#Socio-professionnel

Assassinat et agressions de consoeurs : les infirmiers libéraux appellent à une réaction du gouvernement

Lorsqu’un médecin est particulièrement violemment agressé, et malheureusement cela arrive régulièrement (voir notre article), les médias et les pouvoirs publics s’indignent puis réfléchissent aux leviers d’amélioration de la situation, de renforcement de la prévention et de l’accompagnement.

Le 21 juillet dernier, une infirmière libérale de 63 ans a été abattue de deux coups de fusil par un patient dans une résidence sociale de Strasbourg. Cette tragédie a été relayée par certains médias mais les pouvoirs publics, en particulier Marisol Touraine, ministre de la santé, sont restés silencieux.

Une "indifférence", au moins en apparence, qui ulcère les organisations représentatives ainsi que de nombreux infirmiers. 
30 juillet 2014 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
1
2
3
4
5
(aucun avis, cliquez pour noter)
Publicité
Haut d'une affiche de sensibilisation à la violence exercée contre les infirmiers (© Ordre national des infirmiers)

Haut d'une affiche de sensibilisation à la violence exercée contre les infirmiers (© Ordre national des infirmiers)


Une infirmière assassinée à Strasbourg, une autre rouée de coups et hospitalisée à Toulouse…
Le 20 juillet, une infirmière libérale, qui venait effectuer des soins dans un foyer de l'Adoma (insertion par le logement) à Strasbourg, a été abattue de deux balles tirées avec un fusil de chasse. Le tireur présumé est un patient septuagénaire à qui la victime prodiguait régulièrement des soins, nous apprend le journal l'Alsace : "le tireur a ensuite été interpellé par la police. Il a expliqué être fou amoureux de l'infirmière, qui ne répondait pas à ses avances". La jalousie serait le moteur de ce drame : selon Gilles Delorme, procureur de la République adjoint de Strasbourg, "il a vu l'infirmière parler à un autre résident samedi soir. Il a ruminé toute la nuit et a décidé de la tuer avec son arme".

Quelques jours plus tard, le 24 juillet, "une infirmière libérale de 51 ans a été rouée de coups pendant de longues minutes par un groupe d'individus cagoulés dans le quartier des Izards à Toulouse", selon France 3 Midi-Pyrénées (via infirmiers.com). Malgré les appels au secours de l'infirmière, personne ne vient. L'infirmière résiste et finalement ses agresseurs, qui voulaient voler son scooter, finissent par prendre la fuite. Conduite à l'hôpital, elle souffre de multiples contusions. Elle se dit révoltée par l'indifférence des passants et d'avoir été visée dans l'exercice de son métier.
 

L'Ordre national des infirmiers et le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux soulignent l'insécurité grandissante de leur profession
Selon le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), cet assassinat sordide "révèle de nouveau le malaise grandissant de la profession infirmière libérale face à l'insécurité dont elle est victime".

Le Sniil rappelle, dans un communiqué du 22 juillet, que les infirmiers libéraux sont les seuls professionnels du monde médical et paramédical à être soumis de par la loi à la continuité des soins, 24h/24h et 7j/7j. De plus, ils exercent "en très grande majorité directement au domicile de leurs patients, sans protection, de nuit comme de jour, dans tous les quartiers, même les plus difficiles". Il peut s'agir de toutes sortes de patients, y compris psychiatriques.

Même tonalité du côté de l'Ordre national des infirmiers, pour qui cet événement tragique (l'assassinat strasbourgeois) "démontre malheureusement une fois encore les situations à risque dans lesquelles les infirmiers et infirmières doivent parfois remplir leurs missions. L'infirmier à domicile assure souvent le premier lien du malade avec la communauté médicale et paramédicale. Pourtant, cette profession de santé, qui reste la préférée des Français, est confrontée à une violence quasi-quotidienne et ce, bien souvent, dans l'indifférence générale".

L'Ordre, par la voix d'un communiqué de Didier Borniche, son président, tient à rappeler qu'une enquête menée en 2013 auprès de 978 infirmiers a montré que 81 % d'entre eux se déclaraient préoccupés par la violence dans l'exercice quotidien de leur métier.

Les infirmiers regrettent le silence des autorités de santé
Selon le Sniil, les autorités se montrent indifférentes face à l'inacceptable, alors qu'elles réagissent lorsque d'autres professions sont agressées : le soutien que les infirmiers libéraux agressés ou tués reçoivent de leurs autorités de tutelle ou des médias "n'est jamais à la hauteur de ce qui s'exprime lorsque la violence touche un fonctionnaire de police, un médecin, un enseignant ou un cheminot".

