#Santé

Infection généralisée (sepsis) : forte valeur pronostique de la température prise aux urgences

Une étude a été menée auprès de 2 225 patients présentant un sepsis ou un choc septique et admis en soins intensifs. La température corporelle mesurée aux urgences a-t-elle influé sur leur pronostic vital ?
 
Les résultats montrent une forte corrélation, mais inverse : plus la température aux urgences étaient élevée, plus la mortalité était faible (chaque augmentation d’un degré était associée à une réduction de 5 % de la mortalité).
 
Cette association entre élévation de la température et baisse du risque de mortalité n’est pas dépendante de l’âge, du sexe ou des comorbidités, et elle n’est pas affectée par la qualité des soins reçus, même si les patients en hyperthermie ont tendance à être pris en charge plus rapidement.
 
Les auteurs de cette étude mettent en avant l’importance de cette corrélation pour repenser les critères de priorisation des patients qui se présentent aux urgences, l’absence de fièvre s'avérant être un critère de gravité chez les patients atteints de sepsis.

Ce travail rappelle également que savoir reconnaître les signes cliniques de sepsis chez un patient normothermique est essentiel pour éviter les pertes de chance.
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Le sepsis est une infection généralisée nécessitant des soins intensifs urgents (illustration).

Le sepsis est une infection généralisée nécessitant des soins intensifs urgents (illustration).


Une étude pour confirmer une hypothèse née de petites études
Diverses études de petite taille, ou dans des contextes particuliers ont suggéré une corrélation inverse entre la température corporelle et la mortalité chez les patients souffrant de sepsis (infection généralisée, auparavant appelée septicémie).

Afin de confirmer ou infirmer cette hypothèse, une équipe suédoise a mis en place une cohorte observationnelle dans une trentaine de services de soins intensifs pour tester cette hypothèse en grandeur nature.

L'objectif de cette cohorte était de mesurer la valeur pronostique de la température corporelle prise à l'arrivée aux urgences sur la mortalité de patients ultérieurement admis en soins intensifs pour sepsis.
 
Quatre groupes formés en fonction de la température mesurée aux urgences, avant l'admission en soins intensifs
De 2007 à 2015, la cohorte suédoise présentée dans l'article de Critical Care Medicine a inclus 2 225 patients adultes admis en soins intensifs pour sepsis grave ou choc septique dans les 24 heures après leur arrivée aux urgences (les nouvelles définitions du sepsis (Sepsis-3) adoptées en 2016 n'étaient pas encore en vigueur).

Selon leur température à leur arrivée aux urgences, ces patients ont été répartis en 4 groupes : < 37°C, 37 – 38,29°C, 38,3 – 39,5°C, >39,5°C, qui ont été comparés.


La mortalité pendant l'hospitalisation, critère d'analyse primaire
Le critère d'analyse primaire était la mortalité pendant la durée du séjour en soins intensifs.

Un critère secondaire, la durée de séjour en soins intensifs, a été également été mesuré.

Des analyses en sous-groupes ont également été menées selon l'âge, le sexe, les comorbidités et le délai avant la première administration d'antibiotiques.
 
Plus la température aux urgences étaient élevée, plus la mortalité était faible
Dans cette cohorte, une mortalité moyenne de 25 % a été observée. À l'arrivée aux urgences, 55 % des patients présentaient une température corporelle inférieure à 38,3°C (23 % < 37°C, 38 % entre 36 et 38°C).

Selon leur température initiale, la mortalité des patients variait de 50 à 9 %, les valeurs les plus élevées de mortalité étant associées aux températures initiales les plus faibles : 

 

Même après ajustement pour la qualité des soins reçus, les chercheurs suédois ont observé une diminution de 5 % de la mortalité pour chaque augmentation d'un degré de la température corporelle (à partir de 35°C et jusqu'à 41°C) à l'admission aux urgences.

