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Chimiothérapie et chute de cheveux : deux études confirment l'intérêt du port d'un casque réfrigérant

Le refroidissement du cuir chevelu par le port d’un casque réfrigérant est utilisé dans plus de 30 pays pour tenter de réduire la chute de cheveux liée à une chimiothérapie, phénomène angoissant, pénible et stigmatisant. Mais est-ce vraiment efficace ?
 
Deux études plus vastes que les précédentes, étayent et complètent les connaissances sur ce sujet : oui, c’est efficace, avec différences chimiothérapies et chez au moins la moitié des femmes qui ont porté le casque. Non seulement pour enrayer la perte des cheveux, mais aussi, certes logiquement, pour améliorer le vécu au quotidien et l’estime de soi.
 
Cela demande par contre, côté système de soins, des investissements, et, côté patientes, encore davantage de volonté, courage et persévérance : si ce dispositif est utilisable et bien supporté, son usage va augmenter la durée et les contraintes des séances de chimiothérapie déjà lourdes.
 
Mais ces résultats positifs, sur lesquels nous revenons ci-dessous, permettent d’espérer un meilleur vécu, voire une meilleure évolution de la vie de la patiente sous chimiothérapie, souligne l’éditorial du JAMA consacré à ces deux études publiées dans la même revue américaine.
Claire Lewandowski 23 février 2017 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Deux patientes atteintes d'un cancer du sein équipées d'un casque réfrigérant électrique pendant leur chimiothérapie (® PAXMAN).

Deux patientes atteintes d'un cancer du sein équipées d'un casque réfrigérant électrique pendant leur chimiothérapie (® PAXMAN).

 
Un "bonnet glacé" pour tenter de protéger les cheveux des effets délétères de la chimiothérapie
 La chimiothérapie endommage les cellules des cheveux (les rendant fragiles, cassants) et empêche leur renouvellement (atteinte du bulbe de croissance situé dans le cuir chevelu).
 
La vasoconstriction induite par le refroidissement diminue les possibilités d'absorption au niveau du cuir chevelu et donc  permettrait de réduire l'impact de la chimiothérapie au niveau des bulbes et des cheveux.
 
Deux approches techniques existent :
 
- un casque, ou bonnet, contenant des poches de gel glacées au congélateur, qui doivent être remplacées très régulièrement, dans l'idéal toutes les 15 minutes.
- un casque électrique avec circulation d'un liquide de refroidissement, fonctionnant en continu à température constante, plus cher mais moins astreignant pour la personne concernée et le personnel.
 
Première étude (randomisée) : 186 patientes sous anthracycline et / ou taxane : 119 avec un casque, 63 sans casque
Cette étude randomisée (Nangia J et coll., JAMA, 14 février 2017) a cherché à évaluer l'impact du casque réfrigérant électrique anglais PAXMAN, à température continue, sur la chute de cheveux de femmes atteintes d'un cancer du sein localisé, avec ou sans atteinte ganglionnaire, mais dans tous les cas sans métastases (stade I ou II).
 
Ces femmes ont été traitées par une chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante à base d'anthracycline et / ou d'une taxane (
docétaxelpaclitaxel, cabiza).
 
Cette étude a été conduite dans 7 centres auprès, initialement, de 186 femmes, dont 119 sous casque réfrigérant (porté 30 minutes avant chaque séance, pendant les séances et 90 minutes après) et 63 sans casque.
 
Evaluation de la préservation, ou non, des cheveux, de la qualité de vie, de l'état psychique et de l'image que les patientes ont d'elles-mêmes
Le critère principal de cette étude randomisée était le degré d'une éventuelle perte de cheveux, mesuré par une échelle d'évaluation (CTCAE v4.0) complétée par les médecins (qui ne savaient pas si la patiente faisait, ou non, partie du groupe "casque") et les patientes. Cette évaluation s'est faite au début puis après chaque cycle de la chimiothérapie.
 
Les autres critères d'évaluation concernaient la qualité de vie (questionnaire européen EORTC QLQ-C30), l'existence et l'intensité d'une éventuelle anxiété et / ou dépression (HADS) et l'image de soi (questionnaire Body Image Scale).
 
