#Santé publique #Etude

L’EFSA conclut à la sécurité de l’aspartame aux doses recommandées, sauf en cas de phénylcétonurie sévère

Sur demande de la Commission européenne, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA, en anglais European Food Safety Authority, EFSA) a procédé entre 2011 et 2013 à "un examen rigoureux de toutes les recherches disponibles sur l’aspartame et ses produits de dégradation".

En résumé, l’analyse des études publiées effectuée par l’EFSA montre que la prise d'aspartame ne pose pas de problème de sécurité si elle est inférieure ou égale à la "dose journalière acceptable" (DJA) fixée par l’Europe (40 mg par kg par jour). Seules les personnes atteintes de phénylcétonurie sévère prendraient des risques en consommant de l’aspartame. 
11 décembre 2013 Image d'une montre7 minutes icon 2 commentaires
1
2
3
4
5
(aucun avis, cliquez pour noter)
Publicité
Jeune femme semblant s'interroger sur la composition d'un yaourt (illustration)

Jeune femme semblant s'interroger sur la composition d'un yaourt (illustration)


Un groupe scientifique de l'EFSA analyse 112 études pour réévaluer l'aspartame en tant qu'additif alimentaire
Des études de toxicité et de cancérogénicité, réalisées chez l'animal et chez l'homme, ont semé le doute sur la sécurité de l'aspartame.

C'est pourquoi les experts du groupe scientifique sur les additifs et nutriments ajoutés aux aliments (ANS) ont examiné "en profondeur" toutes les études publiées, chez l'homme comme chez l'animal.

Les études suggérant un potentiel cancérogène sont peu significatives, selon les experts de l'ANS
Les experts de l'ANS ont tout d'abord rappelé que le constat d'une augmentation relative des tumeurs cérébrales aux Etats-Unis entre 1975 et 1992 n'était pas explicable par la prise régulière d'aspartame, en raison de biais méthodologiques (Olney JW et coll., 1996). La FDA, dès 1996, et la Commission européenne, en 1997, avaient confirmé l'absence de lien.

De même, les études de cancérogénicité chez le rat et chez l'homme sont négatives : "le Groupe spécial a noté qu'il n'y avait pas de preuve épidémiologique d'association de l'aspartame à divers cancers dans la population humaine".

Les experts missionnés par l'EFSA ont notamment souligné les faiblesses méthodologiques des études suggérant de possibles dangers de l'aspartame ou de ses métabolites :
- Les rats ayant présenté des tumeurs cérébrales sous aspartame faisaient partie d'une espèce qui en développait spontanément, et n'en faisaient pas plus en prenant cet édulcorant, selon les experts de l'ANS.
- Une étude de suivi de 77 000 infirmières et 47800 professionnels de santé américaines a mis en évidence un risque augmenté de survenue de leucémies et de lymphomes chez les hommes (Schernhammer ES et coll., 2012). Selon l'analyse de l'EFSA, le fait que ce risque soit "limité aux hommes, peu élevé, non corrélé clairement aux doses d'aspartame ingéré et sans explication physiopathologique pertinente" limite la portée de cette étude et, au final, "ne suggère pas d'augmentation du risque de leucémie et de cancer lié à la consommation d'aspartame".
- Une étude argentine de comparaison et suivi de patients atteints de cancers des voies urinaires (et de patients non atteints) a également été analysée (Andreatta MM et coll., 2008). Le surrisque retrouvé serait, selon les experts de l'ANS, biaisé par une évaluation incomplète des prises d'aspartame.

Pas de génotoxicité ni de neurotoxicité objectivée dans les études analysées
Les experts missionnés par l'EFSA ont constaté que les études de génotoxicité sont globalement négatives.

Seule une étude effectuée par le NTP (Us National Toxicology Program) et publiée en 2005 montrait une possible génotoxicité chez des souris femelles présentant un déficit du gène P53, mais ce résultat "équivoque" n'a pas été retrouvé dans d'autres études.

Enfin, les experts de l'EFSA ont constaté que l'aspartame n'entraînait pas de dommages prouvés sur le cerveau, le système nerveux, le comportement et le développement cognitif :
- Deux études chez l'animal pâtissent de biais méthodologiques (état antérieur non connu dans l'une, absence de groupe contrôle dans l'autre).
- Une autre étude sur des rats Long Evans montre des troubles de l'apprentissage, mais uniquement à doses très élevées d'aspartame (Beck B et coll., 2002). Cette étude a également objectivé une baisse de la concentration en neuropeptide Y (neurotransmetteur influant notamment sur la régulation de l'appétit, la température corporelle, etc.) au niveau d'une petite zone de l'hypothalamus, le noyau arqué. Mais les auteurs (et l'ANS) ne peuvent conclure sur l'origine de cette baisse (physiologique ou liée à l'aspartame).

