#Santé publique

Décès de François Jacob : le courage au service de la science

François Jacob est décédé le 19 avril 2013, à l'âge de 92 ans. "En quête de sens et de signification, François Jacob a oeuvré tout au long de sa vie au service de la recherche et du progrès en génétique", résume le Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé.

Retour sur quelques étapes de la longue vie de ce passionné qui a largement contribué, avec Jacques Monod et d’autres, à une révolution de la compréhension du vivant.
22 avril 2013 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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La 2ème guerre mondiale a joué un rôle décisif dans la carrière -et la vie- de François Jacob (© Ordre de la Libération / NobelPrize)

La 2ème guerre mondiale a joué un rôle décisif dans la carrière -et la vie- de François Jacob (© Ordre de la Libération / NobelPrize)

 
Une blessure de guerre oriente François Jacob vers la recherche en biologie
Né en 1920, François Jacob se destinait à la chirurgie. Mais la deuxième guerre mondiale en a décidé autrement. En juin 1940, il rejoint le général de Gaulle et les Forces Françaises libres à Londres, alors qu'il était en deuxième année de médecine.

Envoyé en Afrique, il est alors médecin de bataillon et fait les campagnes du Fezzan, de Libye, de Tripolitaine et de Tunisie, où il est blessé, précise sa notice biographique sur le site de l'Académie française. Affecté à la deuxième division blindée, il est à nouveau blessé en août 1944, grièvement cette-fois ci : il est atteint au bras droit et à la jambe par 80 éclats de grenade aérienne, en relevant des blessés à Mortain (Normandie).
L'année qui suit, marquée par plusieurs mois d'hospitalisation (et l'attribution de la Croix de l'Ordre de la Libération), est un calvaire pour François Jacob, comme il l'expliquait en 2004 :

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Le handicap consécutif à cette grave blessure ne lui permettra pas d'exercer comme chirurgien. Après avoir obtenu son diplôme de médecine en 1947, il choisira de se réorienter vers la biologie et entre à l'Institut Pasteur dès 1950, dans le service du Dr André Lwoff, biologiste décédé en 1994.

1965 : Prix Nobel pour la découverte de "l'opéron", gène régulateur de l'expression d'autres gènes
François Jacob obtient un Doctorat ès-sciences en 1954 à la Sorbonne, 1 an après la première description de l'ADN en double hélice par Francis Crick et James D. Watson, description parue dans la revue Nature. Il travaille à l'Institut Pasteur avec André Lwoff et le biologiste Jacques Monod sur les bactéries et la transmission de l'information génétique.

Pourquoi certains gènes s‘expriment et d'autres non ? Cela suppose l'existence de phénomènes régulant l'expression des gènes portés par l'ADN.

Leurs expériences sur des Escherichia Coli mutées, capables ou non de synthétiser la perméase (protéine de transport) et/ou la bêta-galactosidase (enzyme aidant à la digestion du lactose,) montrent qu'il existe un "opérateur" adjacent à un groupe de gènes qui commanderait leur activité. L'ensemble (l'opérateur et les gènes commandés) est appelé "opéron". Ce dernier est également sensible au "répresseur" produit par un gène régulateur particulier.

Cette découverte, qui ouvre la voie à une meilleure compréhension de la régulation de la synthèse des protéines au niveau génétique, a été récompensée par le Prix Nobel en 1965.

Découvrez ci-dessous (en cliquant sur l'icône centrale "plein écran", p1727-1729) la note présentée à l'Académie des Sciences en 1960 par François Jacob et Jacques Monod, qui expliquent leur découverte :
 

Une meilleure compréhension du "vivant"
Cette découverte amorce la révolution du génie génétique des années 60 et suivantes, qui permettra de comprendre de plus en plus finement les interactions entre les gènes et l'organisme, le rôle de l'ARN messager (intermédiaire pour la synthèse des protéines, dont l'existence fut postulée également en 1960 par Jacques Monod), ou encore celui des enzymes de restriction (qui coupent et recollent très précisément l'ADN).

Une vision "mécaniste" du fonctionnement du corps humain et de l'hérédité, mais modulée par la conscience de l'importance de l'acquis.

En effet, l'épigénétique, qui se définit comme l'influence de l'environnement (familial, social, professionnel, urbain, etc.) et de l'histoire individuelle sur l'expression du génome, découle également de cette révolution. Elle est de plus en plus étudiée depuis les années 90, mais était sous-jacente dans les débats sur l'inné et l'acquis des années 60.

