#Médicaments #Bon usage

Médicaments à risque pour la sécurité routière : les pictogrammes sur les boîtes s'avèrent insuffisants

Depuis 2007, les médicaments pouvant entraîner une baisse de la vigilance chez les automobilistes sont identifiés par des pictogrammes de couleur et un message d'avertissement.

Une équipe de l'Inserm s'est intéressée pour la première fois à l'utilité de ces signaux mentionnés sur les boîtes de benzodiazépines et des z-hypnotiques (zolpidem et zopiclone).

Les résultats de leur travail ont été publiés dans le British Journal of Clinical Pharmacology.


Leur étude menée sur près de 143 000 personnes montre que, depuis leur mise en place, ces pictogrammes n'ont pas permis de réduire le nombre d'accidents de la circulation impliquant un conducteur prenant un de ces médicaments. Entre 2005 et 2011, ils notent même une augmentation globale du nombre de conducteurs sous benzodiazépines anxiolytiques responsables d'accidents de la route. Le constat est le même pour les médicaments hypnotiques.

Sans les remettre en cause, les auteurs estiment que ces pictogrammes de couleur ne suffisent pas et qu'ils doivent être complétés par des mesures de sensibilisation des consommateurs. Le renforcement de ces informations doit s'appuyer sur des actions de prévention par la police nationale et par une mobilisation des professionnels de santé, lors de la prescription ou de la délivrance de ce type de médicaments.
David Paitraud 01 septembre 2016 Image d'une montre5 minutes icon 2 commentaires
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Dépliant d'information et de sensibilisation du grand public sur les risques de certains médicaments au volant, édité par l'ANSM en 2008 (capture d'écran - illustration).

Dépliant d'information et de sensibilisation du grand public sur les risques de certains médicaments au volant, édité par l'ANSM en 2008 (capture d'écran - illustration).


Le British Journal of Clinical Pharmacology (BJCP) a publié au mois d'août une étude française évaluant l'intérêt des pictogrammes d'avertissement à destination des automobilistes mentionnés sur les conditionnements des benzodiazépines et hypnotiques apparentés (zopiclone et zolpidem). 

Dirigée par une équipe de l'Inserm de Bordeaux, cette étude est la première à établir l'impact de ces mesures en prévention routière.

Rappel sur les pictogrammes : 3 niveaux de risque 
Les médicaments susceptibles de modifier la vigilance sont considérés comme dangereux en cas de conduite automobile. 
Les données actuelles indiquent que 3 % des accidents de la circulation sont associés à la prise de médicaments.

Différents niveaux de risque ont été identifiés et pour chaque niveau
(cf. point d'information de l'ANSM, 2005) et un pictogramme a été mis en place en 2005 afin d'alerter le patient sur ce danger : 

  • le niveau 1 (triangle jaune) : le risque existe, le patient doit être prudent
  • le niveau 2 (triangle orange) : le risque est plus élevé, le patient doit être très prudent
  • le niveau 3 (triangle rouge) : le risque est important. Le patient ne doit pas conduire
En pratique, ces pictogrammes sont mentionnés sur les boîtes de médicaments concernés depuis 2007.

Rappelons qu'avant 2005, les médicaments jugés à risque pour la conduite automobile étaient signalés par un triangle simple, sans définition de niveau de risque.

Les benzodiazépines et hypnotiques sont classés en niveau 2 ou 3
L'ANSM a publié en mars 2009 une mise au point sur les niveaux de risque des différents médicaments. Parmi ces derniers : 
  • Les benzodiazépines à visée anxiolytique, qui sont classées en niveau 2, et en niveau 3 pour les formes parentérales ou fortement dosées (risuqe de somnolence, de troubles de l'humeur) dans le cadre de la conduite automobile ;
  • Les z-hypnotiques sont classés en niveau 3 (risque élevé de somnolence, d'endormissement, y compris à distance de la prise) dans le cadre de la conduite automobile.

L'Inserm a croisé les données de l'assurance maladie et celles de la sécurité routière
Pour procéder à leur analyse, les auteurs de l'étude publiée dans le BJPC ont recueilli et croisé les données issues de l'Assurance maladie, des rapports de police et de la police nationale. L'étude se limite aux médicaments de la classe des benzodiazépines et apparentés (les z-hypnotiques), et ne comprend pas les autres médicaments influençant la vigilance. 

Comparaison des données recueillies avant et après le déploiement des pictogrammes colorés, avec groupe contrôle
L'étude démarre sur les données recueillies depuis juillet 2005, avant la mise en place des pictogrammes colorés afin d'évaluer l'intérêt de ces nouveaux signaux, et s'achève sur les données de décembre 2011. 

Au total, près de 143 000 personnes impliquées dans des accidents de la circulation ont été incluses dans cette étude

Parmi les conducteurs impliqués dans un accident, les auteurs ont distingué ceux qui étaient responsables de l'accident et ceux qui ne l'étaient pas et ont nétudié leur consommation de médicaments. 

En outre, un groupe contrôle a été formé à partir d'individus de la population générale non connus comme impliqués dans un accident de la route (pour les 2 dernières périodes uniquement).

