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Jeux d'argent et de hasard en ligne : 2 enquêtes évaluent le risque addictif

Les addictions comportementales (jeu pathologique, cyberaddiction, addiction au sport, sexe, travail, etc.) affectent plus ou moins intensément de nombreux Français. Pour la première fois, 2 études françaises ont estimé, à partir d’une évaluation du nombre de joueurs à des jeux d'argent en ligne, la prévalence du jeu pathologique chez ces derniers. Zoom sur les principaux résultats et pistes de prise en charge.
27 juin 2013 26 septembre 2013 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Environ 2 millions de Français jouent à des jeux d'argent en ligne.

Environ 2 millions de Français jouent à des jeux d'argent en ligne.


Depuis 2010, les jeux d'argent en ligne sont autorisés en France
Le marché des jeux d'argent et de hasard (JAH) en ligne a été ouvert "à la concurrence et à la régulation" par la loi du 12 mai 2010. Les paris hippiques, les paris sportifs et le poker sont donc désormais possible via internet.

Deux enquêtes de l'OFDT et de l'ODJ
Afin d'en savoir plus sur la pratique des JAH en ligne en France, 2 ans après la promulgation de la loi, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et l'Observatoire des jeux (ODJ) ont mené, fin 2012, deux enquêtes :
- la première, appelée Prévalence-e-JEU 2012, réalisée "auprès d'un échantillon représentatif de la population française adulte" (2761 Français de 18 ans et plus), pour estimer la prévalence des JAH en ligne ;
- la seconde, e-ENJEU 2012, effectuée auprès d'un échantillon de 4042 joueurs en ligne (panel Mediamétrie) de 18 à 75 ans, pour déterminer le profil, les pratiques de JAH et leurs impacts.

Deux millions de joueurs en ligne en 2012, parfois très dépensiers
Selon Prévalence-e-JEU 2012, 3,7 % des personnes de plus de 18 ans ont joué en ligne au cours des 12 mois précédant l'enquête, soit environ 2 millions. 45 % jouent en ligne au moins 1 fois par semaine (contre 22,8 % de l'ensemble total des joueurs, traditionnels et/ou en ligne, selon une enquête de 2010 de l'OFDT).
 
La moitié ont dépensé plus de 208 euros en ligne, un quart ont déboursé plus de 520 euros et 10 % consacrent plus de 1200 euros par an aux JAH en ligne.

Selon e-ENJEU 2012, les Français préfèrent, dans l'ordre, les jeux de tirage et grattage en ligne, puis le poker, les paris sportifs et les paris hippiques. A noter que près de 10 % des joueurs utilisent les machines à sous et jeux de casino virtuels (et y dépensent davantage d'argent que sur les autres jeux ou paris), alors que l'offre en ligne est interdite en France (mais possible via des sites étrangers).

Le joueur en ligne type : un homme jeune, diplômé et inséré
Comme pour les jeux traditionnels, la pratique des JAH en ligne est plutôt masculine (57 %), mais cette tendance varie énormément en fonction du JAH : les femmes représentent moins d'1 parieur sportif en ligne sur 5 et 1 parieur hippique sur 4. A l'inverse, 60 % des adeptes des jeux de grattage en ligne sont des femmes.

Autre particularité des JAH en ligne : la relative jeunesse des joueurs, en particulier pour le poker en ligne (75 % ont moins de 41 ans) , les machines à sous et les jeux de casino en ligne (la moitié ont moins de 35 ans). Ils sont également plus diplômés et  appartiennent davantage à des "catégories sociales supérieures" que les joueurs traditionnels.

Près d'un joueur sur 5 a un usage "problématique" des JAH en ligne !
Les joueurs jouent le plus souvent de leur domicile, en général avec leur ordinateur (97 %). 53 % jouent en journée, 43 % en soirée et 4,4 % la nuit, profitant de la disponibilité 24h/24 des JAH en ligne.

Cette disponibilité accrue a un pendant négatif, bien perçu par les Français interrogés : 42 % "ont conscience de dépenser plus d'argent en ligne qu'en offre traditionnelle", et 34 % craignent l'addiction liée à la rapidité du jeu et/ou à la perte de contrôle.

De fait, l'usage problématique, évalué par l'Indice canadien de jeu excessif, concerne 17 % des joueurs interrogés, soit environ 350 000 joueurs : 1 sur 10 "peut être classé comme un joueur à risque modéré et 6,6 % comme des joueurs excessifs", précise l'OFDT. Une prévalence proche de celle trouvée dans d'autres pays (17 % au Canada, 16,6 % dans une autre enquête multi-nationalités). Parmi ces 17 % de joueurs en ligne problématiques, 41 % sont des femmes.