Le suivi s'est fait sur les 4 premiers cycles de la chimiothérapie, à la fin de cette dernière puis au cours des visites régulières sur 5 ans.
 
Résultats : 50 % de femmes ont préservé leurs cheveux sous casque, 0 % sans casque
Au bout de 4 cycles de chimiothérapie, il ne restait plus que 142 patientes à évaluer (95 sous casque et 47 sans), les autres s'étant retiré de l'essai ou ne correrpondant plus aux conditions de l'étude (changement de traitement, interruption puis reprise, etc.).
 
 Sur ces 142 patientes, 51 étaient sous anthracycline, 91 sous taxane.
 
La chevelure des patientes a été préservée avec succès dans 1 cas sur 2 dans le groupe "casque" (48 sur 95). A l'inverse, aucune des femmes sans casque n'ont gardé leurs cheveux..
 
Echelles de qualité de vie, stress, etc. : pas de changement au bout du 4e cycle
L'utilisation des différentes échelles d'évaluation psychologiques n'a malheureusement été faite qu'au bout de 4 cycles, et non à la fin de la chimiothérapie et à distance.
 
Les analyses ne montrent, à ce stade, pas de différence significative (par contre, la deuxième étude, qui comportait un suivi plus long sur ce plan, montre des résultats intéressants, cf. infra).
 
Effets secondaires peu fréquents et quasiment tous "attendus"
Une douzaine de patientes sous casques se sont plaintes de maux de tête, 4 ont éprouvé des nausées, 3 des vertiges. D'autres effets secondaires (prurit, sécheresse de la peau, frissons, douleur, ulcération de la peau, sensations de fourmillements) ont chacun été rapportés par une seule femme.
 
Ces chiffres, recueillis après la première séance, sont tous en diminution lors des cycles suivants (habitude ?).
 
Deuxième étude (non randomisée) : 106 patientes sous chimiothérapie orale (hors anthracyclines) avec un casque, comparées à 16 patientes sans casque et suivies pendant 5 ans
Cette étude de cohorte prospective (Rugo HS et coll., JAMA, février 2017) a cherché à évaluer si l'utilisation d'un casque de refroidissement électrique suédois (DigniCap, Dignitana AB) est associé à une diminution de la chute des cheveux et à une amélioration de qualité de vie, dans une population de femmes traitées pour un cancer du sein localisé (stade I ou II) par une chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante (essentiellement docétaxel seul, paclitaxel seul, docétaxel + cyclophosphamide ou docétaxel + carboplatine).
 
Cette étude américaine a été menée auprès de 5 centres médicaux traitant des femmes atteintes d'un cancer du sein de stade I ou II.
 
Au total, 106 patientes ont pu utiliser un casque de refroidissement et ont été appariées pour le schéma thérapeutique à un groupe témoin de 16 patientes. L'étude comportait un suivi annuel continu pendant 5 ans (suivi médian de 29,5 mois).
 
Un casque maintenu à 3°, une évaluation de la chute de cheveux et de la qualité de vie
Le système de refroidissement du cuir chevelu a été utilisé 30 minutes avant chaque cycle de chimiothérapie, avec une température du cuir chevelu maintenue à 3°C tout au long de la séance puis pendant 90 à 120 minutes.
 
Le critère principal d'évaluation est la prévention de la perte de cheveux 4 semaines après l'arrêt de tous les cycles de chimiothérapie avec un score de Dean de 2 maximum (perte de cheveux de moins de 50 %, limite inférieure de l'IC à 95 % supérieure à 40 % de la proportion de succès) autoévalué par la patiente et évaué par les médecins sur des photographies.
 
La qualité de vie a été évaluée au départ, au début du dernier cycle de chimiothérapie, et un mois plus tard, ainsi que la tolérance, les effets secondaires.
 
