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Infarctus du myocarde silencieux : vaste estimation de leur incidence et de leur pronostic

Un infarctus est dit « silencieux » lorsqu’aucun des symptômes classiques, à savoir une sensation de douleur dans la poitrine et dans le bras gauche, un essoufflement, des sueurs ou encore des nausées, ne se manifeste.
 
Ce type d’infarctus peut cependant  être détecté à distance sur un électrocardiogramme (ECG) grâce à son empreinte sur l’onde Q ("onde Q de nécrose").
 
Selon une étude de suivi de 10 000 Américains débutée en 1987 et publiée dans la revue Circulation fin mai 2016, ces infarctus silencieux seraient beaucoup plus fréquents que l’on pourrait le penser : l'analyse de leurs données montre qu’ils représentent environ 45 % des infarctus diagnostiqués chez ces Américains durant le suivi !
 
Autre enseignement de cette étude, à confirmer bien sûr, en particulier en France : l’infarctus silencieux est associé à un risque largement augmenté de décès, d’origine cardiaque ou non, dans les années suivantes. Cette surmortalité (encore plus prononcée en cas d'infarctus symptomatique) est peut-être liée au sous-diagnostic des infarctus silencieux et de l’absence consécutive de mise en route d’une prise en charge adaptée.
 
Ces données sur le diagnostic et le pronostic de l’infarctus devraient inciter, selon les auteurs, à tenter d'améliorer la détection de ces infarctus silencieux, au moins chez les personnes à risques (hypertension, tabagisme, diabète, etc.), pour augmenter les chances de survie.
Claire Lewandowski 30 juin 2016 01 juillet 2016 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
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La clinique et l'électrocardiogramme sont les points clefs du diagnostic de l'infarctus du myocarde, silencieux ou non (illustration).

La clinique et l'électrocardiogramme sont les points clefs du diagnostic de l'infarctus du myocarde, silencieux ou non (illustration).


Compléter et affiner les données épidémiologiques et pronostiques existantes
Les auteurs soulignent en introduction que d'autres études ont tenté d'évaluer l'incidence des infarctus silencieux et typiques, depuis des décennies, avec des résultats très variables (22 %, 30 %, jusqu'à 60 % chez les personnes à haut risque). Ils soulignent que ces études n'incluaient pas suffisamment de personnes des deux sexes, ni de personnes noires, ou portaient sur un échantillon limité, avec un suivi court.
 
D'où leur travail portant sur une vaste population, multi-ethnique, des deux sexes et avec un suivi suffisamment long pour tenter d'évaluer plus finement le diagnostic et le pronostic de ces 2 types d'infarctus.

Analyse de 9 500 dossiers médicaux de participants inclus depuis 1987 et suivis jusqu'en 2013
Sur une période de 20 ans, 9 500 dossiers médicaux issus de l'étude ARIC sur le risque d'artériosclérose ont été analysés par le Dr Elsayed Soliman et ses collaborateurs du Centre médical Wake Forest Baptist de Caroline du Nord (Etats-Unis).
 
Chaque participant a été inclus entre 1987 et 1989. L'âge moyen est 54 ans, avec une petite majorité de femmes (56,9 %) et 20,3 % d'Afro-américains.
 
Quatre visites étaient programmées tous les 3 ans. La dernière a eu lieu de 2011 à 2013, soit 15 ans plus tard, pour évaluer spécifiquement la survenue de maladies cardiovasculaires et la survie (suivi moyen : 13,2 ans).
 
Diagnostics d'infarctus, silencieux ou non, sur l'ECG et les symptômes
Le diagnostic d'infarctus silencieux est posé a posteriori sur la découverte d'une onde Q de nécrose à l'ECG (électrocardiogramme), par exemple à l'occasion d'un bilan d'un patient présentant des facteurs de risque ou des antécédents cardiovasculaires, et sur l'absence de symptômes typiques à l'interrogatoire suivant cette découverte.
 
Les infarctus "normaux" sont repérés, logiquement, sur les symptômes typiques et l'ECG consécutif, avec sus-décalage persistant du segment ST (voir VIDAL Reco "Infarctus").
 