Dans l'entretien ci-dessous, filmé en 1972, François Jacob affirme ainsi à Claude Lévi-Strauss qu'"en biologie, les exemples d'interactions entre l'inné et l'acquis sont innombrables". Il donne l'exemple de l'influence de l'environnement sur un chaton : s'il est enfermé dès la naissance pendant 2 mois dans le noir, il sera définitivement aveugle. Alors que si l'enfermement débute quelques mois après la naissance, le chaton ne sera pas aveugle à sa sortie :

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Plusieurs livres à succès
L'entretien ci-dessus fait suite à la publication d'un livre, "La logique du vivant" (1970), qui vulgarise les fondements de la biologie moderne.

Ce livre, salué de tous côtés, notamment par le philosophe Michel Foucault – "Le livre de François Jacob est la plus remarquable histoire de la biologie qui ait jamais été écrite"- fut suivi d'autres ouvrages remarqués : "La Statue intérieure", qui revient sur son parcours jusqu'au Prix Nobel, "Le jeu des possibles", réflexion sur les différences entre les mythes et la science, ou encore "La souris, la mouche et l'homme", paru en 1997.

Un scientifique "de courage" s'est éteint
François Jacob a travaillé pendant plus de 30 ans à l'Institut Pasteur, dont il a présidé le conseil d'administration de 1982 à 1988. Il a été élu à l'Académie des sciences en 1977, puis à l'Académie française en 1996. Il a été nommé chancelier de l'Ordre de la Libération entre 2007 et 2011.

En 2005, il prononce un discours sur "Le Courage du chercheur", à l'occasion de la séance solennelle de l'Institut de France qui s'est tenue le 25 octobre sur le thème "Le Courage". Extrait :
"En quinze années de fréquentation d'un certain colibacille, on avait accumulé dans notre laboratoire des centaines de mutants chez lesquels l'une ou l'autre des fonctions cellulaires était lésée. Abandonner tout ce que pouvait promettre un tel matériel (…) c'était là un sacrifice considérable. Un peu comme quitter un être cher. Mais c'était en même temps un projet exaltant. C'était entrer dans un monde inconnu. C'était commencer une vie nouvelle. C'était rajeunir. Il fallait une bonne dose de courage pour accomplir un tel changement, mais celui-ci avait de fortes chances de rapporter gros".

L'intégralité de ce discours-hommage au courage scientifique, en particulier à celui de Louis Pasteur, est accessible sur cette page web.

Comment ne pas penser, en lisant ce discours, au propre courage de François Jacob ? Il n'a pas accepté l'outrance et l'inhumanité de la collaboration avec le nazisme, il s'est réorienté vers la recherche suite à une blessure l'empêchant d'exercer la médecine, il a ensuite été à l'origine d'une avancée majeure sur la compréhension du vivant et a, inlassablement, continué à chercher, tout en vulgarisant ses connaissances…

Fin 2012, l'Institut Pasteur a inauguré un nouveau centre dédié aux recherches sur les maladies émergentes. Son nom ? Le centre "François Jacob", hommage à un des pères de la biologie moléculaire moderne.

Jean-Philippe Rivière

Sources et ressources complémentaires :
- "Décès de François Jacob", communiqué de presse de Marisol Touraine, 22 avril 2013
- Biographie, œuvres et discours de François Jacob sur le site de l'Académie Française
- "François Jacob", présentation biographique sur le site de l'Ordre de la Libération
- "La blessure qui a mis fin à ma carrière de chirurgien",  webofstories.com via YouTube
-  Repères chronologiques : André Lwoff (1902-1994), Pasteur.fr
- "Molecular structure of nucleic acids", Francis Crick and James D. Watson, Nature 171, 737–738 (1953) doi:10.1038/171737a0.
- "The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1965 François Jacob, André Lwoff, Jacques Monod",biographie de François Jacob sur le site des Prix Nobel
- "Génétique biochimique - l'opéron : groupe de gènes à l'expression coordonnée par un opérateur" note de MM François Jacob, David Perrin, Mlle Carmen Sanchez et M Jacques Monod, Compte-rendu hebdomadaire de l'Académie des Sciences, 1960 (p 1727 – 1729)
- "La logique du vivant : François Jacob rencontre Claude Lévi-Strauss", entretien vidéo filmé le 9 janvier 1972, Ina.fr via YouTube
- "LE COURAGE par M. FRANÇOIS JACOB  délégué de l'Académie des sciences", séance solennelle de l'Institut de France, 25 octobre 2005
-"Centre François Jacob, un nouveau centre dédié aux recherches sur les maladies émergentes", présentation vidéo, 11 décembre 2012

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