#Médicaments #AMM

Spécialités à base de nicorandil : restriction de l'indication et mises en garde supplémentaires

Suite à la mise en évidence du risque d'ulcération rapporté en 2012 avec les spécialités à base nicorandil (ADANCOR, IKOREL et génériques), le rapport bénéfice/risque des médicaments contenant ce principe actif a été réévalué.

Le nicorandil conserve son AMM dans le traitement de l'angor stable mais, désormais, uniquement en seconde intention, en cas d'échec, de contre-indication ou d'intolérance aux bêtabloquants et/ou antagonistes calciques.

L'information relative aux risques est également renforcée : le traitement par nicorandil doit être arrêté en cas de survenue d'une ulcération, quelle que soit la localisation. 

Par ailleurs, de nouvelles interactions et contre-indications ont été ajoutées aux AMM des spécialités de nicorandil. La posologie recommandée a également été modifiée.
David Paitraud 11 décembre 2015 02 mars 2017 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Le principal symptôme de l’angor est une douleur survenant derrière le sternum et apparaissant à l’effort ou lors d’une émotion (illustration).

Le principal symptôme de l’angor est une douleur survenant derrière le sternum et apparaissant à l’effort ou lors d’une émotion (illustration).


Nicorandil : désormais en seconde intention dans la prise en charge de l'angor stable
En raison du risque d'ulcération, l'indication des spécialités de nicorandil a été restreinte au traitement de seconde intention de l'angor stable (Cf. VIDAL Reco Angor stable).

Ces spécialités doivent être désormais utilisées uniquement "chez les patients insuffisamment contrôlés ou présentant une contre-indication ou une intolérance aux traitements anti-angineux de première intention tels que les bêtabloquants et/ou les antagonistes calciques".

Cette décision repose sur une réévaluation du rapport bénéfice/risque par la Commission de suivi du rapport entre les bénéfices et les risques des produits de santé de l'ANSM en avril 2014 (compte-rendu, page 4), qui a conclu à  :
  • l'efficacité du nicorandil comme anti-angineux ;
  • sa non-supériorité par rapport aux autres anti-angineux ;
  • un risque important d'ulcération.

En cas d'ulcération, quelle que soit la localisation, arrêter le nicorandil
La survenue d'une ulcération, quelle que soit la localisation (cf. détails ci-dessous), doit conduire à un arrêt du traitement par nicorandil

En effet, ce type d'ulcères ne répond pas à un traitement classique, y compris la chirurgie. La guérison des ulcères peut donc prendre des semaines ou des mois selon leur gravité.

Une consultation cardiologique est recommandée si l'arrêt du traitement aggrave les symptômes de l'angor.

De nouvelles interactions médicamenteuses 
Les AMM (autorisation de mise sur le marché) des spécialités de nicorandil ont été complétées afin d'intégrer les nouvelles interactions médicamenteuses suivantes :

Contre-indiquées :
La coprescription de nicorandil avec des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (sildénafil, tadalafil, vardénafil) était déjà contre-indiquée. Désormais, la coprescription avec des stimulateurs de la guanylate cyclase soluble tels que le riociguat (ADEMPAS) est également contre-indiquée. Cette association peut entraîner une baisse importante de la pression artérielle.

A prendre en compte : 
  • Aspirine, anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) et corticostéroïdes : leur prise concomitante avec le nicorandil augmente le risque d'ulcérations gastro-intestinales, de perforations et d'hémorragies.
  • Médicaments qui augmentent les taux de potassium, en particulier chez les patients souffrant d'insuffisance rénale modérée à sévère.
  • Dapoxétine (PRILIGY), en raison d'une diminution possible de la tolérance orthostatique.

Rappel : les risques d'hypotension résultant de l'association de nicorandil et de médicaments abaissant la pression artérielle étaient déjà à prendre en compte. 

De nouvelles contre-indications et précautions d'emploi
Le nicorandil était déjà contre-indiqué en cas de choc (notamment choc cardiogénique), d'hypotension sévère ou de dysfonction ventriculaire gauche. Il est maintenant également contre-indiqué en cas :
  • d'hypovolémie
  • d'œdème aigu du poumon.

Et il doit désormais être utilisé avec prudence :
  • chez les patients présentant une insuffisance cardiaque de classe NYHA III ou IV ;
  • chez les patients présentant un déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) (prendre en compte le risque de méthémoglobinémie).