Près d'un infarctus sur 2 n'a pas été accompagné de signes cliniques "typiques" !
Pendant les 9 premières années de suivi, 317 personnes (3,3 %) ont fait un infarctus silencieux, et 386 personnes (4,1 %) un infarctus avec symptômes typiques.

Dans cette population, presque un infarctus sur deux (45 %) est donc un infarctus silencieux.
 
Davantage d'infarctus, silencieux ou non, chez les hommes
L'incidence de l'infarctus constatée est plus élevée chez les hommes, que ce soit pour l'infarctus silencieux ou l'infarctus typique (5,08 et 7,96 pour 1 000 personnes-années, respectivement) que chez les femmes (2,93 et 2,25 pour 1 000 personnes-années, respectivement ; p < 0,0001 pour les deux). 
 
Davantage d'infarctus symptomatiques chez les hommes caucasiens, par rapport aux Afro-américains
Les auteurs ont constaté que les Afro-américains et les Américains d'origine caucasienne présentaient un risque global comparable d'infarctus.
 
Par contre, les hommes caucasiens ont un risque plus élevé d'infarctus typique que les Afro-américains (5,04 contre 3,24 pour 1000 personnes-années ; p = 0,002) :  
 


Lors du suivi, constat d'une mortalité augmentée quelle que soit la présentation de l'infarctus, avec des variations en fonction de l'origine du décès et la présence, ou non, de symptômes
Sur 13 ans, la survenue d'un infarctus (comparativement aux participants n'ayant pas eu un tel épisode) est associée, s'il était silencieux, à un triplement du risque de décès d'origine cardiovasculaire (HR : 3,06 [1,88 - 4,99]) et à un risque multiplié par 4,7 (HR : 4,74 [3,26 - 6,90]) s'il s'agissait d'un infarctus typique.

Ces surrisques soulignent l'impact péjoratif, à distance, des infarctus symptomatiques, mais aussi asymptomatiques : 

 
Ce surrisque augmente également, mais moins fortement, pour la mortalité toutes causes confondues (HR (IC 95%) : 1,34 [1,09 - 1,65] pour les infarctus silencieux et 1,55 [1,30 - 1,85] pour les infarctus typiques) :

 
Ces risques sont légèrement supérieurs chez les femmes, par rapport aux hommes. Les auteurs n'ont pas retrouvé de différence entre les participants blancs et noirs.
 
En conclusion : une incidence élevée d'infarctus silencieux, qui augmentent le risque de décès au cours des années suivantes et sont donc à davantage dépister, si possible…
Cette analyse montre donc que le risque d'infarctus, silencieux ou non, diffère en fonction du sexe et de l'origine ethnique puisque les hommes et les caucasiens ont un risque plus accru. Ces données confirment les résultats antérieurs sur le risque cardiovasculaire en général.
 
Cette analyse montre aussi une proportion d'infarctus silencieux de 45 %, plus élevée que dans la plupart des études antérieures.
 
De plus, cette incidence d'infarctus silencieux de 45 % des infarctus est probablement encore sous-estimée, car l'onde Q de nécrose est susceptible de disparaître à distance.
 
Enfin, cette analyse montre que ces infarctus silencieux, qui surviennent donc sans signe d'alerte, sont associés à un mauvais pronostic à long terme, puisqu'ils triplent le risque de mourir d'une maladie cardiovasculaire dans les années qui suivent.
 
Cette étude confirme donc qu'optimiser la détection par ECG des infarctus silencieux (en cas de doutes à l'interrogatoire ou sur l'histoire clinique, la présence de facteurs de risques élevés – diabète, tabac, hypertension, surpoids, etc.) est justifié dans le suivi des maladies coronariennes. La prévention secondaire mise en place suite à cette découverte d'un infarctus silencieux pourrait permettre d'améliorer les chances de survie de ces patients à long terme.
 
En savoir plus :
Zhang ZM, Rautaharju PM, Prineas RJ, Rodriguez CJ, Loehr L, Rosamond WD, Kitzman D, Couper D, Soliman EZ. « Race and Sex Differences in the Incidence and Prognostic Significance of Silent Myocardial Infarction in the Atherosclerosis Risk in Communities (ARIC) Study. » Circulation. 2016 May 31 ; 133 (22) : 2141-8.

Sur VIDAL.fr : 
VIDAL Reco "Infarctus du myocarde"
Sources

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