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Arthrose douloureuse des genoux et hanches : efficacité comparée des différents AINS

En France, le paracétamol est le médicament recommandé en première intention pour soulager les douleurs liées à une arthose du genou (gonarthrose) ou de la hanche (coxarthose), puis un AINS (anti-inflammatoire non stéroïdien) est recommandé en seconde intention en cas d'inefficacité (voir l'arbre décisionnel de la VIDAL Reco "Gonarthrose coxarthrose").

Mais les AINS sont-ils vraiment efficaces ? Si oui, lequel faut-il utiliser de préférence ? Afin d'en savoir plus, une équipe de statisticiens suisses vient d'effectuer une méta-analyse en réseau de 74 études randomisées sur l’action antalgique des AINS dans l’arthrose, publiée dans The Lancet

La comparaison de 23 combinaisons substances / doses
(paracétamol, AINS ou placebo) montre que le diclofénac (150 mg/jour) et l’étoricoxib (60 mg/jour) possèdent la meilleure efficacité antalgique dans le contexte de douleurs liées à la gonarthrose et /ou à la coxarthrose.

Néanmoins, les auteurs précisent, logiquement, que ces données comparatives d'efficacité doivent être considérées au regard des effets indésirables les plus fréquents de chaque AINS.

Ces données montrent également une absence d'efficacité significative du paracétamol dans ces circonstances. 

Ces nouvelles études apportent donc de nouveaux éclairages sur le traitement difficile des douleurs arthrosiques.
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Les douleurs liées à l'arhtorse de hanche et:ou de genou peuvent être très invalidantes (illustration).

Les douleurs liées à l'arhtorse de hanche et:ou de genou peuvent être très invalidantes (illustration).


Les AINS, en deuxième ligne après le paracétamol en cas de douleurs arthrosiques du genou ou de la hanche
Dans le traitement de la douleur liée à l'arthrose de la hanche ou du genou, les recommandations officielles considèrent le paracétamol comme le choix de première intention du fait de son profil de tolérance favorable, et ce malgré sa faible efficacité.

Les AINS, antalgiques de palier 1, comprennent une vingtaine de substances et doivent être prescrits en cas d'insuffisance du paracétamol pour soulager les douleurs.

Une technique de méta-analyse en réseau pour comparer l'effet des différentes doses d'AINS (et des différents AINS)
Pour essayer de voir plus clair sur l'efficacité relative de ces nombreux AINS, Bruno da Costa et Stephan Reichenbach, du Fonds national suisse de la recherche scientifique, ont publié dans The Lancet une méta-analyse en réseau (network meta-analysis) de 74 études randomisées sur le contrôle de la douleur arthrosique.

La méthode de la méta-analyse en réseau permet une comparaison entre elles (et avec le placebo) des différentes doses d'AINS, tout en respectant la randomisation des études analysées.

Réseau de comparaisons effectuées dans la méta-analyse en réseau
 
Une sélection d'études portant sur 23 combinaisons substance/dose et 58 000 patients
Pour réaliser cette méta-analyse, les auteurs ont sélectionné des études randomisées ayant au moins 100 patients dans chaque groupe d'étude, et ayant eu lieu entre 1980 et 2015. Sur presque 9 000 articles, ils ont retenu 74 études ayant regroupé un total de 58 556 patients, et qui ont exploré l'efficacité antalgique de 23 combinaisons substance/dose.

Il s'agit de la première méta-analyse en réseau comparant autant d'options thérapeutiques dans la prise en charge de la gonarthrose et de la coxarthrose.

Les critères d'efficacité retenus ont été la douleur (critère primaire) et la capacité fonctionnelle (critère secondaire). Pour la réduction de la douleur, une "différence cliniquement importante minimale" a été définie et, pour chaque combinaison, la probabilité d'atteindre cette différence minimale a été mesurée (par comparaison à l'effet du placebo).
 
Le diclofénac et l'étoricoxib montrent la meilleure probabilité d'efficacité antalgique minimale. Le paractétamol seul ne montre pas d'efficacité
Les résultats des comparaisons montrent que seules 3 combinaisons substance/dose parviennent à une probabilité de 100 % d'atteindre le seuil d'efficacité préalablement fixé par les auteurs de l'étude :
  • le diclofénac à 150 mg/jour,
  • l'étoricoxib à 60 mg/jour,
  • le rofécoxib à 25 mg/jour (rappelons que le rofécoxib – VIOXX - a été retiré du marché en 2004).

De ces trois AINS, le diclofénac  à 150 mg/jour présente le meilleur résultat sur la douleur : 



Pour une probabilité de 95 % de parvenir à l'objectif thérapeutique minimal, les doses de 30 et 90 mg/jour d'étoricoxib (et de 25 et 50 mg/jour de rofécoxib) viennent s'ajouter à la liste précédente.

Les résultats du paracétamol prescrit seul confirment sa faible efficacité antalgique dans cette indication (probabilité de 21 % d'atteindre l'objectif thérapeutique minimal).



Une efficacité antalgique dose-dépendante mais pas durée-dépendante
Globalement, l'efficacité antalgique des AINS étudiés semble augmenter avec le dosage quotidien, mais une augmentation linéaire n'est observée qu'avec le célécoxib, le diclofénac et le naproxène.