Modifications des posologies
Les posologies recommandées sont désormais les suivantes :
  • posologie initiale habituelle : 10 mg 2 fois par jour, de préférence le matin et le soir. Une dose initiale plus faible de 5 mg 2 fois par jour peut être envisagée chez les patients particulièrement sujets aux céphalées (effet indésirable très fréquent du nicorandil causé par une vasodilatation cérébrale) ;
  • posologie usuelle : 10 à 20 mg 2 fois par jour ;
  • augmentation progressive de la posologie en fonction des besoins, de la réponse et de la tolérance du patient, jusqu'à 40 mg 2 fois par jour si nécessaire. 

Retour sur le risque d'ulcération : des signalements à différents endroits du corps depuis 1997
Le nicorandil est un vasodilatateur artériel et veineux, indiqué depuis 1992 dans le traitement de la crise d'angor, effectivement disponible sur le marché depuis 1994.

Les premiers cas d'ulcération, au niveau de la bouche, ont été rapportés en 1997. Des ulcérations anales liées à la prise de nicorantil ont ensuite été signalées en 2002, au niveau intestinal en 2004, puis au niveau de la vulve et du périnée en 2005. En 2006, des ulcérations ont été signalées au niveau cutané, suivies de mentions de fistules en 2007 et d'ulcérations du pénis en 2008. En 2011, un cas grave de perforation du prépuce a été rapporté. 

Suite à ces notifications successives, une enquête nationale de pharmacovigilance a été mise en place en 2012.

Une première information sur ce risque a été diffusée aux professionnels de santé en 2012 (voir notre article du 26 mars 2012), soulignant l'importance d'arrêter le traitement en cas de survenue d'une ulcération. 

Le mécanisme en jeu n'est pas connu à ce jour.

Des ulcérations à toutes les doses, souvent graves et apparaissant parfois à plusieurs endroits simultanément
Les données françaises de pharmacovigilance indiquent que :
  • 45 cas d'ulcérations ont été notifiés en France entre 2008 et 2011, 
  • 48 cas ont encore été notifiés entre décembre 2011 et mars 2014, dont 35 graves comprenant des perforations gastro-intestinales et des hémorragies.

D'une façon générale, la majorité des ulcérations sont graves (nécessitent une hospitalisation). 

Le taux de notification est estimé à 1 cas pour 13 000 patients, mais l'incidence augmente avec la dose de nicorandil.

Elles sont observées à toutes les doses, de 10 à 40 mg, avec un taux de survenue plus élevé pour les doses supérieures à 20 mg (72 % des patients). 

Leur délai d'apparition est très variable, voire même tardif. Des ulcérations ont été rapportées après plusieurs années de traitement, ce qui est susceptible de retarder le diagnostic. 

Les ulcères peuvent apparaître en même temps ou successivement chez un même patient, à des localisations différentes (peau, muqueuses, oeil).

Les facteurs de risque d'ulcération 
Les facteurs de risque d'ulcération actuellement connus sont les suivants : 
  • une dose de nicorandil supérieure à 20 mg/j (ce qui n'exclut pas la survenue d'ulcération à des doses plus faibles) ; 
  • la diverticulose colique est un facteur de risque de fistules et de perforation ; 
  • l'association avec l'aspirine représente un facteur de risque de complications hémorragiques.

Mais un risque d'ulcération insuffisamment connu des prescripteurs, des pharmaciens et des patients
Les données pharmacovigilance ont montré que cette première alerte s'est avérée insuffisante (cf. chiffres ci-dessus entre 2011 et 2014). 

En conséquence, l'EMA (Agence européenne du médicament) a demandé à chaque Etat Membre de renforcer l'information sur ce risque auprès des prescripteurs, des pharmaciens et des patients, d'où les modifications, énumérées ci-dessus, des mentions légales des produits contenant du nicorandil.

Pour aller plus loin
Communiqué - Nicorandil- Ne pas utiliser en traitement de première intention pour l'angor : risque d'ulcérations - Arrêter le traitement en cas d'apparition d'ulcérations (ANSM, 11 décembre 2015)
Lettre aux professionnels de santé - Cardiologues, médecins généralistes, gastro-entérologues, dermatologues, gynécologues, ophtalmologues, ORL, chirurgiens maxillo-facial, radiologues, orthodontistes, parodontistes, dentistes, urgentistes, gériatres, médecins internistes, pharmaciens hospitaliers et d'officine (sur le site de l'ANSM, 11 décembre 2015)
Compte-rendu de réunion du 8 avril 2014 - Commission de suivi du rapport entre les bénéfices et les risques des produits de santé (ANSM)

Sur VIDAL.fr
Nicorandil, risque d'ulcérations graves (26 mars 2012)
 

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