Résultats : 2 femmes sur 3 ayant utilisé le casque ont perdu moins de la moitié de leurs cheveux
Parmi toutes les 122 patientes de l'étude (âgées de 53 ans en moyenne) la durée moyenne de la chimiothérapie était de 2,3 mois (médiane de 2,1 mois).
 
Une perte de cheveux de 50 % ou moins (score Dean de 0 à 2) a été observée chez 67 patientes sur 101 dans le groupe "casque". Voici un exemple extrait de la publication du JAMA : 


En pratique, ce taux de réussite de 50 % a permis à 33 % des femmes de ne pas utiliser de perruque ou de foulard.
 
Aucune patiente du groupe témoin n'a eu un tel score.
 
Pas de différence constatée en fonction de plusieurs critères
Les auteurs n'ont pas constaté de différence selon l'épaisseur et la qualité des cheveux (autoévaluée par la patiente), l'ancienneté de la chimiothérapie, l'âge médian, la masse corporelle ou l'utilisation d'une thérapie hormonale antérieure.
 
Près de 3 femmes sur 4 n'ont pas ressenti d'altération de leur estime physique d'elles-mêmes
En ce qui concerne la qualité de vie, 3 mesures sur 5 sont significativement meilleures un mois après la fin de la chimiothérapie dans le groupe du système de refroidissement du cuir chevelu.
 
Parmi ces patientes, seules 27,3 % se sont déclarées "moins attrayantes physiquement ", contre 56,3 % des patientes du groupe témoin.
 
Seules 4 patientes ont présenté un effet indésirable de type "légers maux de tête" et 3 patientes ont interrompu le refroidissement en raison de la sensation de froid.
 
En conclusion : un dispositif souvent efficace, relativement bien toléré
Les auteurs de ces 2 études publiées dans le JAMA ont donc constaté que parmi les femmes ayant subi différents types ou combinaisons de chimiothérapie adjuvante pour le cancer du sein à un stade I ou II, l'utilisation d'un dispositif de refroidissement du cuir chevelu est associé à une diminution significative de la perte de cheveux plusieurs semaines après la dernière dose.
 
Or environ au moins 50 % des femmes se préoccupent de la chute des cheveux lors de la chimiothérapie et 8 % admettent que cela peut leur faire refuser le traitement.
 
Dans un éditorial accompagnant la publication de ces études et intitulé "The time has come",  Dawn Hershman estime que ces résultats peuvent permettre de rassurer les patientes sur l'utilité de ce casque pour très largement augmenter leurs chances de préserver leurs cheveux, et donc d'améliorer leur qualité de vie et leur "adhésion" au traitement.
 
Cela pourrait aussi encourager les structures non équipées de tels casques à s'en procurer. Le dispositif électrique est nettement plus coûteux à l'achat, mais demande moins de mobilisation du personnel soignant et permet une température constante.
 
Au total, même si d'autres recherches sont nécessaires pour évaluer les résultats à long terme, ce dispositif est donc bien un espoir pour l'amélioration de la qualité de vie et de l'estime de soi des femmes atteintes d'un cancer du sein.
 
Claire Lewandowski et Jean-Philippe Rivière

En savoir plus :
La première étude publiée dans le JAMA

Nangia J, Wang T, Osborne C, et al. Effect of a scalp cooling device on alopeciain women undergoing chemotherapy for breast cancer : the SCALP randomized clinical trial. JAMA
 
La deuxième étude publiée dans le JAMA
Rugo HS, Klein P, Melin SA, Hurvitz SA, Melisko ME, Moore A, Park G, Mitchel J, Bågeman E, D'Agostino RB Jr, Ver Hoeve ES, Esserman L, Cigler T.« Association Between Use of a Scalp Cooling Device and Alopecia After Chemotherapy for Breast Cancer. » JAMA. 2017 Feb 14;317(6):606-614.
 
L'éditorial du 14 février 2017, toujours dans le JAMA
Scalp Cooling to Prevent Chemotherapy-Induced Alopecia - The Time Has Come, Dawn Hershman, JAMA? 14 février 2017
 
Sur VIDAL.fr :
VIDAL Reco "Cancers : complications des chimiothérapies"
Sources

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