Les jeux en ligne les plus à risques
Les jeux les plus à risques sont les machines à sous virtuelles (près d'1 joueur sur 2 est à risque) et jeux de casino en ligne :
 

Ces jeux en ligne ont globalement un potentiel plus addictif que les jeux traditionnels, qui sont beaucoup plus variés et utilisés beaucoup plus occasionnellement. D'ailleurs, la prévalence de l'usage problématique en ligne est bien supérieure à celle trouvée parmi les joueurs traditionnels (qui est de l'ordre de 3 %, toujours selon l'enquête de 2010 de l'OFDT).  

Comment repérer des joueurs "excessifs" ?
Parmi les 2 millions de Français jouant en ligne, environ 350 000 ont donc un usage "problématique", dont 120 000 ont un usage "excessif".

Problème : comment le médecin peut-il identifier cet excès addictif ? Autant les addictions aux drogues, légales ou illégales, sont souvent évidentes (tabagisme, alcoolisme et drogues illicites marquent plus ou moins le physique et l'expression orale), autant les addictions comportementales, dont le jeu pathologique fait partie, sont moins évidentes à diagnostiquer, donc à traiter. Les joueurs pathologiques, en ligne ou non, sont de plus souvent dans le déni.

Leur entourage peut par contre sensibiliser le médecin traitant au problème, tout comme cela arrive pour d'autres addictions. Un changement de comportement peut également attirer l'attention du médecin.

Quelle prise en charge mettre en place ?
La prise en charge du jeu pathologique repose tout d'abord sur la prise de conscience de la dépendance, puis sur la lutte contre les situations favorisantes. Par exemple, pour le jeu pathologique en ligne, l'association européenne SOS Joueurs conseille l'installation d'un logiciel de contrôle parental sur l'ordinateur du joueur pathologique, avec son accord bien sûr, ce qui équivaut à une interdiction de casino.

Quant au soin, selon le docteur Abdou Belkacem, addictologue au centre hospitalier de Sèvres, "il dépend du diagnostic " (interview en 2011 par francesoir.fr).  

Ce spécialiste, qui a notamment co-écrit en 2011, avec les professeurs Michel Reynaud et Jean-Luc Venisse, l'ouvrage "Du plaisir du jeu au jeu pathologique – 100 questions pour mieux gérer la maladie", préconise une approche graduée en fonction de l'importance de l'addiction, qu'elle soit en ligne ou non :
- "La première catégorie [de patients] regroupe les joueurs problématiques, qui sont légèrement touchés par l'addiction. Ils se rendent compte de leur problème mais n'ont pas subi trop de pertes et peuvent encore se contrôler. Pour eux, de simples consultations pour dialoguer et leur apporter un discours préventif suffisent.
- En revanche, pour la deuxième catégorie, celle des joueurs pathologiques, les soins sont beaucoup plus lourds et longs. Il s'agit de patients qui ont perdu le contrôle, qui ont misé et perdu beaucoup d'argent, et qui se trouvent dans une phase de désespoir. Leur état est également lié à une dépression. Il faut donc soigner cette dépression, leur donner un traitement médicamenteux et les encadrer au plus près. Les actions menées pour les aider dépassent parfois le cadre médical. Des mesures de protection judiciaire peuvent être prises, comme l'interdiction de jouer, car certains arrivent chez nous au bord de la ruine".

Pour le Dr Belkacem, l'addiction au jeu se soigne mieux que l'addiction aux psychotropes.  Mais "deux paramètres rendent parfois difficiles le traitement : une dépendance simultanée à d'autres produits, comme le tabac et l'alcool, et l'absence de produits de substitution, qui existent par exemple pour soigner l'addiction à la drogue".

Jean-Philippe Rivière

Sources et ressources complémentaires :
- "Les jeux d'argent et de hasard sur Internet en France en 2012", Tendances n° 85, OFDT, juin 2013
- LOI n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
- "Les niveaux et pratiques des jeux de hasard et d'argent en 2010", Jean-Michel Costes et coll., Tendances n° 77,septembre 2011
- "Indice canadien de jeu excessif", Centre Canadien de lutte contre les toxicomanies
- "Conseils pour ceux qui veulent arrêter de jouer", association SOS Joueurs
- "Addiction aux jeux d'argent : L'analyse d'un médecin", Francesoir.fr, 22 septembre 2011
- "Du plaisir du jeu au jeu pathologique", présentation de l'ouvrage (et vente en ligne) sur le site des éditions MAXIMA
Sources

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