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Sevrage tabagique : pas de sur-risque de suicide associé à la prise de varénicline (CHAMPIX), selon une vaste méta-analyse

Les soupçons de sur-risque de suicides pèsent depuis plusieurs années sur la varénicline (CHAMPIX), indiquée depuis 2006 dans la prise en charge du sevrage tabagique.
 
A tel point que dès 2008, l’Agence britannique du médicament, la MHRA (Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency), avait émis un avertissement à ce sujet auprès des praticiens. Elle avait été suivie l’année suivante par la Food and Drug Administration (FDA), sur la base de données de pharmacovigilance. Cette dernière avait pour cela requis la modification de la notice du médicament, avec l’insertion de la forme d’avertissement la plus forte pouvant être requise, la "black box" (boîte noire, un avertissement encadré de noir).
 
Ces soupçons sur une augmentation du risque suicidaire viennent cependant d’être infirmés par une importante méta-analyse conduite par une équipe britannique et publiée mi-mars dans le BMJ (British Medical Journal).
 
Ce travail ouvrira-t-il la voie à une reconsidération du rapport bénéfices-risques de la varénicline, qui a démontré dans plusieurs études une efficacité significative dans l'aide au sevrage tabagique ? En France, les autorités sanitaires ont décidé, en 2011, de ne plus rembourser le CHAMPIX et ne le recommandent qu'en cas d'échecs des autres traitements.

 
25 mars 2015 Image d'une montre5 minutes icon 7 commentaires
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L'arrêt du tabagisme de masse est une priorité de santé publique, d'où la recherche et l'évaluation permanente de nouveaux moyens thérapeutiques efficaces et bien tolérés, médicamenteux ou non (illustration).

L'arrêt du tabagisme de masse est une priorité de santé publique, d'où la recherche et l'évaluation permanente de nouveaux moyens thérapeutiques efficaces et bien tolérés, médicamenteux ou non (illustration).

 
Une vaste méta-analyse pour tenter de lever, ou de confirmer, le doute émis depuis 2008
Le Dr Kyla Thomas (Académie de médecine de Bristol) et ses collaborateurs soulignent tout d'abord que depuis les premiers avertissements émanant des autorités réglementaires, plusieurs études ont porté sur cette question, mais que des doutes planaient sur la validité de leurs résultats.
 
Première raison à cela, notent-ils, le fait qu'au sein des études observationnelles, les plus fréquentes au sein du corpus existant, les fumeurs sont plus susceptibles d'être sujets à des troubles psychologiques que les non-fumeurs.
 
La seconde raison est que Pfizer avait été à l'origine de la seule méta-analyse réalisée à ce jour (Gibbons RD et Mann J, décembre 2013), ce qui biaise son interprétation (méta-analyse ne concluant pas à une association varénicline – risque suicidaire,  effectuée sur 17 études cliniques financées par Pfizer).
 
Pas d'augmentation du risque suicidaire associée à la prise de varénicline (vs placebo)
Le Dr Thomas et ses collègues ont donc étendu la portée des données passées sous revue, analysant les 39 essais cliniques randomisés ayant fait l'objet d'une publication, englobant plus de 10 000 patients.
 
Les chercheurs ont souligné qu'ils avaient procédé à une analyse approfondie de la qualité des essais, en évaluant notamment pour chacun d'entre eux le risque de biais, et allant jusqu'à contacter leurs auteurs pour obtenir des informations sur les protocoles utilisés, ainsi que sur les données qui n'avaient pas été publiées.
 
Au final, les auteurs ont relevé sur l'ensemble des études passées en revue 2 suicides et 2 tentatives de suicide dans le groupe varénicline (soit une fréquence de 0,08 %), contre 2 tentatives de suicides dans le groupe placebo (0,05 %). Cette différence ne constitue pas une augmentation significative du risque de suicide.
 
De même, les auteurs n'ont pas constaté d'augmentation statistiquement significative des "idées suicidaires", de dépression, d'irritabilité, d'agressions ou de décès dans les groupes varénicline (vs groupes placebo).
 
Risque confirmé de troubles du sommeil 
La méta-analyse de Thomas K et coll. a en revanche mis en évidence un risque plus élevé de survenue de troubles du sommeil (insomnie, rêves anormaux) associé à la prise de varénicline, mais comme le notent les auteurs, ces possibles effets secondaires étaient déjà largement reconnus et inscrits dans le RCP (résumé des caractéristiques du produit) du CHAMPIX.
 
Dans le détail, le dosage maximal de varénicline (2 prises d'1 mg par jour) a été associé avec un sur-risque 56 % pour les insomnies (36-78 %), de 63 % pour les troubles du sommeil (29 – 117 %) et de plus du double (+ 138 %) pour les rêves anormaux (105 – 177 %).
 
Une analyse rassurante, mais comportant des limites
L'équipe du Pr. Thomas souligne que cette méta-analyse, bien qu'étant la plus importante jamais réalisée par le nombre d'études cliniques sélectionnées, comporte elle aussi des limites.
 