Une corrélation similaire a été observée pour la durée d'hospitalisation (plus courte pour les patients d'emblée hyperthermiques).
 

Des résultats significatifs quel que soit le sous-groupe étudié
L'analyse par sous-groupe confirme, quel que soit le paramètre pris en compte, qu'une valeur plus élevée de la température corporelle à l'admission aux urgences est associée à un meilleur pronostic en terme de mortalité, pour le sepsis comme pour le choc septique.

?Les auteurs reconnaissent qu'une prise en compte du score SOFA (Sequential Organ Failure Assessment), telle que désormais recommandée dans la définition du stade de sévérité du sepsis, aurait affiné leur analyse.


La température corporelle s'avère, dans ces circonstances et cette étude, le facteur pronostique le plus fiable
L'étude suédoise publiée dans Critical Care a comparé la valeur pronostique de divers paramètres cliniques sur la mortalité du sepsis. Les auteurs ont constaté que la température corporelle restait, quelque que soit le sous-groupe étudié, le meilleur facteur pronostique, suivie respectivement par l'état de conscience, le rythme respiratoire, le rythme cardiaque, la saturation du sang en oxygène et la valeur systolique de la pression artérielle.
 
Sepsis : traiter la fièvre ou pas ?
L'étude suédoise ne visait pas à répondre à la question du rapport bénéfice/risque de la fièvre dans la réponse physiologique au sepsis, ni à celle de l'utilité d'un traitement antipyrétique chez les patients hyperthermiques en sepsis.

Si les études animales de sepsis provoqué montrent un effet négatif de la réduction de la fièvre en terme de mortalité, les auteurs rappellent néanmoins que, chez l'homme, les études sur le sujet ont montré que l'administration ou l'absence d'administration d'un traitement antipyrétique chez les patients hospitalisés pour sepsis en soins intensifs ne semble avoir aucun effet sur le pronostic en terme de mortalité
 (cf. cette présentation en anglais des recommandations 2016 sur la prise en charge du sepsis de la Society of critical care medicine).

Revoir les paramètres de "triage" aux urgences ?
Selon ses auteurs, le message principal à tirer de cette étude est qu'il est essentiel, lors de présentation d'un patient aux urgences, de ne pas tirer de conclusions hâtives selon la température corporelle et, au-delà, de considérer les patients normothermiques (et a fortiori ceux en hypothermie) présentant des signes d'une éventuelle sepsis comme prioritaires en terme de prise en charge.

Pour cela, il est essentiel que les professionnels sachent reconnaître les signes de sepsis en l'absence de fièvre (accélération des fréquences rispiratoire et cardiaque, douleurs d'un ou plusieurs organe(s), comme les reins, la peau, les intestins, frisssons, troubles de la conscience, hypotension évoquant un choc, syndrome inflammatoire avec élévation de la CRP et hyperleucocytose à la biologie, etc.).  .
 
Pour aller plus loin
 
L'étude de Critical Care sur la valeur pronostique de la température dans le sepsis
Sundén-Cullberg J et al. « Fever in the Emergency Department Predicts Survival of Patients With Severe Sepsis and Septic Shock Admitted to the ICU. » Crit Care Med. 2017 Apr;45(4):591-599.
 
Les nouvelles définitions du sepsis (Sepsis-3), février 2016.
(en français) « Nouvelles définitions du sepsis », Société de pathologie infectieuse de langue française, juin 2016.
 
(en anglais) Singer M et al. « The Third International Consensus Definitions for Sepsis and Septic Shock (Sepsis-3). » JAMA. 2016 Feb 23;315(8):801-10.
 
Le calcul du score SOFA (Sequential Failure Organ Assessment), Société française d'anesthésie et de réanimation, 2016.

Les nouvelles recommandations internationales de prise en charge du sepsis, 2016 (en anglais)
« Surviving Sepsis Campaign 2016 », Society of Critical Care Medicine & European Society of Critical Care Medicine, 2016.

 
Sources

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