Un risque minime d'accouchement plus précoce, mais uniquement à des doses très élevées
L'ANS a examiné les études de toxicité éventuelle sur la grossesse de souris,  rates et lapines (et sur le développement de leurs embryons). Ces études étaient négatives, sauf en cas de consommation élevée d'aspartame. Idem avec un métabolite de l'aspartame, le méthanol (pas d'influence, sauf à doses très élevées).

Par contre, l'analyse prospective d'une cohorte de plus de 59 000 Danoises a montré un léger mais significatif sur-risque d'accouchement avant terme chez celles qui consommaient le plus de boissons contenant de l'aspartame (Halldorsson TI et coll., 2010). Ce léger sur-risque est également retrouvé dans une autre cohorte nordique de 60 000 femmes enceintes, en Norvège (Englund-Ögge L et coll., 2012), mais "à peine perceptible" et comparable à celui retrouvé avec la consommation de boissons sucrées.

Un métabolite de l'aspartame, la phénylalanine, responsable de ces effets sur la grossesse ?
Les personnes ayant une altération partielle ("hétérozygote") du gène de la phénylalanine hydroxylase (enzyme transformant un acide aminé, la phénylalanine, en tyrosine) ont une capacité à métaboliser la phénylalanine légèrement diminuée. Et celles qui présentent une mutation complète ("homozygote") de ce gène ont une capacité métabolique nettement plus réduite : c'est la phénylcétonurie, recherchée systématiquement à la naissance (test de Guthrie). Une femme atteinte (homozygote) et enceinte devra veiller à ce que le taux sanguin de phénylalamine soit faible, afin d'éviter de possibles complications fœtales (malformations cardiaques, cérébrales, retard de croissance, etc.).

Or la phénylalanine fait partie, avec le méthanol et l'acide aspartique, des métabolites de l'aspartame. Théoriquement, une prise très élevée d'aspartame pourrait donc mimer les conséquences d'une phénylcétonurie et donc affecter le développement de l'embryon.
 
Pas de danger avec l'aspartame pendant la grossesse, sauf en cas de phénylcétonurie sévère
Pour qu'une femme enceinte non phénylcétonurique ou hétérozygote qui consomme de l'aspartame atteigne un niveau de phénylalanine dans le sang dangereux pour l'embryon, il faudrait, selon les experts consutés, qu'elle prenne la quantité maximale quotidienne recommandée actuelle (40 mg/kg) toutes les heures, ce qui paraît impossible (cela correspondrait à la prise de plusieurs centaines de sucrettes toutes les heures…).  

Donc certes, il est  "plausible que la phénylalanine soit responsable de tout ou partie des effets indésirables" constatés sur la grossesse et la croissance in utero, mais le groupe ANS estime qu'il n'y a pas de risque avéré en cas de consommation d'aspartame quotidienne inférieure à la DJA (en plus de la phénylalanine d'origine alimentaire).

Par contre, en cas de phénylcétonurie homozygote, les femmes atteintes devront éviter l'aspartame. Mais elles sont de toute façon suivies étroitement depuis la naissance par le corps médical afin de contrôler en permanence le taux sanguin de phénylalanine, et l'aspartame leur est formellement déconseillé, qu'elles soient enceintes ou non.

En résumé : il faut consommer… moins de 300 sucrettes par jour (ou moins de 6 litres de soda light)
Pour le Groupe d'experts réunis par l'AESA, en dehors des cas de phénylcétonurie homozygote, il n'y a pas de risque de toxicité en cas de prise quotidienne d'aspartame inférieure à 40 mg par kg, y compris en cas de grossesse ou de phénylcétonurie modérée (hétérozygote).

Il n'y a donc pas lieu de réviser ce seuil d'exposition, qui correspond déjà à une ingestion massive : pour atteindre la DJA de 40 mg/kg/jour, une femme de 60 kg, par exemple, doit consommer 280 sucrettes ou 20 canettes de boissons light par jour, selon l'International Sweeteners Association (ISA)

Une conclusion plutôt rassurante et qui pourrait peut-être mettre fin aux rumeurs persistantes, même si les éventuels liens d'intérêt des experts de l'ANS avec des industriels ne sont pas mentionnés dans leur rapport, ce qui est régulièrement reproché aux avis publiés par l'EFSA : "Cet avis représente l'une des évaluations les plus exhaustives des risques associés à l'aspartame jamais entreprise. C'est un pas en avant qui permettra de renforcer la confiance des consommateurs à l'égard des fondements scientifiques qui étayent le système de sécurité des aliments de l'UE et la réglementation des additifs alimentaires", a déclaré le Dr Alicja Mortensen,  présidente du groupe ANS.

