de Valérie Fourneyron et 92 % à considérer la promotion de l'exercice physique comme l'une de leur responsabilités. Trois quarts d'entre eux prescrivaient déjà une activité physique.

Sur le possible financement de ces activités sportives, la moitié pensaient qu'elles devraient être financées par le patient, un quart par l'Assurance maladie et 19 % par les mutuelles.

Des chiffres différents de ceux cités par un panel de patients, dont 39 % étaient en faveur d'un financement par l'Assurance maladie, 35 % par les mutuelles et 15 % par les patients.
 
La nécessité d'un cadre de référence et de formation
Les médecins interrogés ont précisé qu'ils seraient plus à l'aise dans leur rôle de prescripteur de l'activité physique s'ils étaient formés dans ce sens (21 %) ou s'il avaient à disposition un référentiel ou un guide de prescription (26 %).

Une demande entendue par le Comité national olympique du sport français qui, par la voix du président de sa Commission médicale, le Dr Alain Calmat, a présenté à Strasbourg un projet de base de données destinée aux professionnels de santé.

Conçue et produite avec l'aide des comités Sport Santé des fédérations sportives, cette base fournira dans un premier temps les informations nécessaires pour prescrire un sport adapté aux seniors, aux personnes souffrant de maladies métaboliques et cardiovasculaires et à celles atteintes de cancer.

[édit 27/11] Pour l'activité physique elle-même, un encadrement effectué a priori par des professionnels titulaires d'un diplôme STAPS - APA
A Strasbourg, ce sont les titulaires d'un diplôme STAPS ("Sciences et techniques des activités physiques et sportives") orienté APA-S ("Activité Physique Adaptée et Santé") et enregistré au Répertoire National des Certifications Professionnelles qui ont encadré ces activités prescrites. 
 
Il devrait en être de même dans les autres régions, une fois le dispositif nationalisé, mais la réalisation et l'encadrement effectifs de ces activités dépendront probablement des fédérations sportives et des régions. [/édit]
 
Après le sport sur ordonnance, quel relais vers le sport tout court ?
Les résultats de l'expérience strasbourgeoise, pour positifs qu'ils soient, soulèvent la question du devenir des patients une fois le programme municipal terminé. En effet, les patients suivis dans le cadre de l'étude sociologique de William Gasparini évoquent leurs grandes difficultés pour sortir du dispositif et entrer dans le cadre commun des clubs de sport.

Le bénéfice du soutien entre pairs étant perçu comme essentiel, il semble important que les clubs songent à développer des séances particulières pour ce public, comme l'a fait la Fédération française d'athlétisme. Nul doute que les fédérations, toujours soucieuses d'augmenter le nombre de leurs adhérents, sauront mettre en place des activités suffisamment attractives pour ce public particulier.

Vers un cadre législatif pérénisant le développement de la prescription et de l'encadrement d'une activité physique sur l'ensemble du territoire
Au printemps 2015, Valérie Fourneyron, médecin du sport et ancien Ministre de la jeunesse et des sports, a fait voter par l'Assemblée nationale un amendement au projet de loi de modernisation du système de santé qui établit l'activité sportive comme thérapeutique non médicamenteuse.

Retoqué par le Sénat, cet amendement a été réintroduit dans le texte par la Commission des affaires sociales (article 35 bis A) et devrait être voté dans les prochains jours par les députés en seconde lecture.
 
En savoir plus : 
Le programme des 1ères assises européennes du Sport santé sur ordonnance, Strasbourg, octobre 2015.
Le rapport d'orientation sur le développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses validées, Haute autorité de santé, avril 2011.
L'amendement déposé par Valérie Fourneyron le 27 mars 2015
Les résultats de l'étude Swiss Life Ifop, enquête menée du 28 septembre au 7 octobre 2015.

Sur VIDAL.fr : 
Médicaments et thérapeutique : ce que changent les articles de la loi de santé (avril 2015)

Commentaires

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marycotonade Il y a 8 ans 0 commentaire associé
Et oui marcher monter les escaliers etc toute cette activité physique ne fait plus partie du quotidien.Il faut aujourd'hui un rapport financier pour remettre en marche des activités basales si bonnes pour la santé alors que le déficit des caisses d'assurance maladie ne cesse de croître.Mais où va t-on?
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