L'étude a été donc découpée en 4 périodes : 
  • juillet 2005 à décembre 2006, c'est-à-dire avant la mise en place effective du pictogramme de couleur et gradué ;
  • janvier 2007 à mai 2008, qui correspond à la période juste après l'introduction effective des pictogrammes à 3 niveaux sur les conditionnements ;
  • juin 2008 à décembre 2009. En juin 2008, l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a informé les professionnels de santé sur ces pictogrammes ; 
  • janvier 2010 à décembre 2011

Résultats : une diminution seulement temporaire de l'association "prise d'un médicament à risque" et accident de voiture, remontée à partir de 2009
Les auteurs ont constaté :
  • juillet 2005 à décembre 2006 : l'exposition à des benzodiazépines étaient associée à un sur-risque de 42 % (OR 1,42 ; IC95% [1,24 - 1,62], p < 0,01) d'être responsable d'un accident de la route ;
  • janvier 2007 à mai 2008 : ce sur-risque s'est estompé pour devenir non significatif, diminuant à + 8 % (OR 1,08 ; IC95% [0,93 - 1,26], NS), juste après la mise en place des pictogrammes ;
  • juin 2008 à décembre 2009 : remontée du surrisque d'accidents sous benzodiazépines, à 19 % (OR 1,19 ; IC95% [1,03 - 1,37], p < 0,01) ;
  • janvier 2010 à décembre 2011 : remontée encore plus nette, à + 35 % (OR 1,35 ; IC95% [1,18 - 1,54], p < 0,0001), surrisque significatif d'une valeur proche du niveau de surrisque d'avant la mise en place des pictogrammes.

Analyse par type de médicament : légèrement plus d'accidents sous benzodiazépines ou hypnotiques en 2011 par rapport à 2005
Les auteurs ont extrait de ces données le pourcentage de personnes sous médicaments à risques et responsables d'un accident : 
  • pour les benzodiazépines anxiolytiques : malgré une baisse de la prévalence en période 2 et 3, le nombre de personnes sous benzodiazépines anxiolytiques responsables d'un accident a augmenté entre 2005 (4,7 %) et 2011 (5 %) ;
  • pour les benzodiazépines hypnotiques : le nombre de personnes sous benzodiazépines hypnotiques responsables d'un accident en 2011 est revenu à son niveau de 2005 (0,5 %)
  • pour les z-hypnotiques : la prévalence a augmenté pour atteindre 2,1 % en 2011 (1,9 % en 2005).

En conclusion, les pictogrammes ne suffisent pas. Les auteurs suggèrent donc de renforcer l'information et la communication directe
Cette étude est la première à évaluer l'impact des pictogrammes à 3 niveaux apposés sur les médicaments anxiolytiques et hypnotiques de type benzodiazépines et apparentés, sur les accidents de la route.

L'augmentation des accidents parmi les personnes sous benzodiazépines ou apparentés, malgré la mise en place des ces signaux d'alerte sur les conditionnements, indique le besoin d'un renforcement de la prévention.

Les auteurs soulignent que cette prévention doit s'appuyer sur la police nationale mais également sur les professionnels de santé, notamment les médecins et les pharmaciens. 

En 2005 puis en 2008, l'ANSM a émis des documents d'information à destination de ces professionnels, ainsi qu'un dépliant pour le grand public et une liste de questions-réponses.

Les auteurs estiment aussi qu'il serait intéressant de compléter cette première étude par une évaluation de l'intérêt de ces pictogrammes élargie à l'ensemble des médicaments exposant à une baisse de la vigilance. En 2012, l'ANSM avait sensibilisé les professionnels de santé sur les risques associés aux antidépresseurs (voir notre article).

Réaction des autorités en charge de la sécurité routière : une campagne de sensibilisation à venir
Suite à cette étude, le délégué interministériel en charge de la sécurité routière a annoncé un réamorçage de la mobilisation des médecins et des pharmaciens pour informer les conducteurs sur les dangers de certains médicaments, ainsi qu'une actualisation de la liste des médicaments dangereux ou incompatibles avec la conduite automobile.

Le calendrier de ces différentes mesures n'a pas été communiqué à ce jour.

Pour aller plus loin
Road traffic crash risk associated with benzodiazepine and z-hypnotic use after implementation of a colour-graded pictogram: a responsibility study - Inserm (British Journal of Clinical Pharmacology, 21 août 2016) :
Médicaments et conduite automobile : de nouveaux pictogrammes plus informatifs (ANSM, 22 septembre 2005)

Médicaments et conduite automobile - Actualisation, ANSM (ex Afssaps), mars 2009 


Sur VIDAL.fr
Les antidépresseurs : des dangers sur la route (29 août 2012)
Sécurité routière : impact des médicaments sur la conduite automobile (19 novembre 2010)


 
Sources

Commentaires

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azuba88 Il y a 7 ans 1 commentaire associé
cela veut il dire qu' à partir du moment où on prend une de ces molécules (benzodiazépines, zopiclone, ou antideprésseurs, à fortiorir les trois, ), on ne peut plus conduire du tout??? ou pas la nuit? il n'est mentionné aucune notion par rapport aux accidents survenus, du rôle joué , ou non par rapport à l'horaire de la prise médicamenteuse, et la distance entre cette prise et la survenue d'un accident. un patient prenant de la zopiclone: ne peut plus conduire la nuit, ou plus conduire du tout?? (idem pour les BZP) merci de la réponse
Modérateur Médecine générale Il y a 7 ans 0 commentaire associé
Bonsoir, C'est à voir avec votre médecin traitant, qui peut évaluer votre niveau de somnolence, de risque au volant avec ces traitements. La prise de zopiclone, par exemple, a des effets perceptibles de courte durée, mais peut augmenter les risques de somnolence pendant 12 h : "afin de minimiser ce risque, une période de repos ininterrompue de 12 heures minimum est recommandée entre la prise de zopiclone et la conduite automobile, l'utilisation des machines ou tout travail en hauteur." Bien à vous
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