Jean-Philippe Rivière

Sources et ressources complémentaires :
- "L'EFSA finalise l'évaluation complète des risques associés à l'aspartame et conclut à sa sécurité aux niveaux actuels d'exposition", communiqué de presse, 10 décembre 2013
- "Scientific Opinion on the re-evaluation of aspartame (E 951) as a food additive", EFSA Journal 2013;11(12):3496 [263 pp.]. doi:10.2903/j.efsa.2013.3496 (phénylcétonurie abordée aux chapitres 10 et 11, p 137 et suivantes)
- "Increasing brain tumor rates: is there a link to aspartame?", Olney JW et coll., Journal of Neuropathology and Experimental Neurology, novembre 1996
- "Procès-verbal de la 107e réunion du Comité scientifique de l'alimentation tenu les 12-13 Juin 1997 à Bruxelles", point 12,5 (aspartame)
- "NTP report on the toxicology studies of aspartame (CAS No. 22839-47-0) in genetically modified (FVB Tg.AC hemizygous) and B6.129-Cdkn2atm1Rdp (N2) deficient mice and carcinogenicity studies of aspartame in genetically modified [B6.129-Trp53tm1Brd (N5) haploinsufficient] mice (feed studies)", National Toxicology Program, octobre 2005, The American Journal of Clinical Nutrition
- "Effects of long-term ingestion of aspartame on hypothalamic neuropeptide Y, plasma leptin and body weight gain and composition", Beck B et coll., Physiology and Behaviour, février 2002
- Neuropeptide Y, Wikipedia
- "Consumption of artificial sweetener– and sugar-containing soda and risk of lymphoma and leukemia in men and women", Eva S Schernhammer et coll., The American Journal of Clinical Nutrition, décembre 2012
- "Artificial sweetener consumption and urinary tract tumors in Cordoba, Argentina", Adreatta MM et coll., Preventive Medicine, 2008
- "Intake of artificially sweetened soft drinks and risk of preterm delivery: a prospective cohort study in 59,334 Danish pregnant women", Thorhallur I Halldorsson et coll., The American Journal of Clinical Nutrition, septembre 2010
- "Association between intake of artificially sweetened and sugar-sweetened beverages and preterm delivery: a large prospective cohort study", Linda Englund-Öggeet coll., The American Journal of Clinical Nutrition, septembre 2012
- "Test de Guthrie", Wikipedia
- "Low Calorie Sweeteners: Roles and Benefits", The International Sweeteners Association, septembre 2013 (estimation de la consommation moyenne en Europe : page 13)

L'illustration de l'aspartame et de ses trois métabolites provient du site de révision en ligne Chimix.com 
Sources

Commentaires

Ajouter un commentaire
En cliquant sur "Ajouter un commentaire", vous confirmez être âgé(e) d'au moins 16 ans et avoir lu et accepté les règles et conditions d'utilisation de l'espace participatif "Commentaires" . Nous vous invitons à signaler tout effet indésirable susceptible d'être dû à un médicament en le déclarant en ligne.
Les plus récents
Les plus récents Les plus suivis Les mieux votés
pby Il y a 10 ans 0 commentaire associé
La majorité des "experts" aussi conclu à l'absence de conflits d'intérêt alors que bon nombre sont notoirement nourris par l'industrie agro-alimentaire...
barda Il y a 10 ans 0 commentaire associé
je suis diabetique et j'utilise l'aspartame. j'avais connaissance de cette dose maxi de 40mg/kg/jour; et comme je prends au maxi 4 sucrette par jour, çà me convient. je suis medecin et donc je suis ces etudes par contre la Stevia bien epurée est aussi excellent, c'est le seulsucre naturel sans calories qu'on peut faire cuire, ce qui n'est pas le cas de l'aspartame. merci de cette etude qui nous rassure
Pour recevoir gratuitement toute l’actualité par mail Je m'abonne !
Publicité
Dans la même rubrique
Publicité
Presse - CGU - Données personnelles - Politique cookies - Mentions légales - Contact webmaster