#Santé publique #Données épidémiologiques

Ebola (étude) : "la mise en œuvre rapide et énergique d’interventions au Nigeria a été déterminante"

Le virus Ebola a fait plus de 3 000 victimes en Afrique de l’Ouest. Mais au moins un pays africain a réussi à contenir l’épidémie, du moins pour le moment : le Nigeria, qui est pourtant le pays le plus vaste et le plus peuplé de l’Afrique de l’Ouest.

Des chercheurs nigérians, sud-africains et américains ont analysé les données épidémiologiques de ce pays afin d’estimer le taux de mortalité et modéliser plusieurs scénarios de propagation du virus.

Leurs résultats, publiés le 9 octobre par Eurosurveillance, montrent que "la mise en œuvre rapide et énergique d’interventions au Nigeria a été déterminante".  Des données rassurantes, mais qui confirment le besoin immédiat et urgent d'une aide plus significative pour les pays actuellement touchés.
10 octobre 2014 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Recherche de cas "contact", surveillance et isolement rapidement instaurés après l'arrivée du premier patient atteint
Le premier cas recensé au Nigeria était celui d'un voyageur qui avait pris soin de son frère au Libéria puis était revenu au Nigeria le 20 juillet. Les premiers symptômes sont apparus pendant le vol vers Lagos. Ce voyageur a consulté immédiatement mais est décédé le 25 juillet.

Le diagnostic, effectué par RT-PCR à l'hôpital de Lagos, a pris 3 jours.

Toutes les personnes "contact" identifiées de ce voyageur (près de 900) ont alors été intensément et rapidement recherchées, puis regroupées :
-  Les personnes symptomatiques ont été immédiatement isolées : celles qui avaient un test négatif mais des symptômes évocateurs (fièvre, vomissements, maux de gorge, diarrhée) sont restées sous surveillance jusqu'à disparition des symptômes. Les 19 personnes qui avaient un test positif sont restées isolées, mais séparées des autres. Sept sont malheureusement décédées.
- Les personnes asymptomatiques et présentant un test négatif ont été immédiatement "évacuées" mais sont restées sous surveillance.

Une surveillance étroite et une absence de nouveaux cas-contacts 
Tous les contacts négatifs, symptomatiques ou non symptomatiques, sont donc restés sous surveillance étroite jusqu'au 1er octobre, sans apparition de nouveaux cas depuis le 5 septembre.

Le Nigeria est-il donc officiellement débarrassé de cette infection ? Théoriquement non, pour deux raisons :
- A tout moment, une personne asymptomatique mais porteuse du virus peut atterrir dans le pays et développer la maladie (tout comme sur le reste de la planète et comme en France où, depuis 48 heures, deux alertes, à Cergy Pontoise et à Bichat, ont fait la Une des médias avant d'être rapidement levées).
- L'OMS (Organisation mondiale de la santé) considère que pour déclarer un pays exempt de cette infection, il faut attendre le double de la période d'incubation, soit 21 x 2 = 42 jours. Si cette absence de nouveaux cas perdure jusqu'au 20 octobre (42 jours après le diagnostic du dernier cas recensé), l'OMS pourra alors déclarer que le Nigeria est exempt de cette maladie (source : ministre de la santé du Nigeria, via Courrier International).

Edit 20 octobre : l'OMS annonce la fin de l'épidémie au Nigéria.

Les modélisations confirment l'efficacité de l'approche retenue par le Nigeria
Sur les 20 Nigerians atteints, 8 sont décédés, soit un taux de létalité de 40 %. En comparaison, la létalité a été estimée à 70 % (61-89 %) dans les 3 pays africains actuellement touchés, sachant qu'il y a de nombreux biais qui fragilisent cette estimation (possible sous-déclaration de cas peu sévères dans ces 3 pays).  