Aucune différence d'efficacité antalgique n'a été observée selon la durée du traitement. Mais les auteurs font remarquer que la plupart des essais randomisés retenus avaient une durée inférieure ou égale à trois mois, le contexte de ces études étant celui d'un traitement de crise. Aucune conclusion concernant un traitement au long cours ne peut être déduite de cette méta-analyse.
 
Des résultats à mettre en regard du profil de tolérance de chaque AINS
Les auteurs mettent en avant la nécessité de considérer ces résultats d'efficacité en regard des effets indésirables les plus fréquents de chaque AINS. Par exemple, la supériorité du diclofénac 150 mg/jour ne justifie pas de déroger au fait qu'il ne doit pas être prescrit chez les personnes qui présentent des facteurs de risque cardiovasculaire (avis de la Commission de la Transparence, HAS, novembre 2015).

Pour ces patients, le naproxène 1000 mg/jour, qui montre une probabilité de 78 % d'atteindre l'objectif thérapeutique minimal, semble, selon les auteurs, plus indiqué du fait de son bon profil de tolérance cardiovasculaire, mais sa prise expose tout de même à des effets indésirables gastro-intestinaux.

En conclusion : la place des médicaments est compliquée à déterminer pour soulager les douleurs arthrosiques
Cette étude souligne tout d'abord l'absence d'efficacité significative du paracétamol comparée à celle d'un placebo. A titre de comparaison, le BMJ a publié récemment, début 2015, une méta-analyse des essais randomisés sur l'effet du paracétamol sur les douleurs liées à l'arthrose du genou, montrant une légère mais significative action du paracétamol sur ces douleurs, mais uniquement à court terme.

Faut-il donc utiliser des AINS ? Comme nous l'avons vu, certains sont efficaces, mais non dénués de risques, d'où la nécessité d'une prescription prudente et régulièrement révisée (dose, efficacité, tolérance, durée). 

Par ailleurs, rappelons que les antalgiques opiacés faibles (pallier II) peuvent avoir un intérêt dans ce type de douleur (3
e intention, voir l'arbre décisionnel de la VIDAL Reco "Gonarthrose coxarthrose"), mais que, là encore, le rapport bénéfices - risques de cette prescription est à soupeser soigneusement, en raison des risques d'abus et dépendance.

De même, les infiltrations, les injections d'acide hyaluronique, voire la chirurgie arthroscopique (
voir notre article sur les effets de cette intervention sur les douleurs arthrosiques du genou) peuvent être utilisées mais ne sont pas anodines, et leur utilisation doit également être prudente. 

Enfin, d'autres thérapeutiques, non médicamenteuses, ont  démontré un intérêt pour prévenir ou soulager les douleurs du genou : l'exercice physique régulier et, si besoin, la perte de poids pour prévenir les douleurs, le repos et l'application de glace en cas de douleur. 
 
Pour aller plus loin
 
La méta-analyse en réseau sur les AINS
Bruno R da Costa, Stephan Reichenbach et al. « Effectiveness of non-steroidal anti-inflammatory drugs for the treatment of pain in knee and hip osteoarthritis: a network meta-analysis », The Lancet, Volume 387, No. 10033, p2093–2105, 21 Mai 2016.
 
L'avis de la Commission de Transparence sur l'acéclofénac, novembre 2015.

L'étude du BMJ sur le paracétamol et les douleurs lombaires et arthrosiues du genou

Gustavo C Machado, Chris G Maher et al. « Efficacy and safety of paracetamol for spinal pain and osteoarthritis: systematic review and meta-analysis of randomised placebo controlled trials », BMJ, mars 2015
 
Sur VIDAL.fr : 
Arbre décisionnel de la VIDAL Reco "Gonarthrose coxarthrose"
Arthrose douloureuse du genou : quelle place pour la chirurgie arthroscopique (méta-analyse) ? (septembre 2015)
 
Sources

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Mumbiya KABAMBA Il y a 7 ans 1 commentaire associé
Peut -on conseiller aux malades la méthode d' infiltration avec les corticoïdes en cas d' échec du traitement oros
Modérateur Médecine générale Il y a 7 ans 0 commentaire associé
Bonjour, Oui, cela fait partie des options thérapeutiques possibles, dans le respect des contre-indications et en cas d'échec du paracétamol et des AINS. Voici ce qu'en disent nos experts : _ Gonarthrose : injections intra-articulaires de corticoïdes en cas de poussées congestive (épanchement), applications locales d'anti-inflammatoires non stéroïdiens, injections intra-articulaires d'acide hyaluronique. Les lavages articulaires parfois proposés sont d'intérêt controversé. _ Coxarthrose : injections radioguidées de corticoïdes pouvant être utiles en cas de poussées douloureuses résistantes aux antalgiques dont les AINS. L'injection intra-articulaire d'acide hyaluronique (non remboursée) n'a pas prouvé son efficacité.
Lotfi DIB Il y a 7 ans 0 commentaire associé
un ami de 80 ans a une arthrose du genou droit assez sévère .Il s'appuie sur une canne .je lui fait faire 2 km de marche tous les les jours .Il supporte son arthrose sans médicament. Pour éviter les douleurs il faut en 1è intention faire perdre du poids un maximum et fortifier les muscles des jambes par des exercices réguliers.
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