#Médicaments

Hépatite C : les indications des antiviraux d’action directe vont bientôt être étendues à tous les patients atteints

Le 25 mai 2016, la Commission de la transparence a préconisé une extension des indications des antiviraux d’action directe (AAD) contre le virus de l’hépatite C (VHC)  aux patients souffrant de fibrose de stade 2 et à ceux à risque de progression rapide.

Cette préconisation a été relayée le jour même par Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, qui s'est engagée à l'entériner en signant un arrêté "dans les prochains jours". 

De plus, une nouvelle et éventuelle extension de cette indication aux patients souffrant de fibrose aux stades F0 et F1 est à l’étude. L’avis de la Commission sur le sujet est attendu pour septembre 2016.

Si cette extension est retenue par la Commission, cela ouvrirait les portes à un accès universel à ces traitements pour toutes les personnes infectées chroniquement par le VHC (environ 200 000 personnes en France). Marisol Touraine s'est en effet également engagée, le 25 mai, à mettre rapidement en oeuvre cette recommandation de la Commission. 

Une telle ouverture à tous pourrait passer par une renégociation des prix avec les laboratoires, afin de contenir les dépenses de santé. 
Stéphane Korsia-Meffre 30 mai 2016 02 juin 2016 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
1
2
3
4
5
(aucun avis, cliquez pour noter)
Publicité
De nouvelles indications pour les antiviraux d'action directe contre l'hépatite C (illustration, © SOS Hépatites).

De nouvelles indications pour les antiviraux d'action directe contre l'hépatite C (illustration, © SOS Hépatites).


Selon une étude publiée en mai 2016 dans le BEH (Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire), il y avait en 2011, en France, 192 700 personnes présentant une hépatite C chronique. Pour l'instant, en France, seules les personnes les plus sévèrement atteintes ont accès aux nouveaux traitements, très efficaces mais chers (actuellement plus de 40 000 euros par patient).

Cependant, Marisol Touraine vient d'annoncer que la population cible de ces traitements va être rapidement élargie,jusqu'à un possible accès pour tous les patients infectés, du moins s'ils le souhaitent (ces médicaments ne sont pas dénués de risques, d'où l'importance d'un choix éclairé).

Rappel :  les AAD, de nouveaux traitements de l'hépatite C très efficaces, initialement réservés aux fibroses sévères et aux personnes à risque élevé de transmission
Entre mai 2014 et avril 2015, la Commission de la transparence a évalué 5 spécialités d'antiviraux d'action directe (AAD) contre le virus de l'hépatite C : le sofosbuvir (SOVALDI), daclatasvir (DAKLINZA), le siméprévir (OLYSIO), une association fixe de sofosbuvir et de lédipasvir (HARVONI), une association fixe d'ombitasvir, paritaprévir et ritonavir (VIEKIRAX) et le dasabuvir (EXVIERA).

Elle a également émis des recommandations définissant les patients à qui ces AAD pouvaient être proposés (voir notre article de juillet 2014) :
  • en priorité, tous les patients dont la maladie était au stade de fibrose hépatique F3 ou F4 ;
  • certaines populations particulières, indépendamment du degré de fibrose hépatique, tels que les patients en attente de transplantation d'organe (quel que soit l'organe), les femmes ayant un désir de grossesse, les usagers de drogues, les patients co-infectés par le VIH, les personnes incarcérées ainsi que les patients présentant des manifestations extra-hépatiques du virus de l'hépatite C.

Concernant les patients au stade de fibrose hépatique F0 ou F1 asymptomatiques, considérant l'évolution très lente de la maladie, la Commission avait estimé que le traitement pouvait être différé, en fonction de l'évolution de la fibrose et dans l'attente d'une clarification des stratégies thérapeutiques.

La situation des personnes souffrant de fibrose de stade F2 devait être reconsidérées dans un futur proche, mais l'appréciation de la nécessité d'un traitement dans les formes F2 sévères était laissée aux prescripteurs.
 
En pratique, les patients prioritaires ont été en majorité traités depuis 2014
Depuis ces avis, les patients ciblés par les recommandations de la Commission de la transparence ont été, pour leur grande majorité, traités. Il s'agissait d'adultes :
  • au stade de fibrose hépatique F3 ou F4 ;
  • au stade de fibrose hépatique F2 sévère, sans que ce terme soit défini ;
  • et, quel que soit le stade de fibrose hépatique, des patients co-infectés par le VIH, ceux atteints de cryoglobulinémie mixte (II et III) systémique et symptomatiques, et ceux atteints de lymphome B associé au VHC.

Les patients au stade de fibrose hépatique F2 non sévère n'ont a priori pas été traités. Le 19 mai 2016, la Ministre de la Santé a saisi la Commission pour un avis concernant le traitement de ces patients (mais pas pour ceux souffrant de fibrose aux stades F0 et F1).
 
25 mai 2016 : un nouvel avis de la Commission de la transparence  se prononce pour l'extension des indications des AAD
Le 25 mai 2016, la Commission de la transparence a publié un avis sur les patients atteints de fibrose de stade F2 et précise de nouvelles populations de patients à qui proposer les AAD, dans une approche individuelle (soins) ou collective (prévention de la transmission du VHC).