Sur ces 20 personnes, 11 étaient des professionnels de santé et avaient contracté l'infection au contact du premier patient, avant que la maladie ait été identifiée dans le pays. Fo Fasina et ses collaborateurs ont modélisé la manière dont s'est transmis le virus :
 
Ils ont ensuite mis au point une simulation "stochastique" (étude des phénomènes aléatoires, liés au hasard, en fonction du temps) pour déterminer la propagation théorique du virus si les mesures d'isolement avaient été démarrées plus tard. Comme vous pouvez le constater ci-dessous, logiquement, l'épidémie aurait explosé si le confinement avait été trop tardif (plus de 500 cas si les interventions débutent au bout d'un mois) :

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé au Libéria, en Sierra Léone et en Guinée, trois pays ravagés par des guerres civiles à la fin des années 90 et qui n'ont pas pu mettre en place immédiatement les mesures nécessaires, faute de système de santé et d'organisation étatique à la hauteur de l'enjeu... 
 
Une intervention encore plus rapide, dans les 24 heures, limiterait  davantage la propagation du virus
Les auteurs ont ensuite modélisé une intervention encore plus précoce, dès le premier jour, ce qui devrait être possible dans les pays occidentaux si un cas est confirmé, comme récemment aux Etats-Unis et en Espagne (les résultats des tests par PCR simple peuvent être obtenus en moins de 2 heures). Les résultats montrent que la propagation serait alors quasi-immédiatement enrayée.

Ces résultats sont donc à la fois rassurants, pour les pays disposant d'un système de soins et de vigilance développés, et inquiétants pour tous les autres : que se passerait-il, par exemple, si un voyageur asymptomatique en provenance de ces pays développait la maladie en arrivant dans certaines régions surpeuplées d'Inde, de Chine ou d'Indonésie ?

MSF rappelle l'importance de l'amélioration de l'organisation locale et de l'aide mondiale
Une telle propagation dans une zone surpeuplée et mal équipée sur le plan sanitaire est malheureusement possible, puisque l'aide internationale n'a pas réussi à endiguer la propagation de l'infection dans les 3 pays touchés, comme le déplore Médecins Sans Frontières (MSF) dans cette vidéo mise en ligne le 12 septembre :
 

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Pour juguler l'épidémie, MSF souligne que "l'urgence n'est pas de punir ou d'isoler les pays touchés, mais d'augmenter le nombre de centres de traitement, de déployer plus de personnel qualifié et de laboratoires mobiles".

La Banque Mondiale appelle également à la mobilisation… et à se souvenir de tout cela lorsque l'épidémie sera enrayée
Jim Yong Kim, le Président du Groupe de la Banque mondiale, a également lancé, le 8 octobre, un appel à la mobilisation internationale : "étant donné le coût économique énorme de la crise Ebola pour la Guinée, le Liberia, la Sierra Leone et leurs voisins d'Afrique de l'Ouest, il est impératif que la communauté internationale se mobilise davantage. Elle doit surpasser les obstacles logistiques afin d'envoyer plus de médecins et de personnel médical qualifié, fournir plus de lits d'hôpital, et soutenir davantage les services de santé pour enrayer Ebola et remettre ces pays sur pieds".

L'aide internationale parviendra-t-elle à mobiliser suffisamment de fonds pour enfin aider ces 3 pays à vaincre cette propagation virale ? Si oui, Jim Yong Kim souhaite que des leçons pragmatiques en soient tirées : "lorsque l'épidémie d'Ebola sera endiguée, il faudra se souvenir de tout cela et renforcer ce réseau d'alerte rapide. Il faudra également investir davantage pour mettre en place des systèmes de santé publique résilients et efficaces en Afrique".
 
En savoir plus :
Transmission dynamics and control of Ebola virus disease outbreak in Nigeria, July to september 2014, FO Fasina et coll., Eurosurveillance, volume 19, Issue 40, 9 octobre 2014 (accès libre, en anglais)
Le Nigeria sera officiellement guéri le 20 octobre, Courrier International, 9 octobre 2014
Dossier Urgence Ebola, MSF
Ebola : Une nouvelle étude de la Banque mondiale prévoit des milliards de pertes économiques si l'épidémie se prolonge et se répand en Afrique de l'Ouest, communiqué de la Banque Mondiale, 8 octobre 2014

Sur VIDAL.fr :
Ebola : la Direction générale de la santé appelle à une vigilance accrue des professionnels de santé (En partenariat avec http://www.medecinedesvoyages.net, octobre 2014)
Ebola : une vingtaine de réservistes sanitaires de l'EPRUS vont se relayer en Guinée (septembre 2014)
Ebola : recommandations de la DGS aux professionnels de santé et alerte mondiale de l'OMS (août 2014)

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