L'Ordre national des infirmiers regrette aussi, dans un nouveau texte paru le 25 juillet, que "ni la ministre de la santé, ni aucun autre membre du Gouvernement ne se soient émus de l'assassinat de notre consœur strasbourgeoise. Assassiner ou tabasser une infirmière serait donc un acte banal ? La vie d'une infirmière aurait-elle moins de valeur que celle d'un autre de nos concitoyens ?" L'Ordre déplore l'injustice de tels actes de violence perpétrés contre des professionnels en exercice, "souvent dans des quartiers difficiles ou auprès de publics précaires assurant ainsi une véritable mission de service public. Nous pensons que l'Etat devrait reconnaitre notre mission comme méritant quelques égards particuliers. Hélas, ce ne semble pas être le cas".

… et indignation  grandissante sur les réseaux sociaux
Cette absence de réaction officielle a également ulcéré un infirmier internaute,  @geekanatomy, auteur du site seringue.net. Dans un billet d'humeur publié en ligne le 30 juillet, il s'insurge en particulier contre l'absence de réaction de la ministre de la santé, pourtant souvent sollicitée par les médias.  @geekanatomy, à l'instar du Sniil, remarque que le gouvernement réagit lorsqu'un enseignant se fait assassiner, mais pas s'il s'agit d'une infirmière dans l'exercice de ses fonctions…  Il pointe également le peu de réactions des médias, pourtant si prompts à s'emballer en cas de faits divers.

"La santé n'est plus une des priorités de notre pays", s'inquiète cet infirmier indigné par l'"absence de message de soutien à notre profession mais surtout à la famille de cette femme de 63 ans qui a toute sa vie apporté du réconfort aux autres et qui ne pensait peut-être pas se reposer de cette façon".

En conclusion : quid de l'insécurité des infirmiers, alors que les soins ambulatoires sont sensés se développer davantage ?
Ce billet d'humeur a été largement partagé et commenté par d'autres infirmiers et internautes sur les réseaux sociaux (en particulier sur Twitter). Ces internautes utilisent ce billet pour interpeller directement Marisol Touraine et les autorités sanitaires. Ces derniers auront-ils enfin un mot, une attention pour une profession inquiète et désabusée ? 

Au-delà des mots, comment renforcer la sécurité des soins infirmiers, question cruciale alors que le gouvernement s'apprête à encourager au maximum la médecine ambulatoire, à domicile ?  

En attendant un éventuel soutien public, voire une réflexion et des propositions pour tenter de prévenir ces agressions injustifiables, l'Ordre diffuse une affiche de sensibilisation "Stop à la violence" (illustration de cet article, affiche accessible intégralement en cliquant ici). Cette affiche comporte l'adresse du site de l'Observatoire des Violences envers les Infirmières et Infirmiers (alerte.cnoi.fr).
 
En savoir plus :
Le silence assourdissant de Marisol Touraine..., infirmiers.com, 28 juillet 2014
Par jalousie, il assassine son infirmière, l'Alsace, 22 juillet 2014
Toulouse : une infirmière violemment agressée dans le quartier des Izards, France 3 Midi-Pyrénées relayé par l'Ordre des Infirmiers, 25 juillet 2014
Assassinat d'une infirmière libérale en plein exercice : le Sniil soutient la famille et dénonce l'insécurité grandissante, communiqué du Sniil, 22 juillet 2014
Assassinat d'une infirmière libérale en Alsace dans le cadre d'une visite à domicile, communiqué de l'Ordre national des infirmiers, 22 juillet 2014
Marisol m'a tué, seringue.net, 30 juillet 2014
Affiche à diffuser " Stop à la violence", ordre-infirmiers.fr, juillet 2014

 

Commentaires

Ajouter un commentaire
En cliquant sur "Ajouter un commentaire", vous confirmez être âgé(e) d'au moins 16 ans et avoir lu et accepté les règles et conditions d'utilisation de l'espace participatif "Commentaires" . Nous vous invitons à signaler tout effet indésirable susceptible d'être dû à un médicament en le déclarant en ligne.
Pour recevoir gratuitement toute l’actualité par mail Je m'abonne !
Presse - CGU - Données personnelles - Politique cookies - Mentions légales - Contact webmaster