Concernant l'approche individuelle, au-delà des patients déjà concernés par ces traitements depuis 2014,  les AAD devraient, selon la Commission, être proposés à tous les patients souffrant de fibrose hépatique de stade 2. De plus, quel que soit le stade de fibrose, les AAD devraient aussi être indiqués :
  • pour les patients souffrant d'une infection hépatique par un VHC de génotype 3 ;
  • pour les patients greffés ;
  • pour les patients présentant des facteurs de risque de progression rapide de la maladie hépatique (consommation excessive d'alcool, syndrome métabolique, co-infection par un autre virus à tropisme hépatique).

Concernant l'approche collective, la Commission préconise l'extension l'indication des AAD, au delà des populations déjà ciblées, aux femmes enceintes (en prenant en compte les risques pour le fœtus) et aux "autres personnes susceptibles de disséminer l'infection par le VHC", quel que soit leur stade de fibrose hépatique.

La Commission de la transparence rappelle également que l'Agence européenne du médicament (EMA) a signalé en avril 2016 deux complications possibles du traitement par les AAD :
  • un risque de récidive de carcinomes hépatocellulaires chez certains malades traités par ces médicaments ;
  • un risque de réactivation du virus de l'hépatite B chez certains malades co-infectés VHB/VHC et traités par les antiviraux d'action directe contre le VHC.

Marisol Touraine s'apprête à signer un arrêté qui entérinera les préconisations de la HAS
A l'occasion de la Journée de lutte contre les hépatites virales, le 25 mai, Marisol Touraine a annoncé que "s'agissant des patients F2, des patients transplantés ou en attente de greffe ainsi que des populations vulnérables tout stade de fibrose confondu dans la mesure où ils sont les plus exposés, je signerai l'arrêté d'extension, après avoir reçu l'avis de la Commission de la transparence, dès les prochains jours".

Nous publierons un nouvel article lorsque cet arrêté sera publié (ce n'est pas le cas à ce jour), afin d'entériner le libellé précis de cette extension d'indication.

Nouvelle extension d'indication à tous les patients contaminés annoncée pour fin 2016
Pour les personnes infectées par le VHC présentant un stade de fibrose hépatique F0 et F1, la Ministre de la Santé a également annoncé le 25 mai avoir saisi la Haute Autorité de santé pour un avis sur le sujet qui devrait être publié en septembre 2016. Des experts de l'Agence nationale de recherche sur le SIDA et les hépatites virales et du Conseil national du sida doivent également travailler sur cette question.

Cette population comprend, entre autres, environ 60 000 personnes transfusées avant 1992, qui ne sont a priori pas concernées par la première extension d'indication.

Cet avis pourrait donc ouvrir les portes à un accès universel aux AAD pour toutes les personnes infectées par le VHC, du moins si elles le souhaitent, comme l'a précisé la ministre le 25 mai : "aujourd'hui, je décide l'accès universel aux traitements de l'hépatite C. Le recours à ce traitement, comme à tout traitement, ne doit dépendre que du choix du patient, éclairé par son médecin, dans le cadre de leur colloque singulier. Le patient doit pouvoir décider en fonction de son appréciation personnelle des avantages et des inconvénients d'être traité, avantages et inconvénients qu'il appartient au médecin d'exposer".
 

Pour aller plus loin
 
L'Avis de la Commission de la Transparence du 25 mai 2016 sur les conditions de prescription des AAD dans le traitement de l'hépatite C
 
Discours de Marisol Touraine - Journée de lutte contre les hépatites virales, 25 mai 2014
 
Le site de SOS Hepatites, association qui a combattu pour ces extensions d'indication et se réjouit donc de la décision annoncée de Marisol Touraine (l'illustration de cet article provient de ce site)

L'étude épidémiologique sur l'hépatite C publiée le 17 mai 2016 dans le BEH
Estimation de la prévalence de l'hépatite C en population générale, France métropolitaine, 2011

L'étude sur le risque de récidive de carcinomes hépatocellulaires chez certains malades traités par les AAD
Reig, M., et al. « Unexpected early tumor recurrence in patients with hepatitis C virus-related hepatocellular carcinoma undergoing interferon-free therapy: a note of caution », J Hepatol. 2016 Apr 12. pii: S0168-8278(16)30113-1.

Sur VIDAL.fr : 
VIDAL Reco "Hépatite C", en particulier l'arbre décisionnel et la partie "Traitements"
VIEKIRAX (ombitasvir, paritaprévir, ritonavir) : utilisation non recommandée en cas d'insuffisance hépatique modérée (janvier 2016)
Reprise de la hausse des dépenses de médicaments de ville liée aux nouveaux traitements de l'hépatite C (octobre 2015)
Antiviraux d'action directe contre l'hépatite C : éviter la prescription conjointe d'amiodarone (avril 2015)
Hépatite C chronique et comorbidités : quelles stratégies thérapeutiques ? (janvier 2015)
Stratégie thérapeutique dans l'hépatite C : les recommandations de la HAS (juillet 2014)
 

Commentaires

Ajouter un commentaire
En cliquant sur "Ajouter un commentaire", vous confirmez être âgé(e) d'au moins 16 ans et avoir lu et accepté les règles et conditions d'utilisation de l'espace participatif "Commentaires" . Nous vous invitons à signaler tout effet indésirable susceptible d'être dû à un médicament en le déclarant en ligne.
Pour recevoir gratuitement toute l’actualité par mail Je m'abonne !
Presse - CGU - Données personnelles - Politique cookies - Mentions légales - Contact webmaster