Tout d'abord, leur article précise bien qu'il s'agit d'une méta-analyse et non d'une analyse de données individuelles, ce qui ne permet pas d'exclure que l'absence de sur-risque pourrait être liée à un plus grand taux d'abandon de traitement dans le groupe varénicline par rapport au placebo.
 
Les auteurs notent aussi que le très faible nombre de suicides ou de tentatives de suicides (6 dans l'ensemble des études) pouvait rendre difficile la mise en évidence d'un effet positif ou négatif associé à la molécule.
 
Enfin, les auteurs expliquent que leur analyse a pu être biaisée par l'hétérogénéité des méthodes utilisées dans les rapports d'effets indésirables (signalement par le patient lui-même, questionnaire structuré, questions ouvertes ou sous forme de liste, etc.).
 
Les auteurs concluent à un rapport risques-bénéfices positif
Malgré ces limites, les auteurs estiment que la baisse actuelle de la prescription de varénicline au Royaume-Uni "devrait être une plus grande source de préoccupation pour les cliniciens, les autorités réglementaires et  politiques que les peurs infondées sur le risque de comportement suicidaire associé [au produit]".
 
Jugeant que le rapport bénéfices-risques de la molécule est positif, ils ajoutent également que le médicament est à ce jour le plus efficace dans le sevrage tabagique (affirmation étayée par exemple par cette méta-analyse de 2009).
 
De nouveaux doutes… et de nouvelles données attendues pour fin 2015
En France, CHAMPIX n'est plus remboursé depuis 2012 suite à la publication d'une méta-analyse canadienne sur un éventuel sur-risque cardiaque associé à la prise de ce médicament. La HAS (Haute autorité de santé), dans ses recommandations sur le sevrage tabagique, incite à limiter le recours au CHAMPIX uniquement en deuxième intention, après échec des substituts nicotiniques.
 
Les données de cette méta-analyse inciteront-elles la HAS à revoir sa position ? Difficile à dire, d'autant qu'outre-Atlantique, la FDA vient de lancer une nouvelle alerte, [édit 27/03 suite au commentaire de "RévérendFR"] cette fois-ci centrée sur une possible modification de la tolérance à l'alcool sous varénicline et le risque modification du seuil épileptogène. Ce sur-risque était déjà soupçonné depuis 2008 (voir aussi la rubrique "mises en garde et précautions d'emploi" du CHAMPIX), mais la FDA, s'appuyant sur cette étude de cas, souligne qu'il peut être augmenté avec ou sans antécédents favorisants, pendant les premières semaines de traitement par varénicline.
 
La FDA appelle donc à un renforcement de la prudence sur la mise ne route et la surveillance de ce traitement.[/édit] L'agence précise que le laboratoire Pfizer a mis en route en 2011 une vaste étude de sécurité de la varénicline, du bupropion et des patchs à la nicotine auprès de 8 000 patients, étude randomisée en double aveugle vs placebo dont les résultats sont attendus pour fin 2015. Peut-être permettront-ils d'y voir plus clair sur la tolérance de ce médicament, et donc d'affiner son éventuelle utilisation dans la prise en charge du sevrage tabagique, défi de santé publique persistant malgré la multiplication des approches thérapeutiques, médicamenteuses ou non.

En savoir plus :
Risk of neuropsychiatric adverse events associated with varenicline: systematic review and meta-analysis, Thomas KL et coll., BMJ, 12 mars 2015
Varenicline, Smoking Cessation, and Neuropsychiatric Adverse Events, Gibbons RD et Mann J, The American Journal of Psychiatry, décembre 2013
Efficacy of pharmacotherapies for short-term smoking abstinance: A systematic review and meta-analysis, Mills EJ et coll., Harm Reducion Journal, septembre 2009
Risk of serious adverse cardiovascular events associated with varenicline: a systematic review and meta-analysis, Singh S et coll., Canadian Medical Association journal, septembre 2011
Recommandation de bonne pratique - Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l'abstinence en premier recours, Haute Autorité de Santé, octobre 2014 (varénicline abordée pages 21-22)
FDA updates label for stop smoking drug Chantix (varenicline) to include potential alcohol interaction, rare risk of seizures, and studies of side effects on mood, behavior, or thinking, FDA, 9 mars 2015
Australian adverse drug reactions bulletin, Volume 27, numéro 6, décembre 2008
Varenicline-induced grand mal seizure, Anna Serafini et coll., Epileptic Disorders, Janvier 2011
Study Evaluating The Safety And Efficacy Of Varenicline and Bupropion For Smoking Cessation In Subjects With And Without A History Of Psychiatric Disorders (EAGLES), A3051123, clinicaltrials.gov

  
Sur VIDAL.fr : 
VIDAL Reco Sevrage tabagique
Sevrage tabagique : la vitesse du métabolisme de la nicotine influerait sur l'efficacité de la varénicline (janvier 2015)

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Flaggy13 Il y a 9 ans 0 commentaire associé
la varénicline n'EST PAS un anti-dépresseur! (c'est le zyban) : c'est un agoniste partiel-antagoniste des récepteurs nicotiniques; et de fait la grande campagne de discrimination vis à vis de TS à l'imputabilité non démontrée par rapport à 77000 décès l'année en France.... A QUI cela profite t'il????
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