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Baclofène et alcool : RTU prolongée d'1 an en attendant la publication des études et l'AMM ?

En attendant les publications, imminentes, des études Bacloville, Alpadir et d'une étude de sécurité CNAMTS-ANSM, la RTU (recommandation temporaire d'utilisation) du baclofène a été prolongée d'une année.

Cette décision s'accompagne d'une simplification importante de l'indication et du protocole de la RTU pour optimiser l'adhésion des professionnels de santé à ce dispositif, car depuis 3 ans, seuls 7 000 patients ont été enregistrés et l'utilisation hors RTU persiste.

Le nouveau protocole entré en vigueur le 17 mars prévoit  ainsi :
  • la suppression du portail d'inclusion ;
  • une utilisation du baclofène en première intention ;
  • des modalités spécifiques de prise en charge des patients présentant des troubles psychiatriques et des patients épileptiques.

L'ANSM rappelle également les modalités posologiques à respecter, à savoir une posologie progressive lors de l'instauration et dégressive à l'arrêt du traitement par baclofène.

Cette RTU simplifiée devrait donc permettre de faciliter la poursuite de l'utilisation du baclofène dans le traitement de l'alcoolodépendance (indicaition toujours hors AMM, puisque ce médicament est actuellement indiqué comme myorelaxant), en attendant les rapports définitifs des études en cours (dont les principaux résultats ont déjà été annoncés et relayés par la presse). 

Ces résultats définitifs pourraient motiver l'octroi d'une AMM dans cette indication, comme le souhaite le laboratoire Ethypharm, qui a annoncé son intention de déposer, d'ici fin mars, une demande d'AMM pour un médicament de baclofène dans le traitement de l'alcooldépendance. 
David Paitraud 20 mars 2017 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les données des études cliniques, en cours de finalisation de publication, montrent un intérêt du baclofène chez une partie des patients alcoolodépendants (illustration).

Les données des études cliniques, en cours de finalisation de publication, montrent un intérêt du baclofène chez une partie des patients alcoolodépendants (illustration).


Prolongation d'une année de la RTU car elle devait se terminer fin mars 2017
L'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a décidé de prolonger d'une année la RTU (recommandation temporaire d'utilisation) du baclofène (LIORESAL et BACLOFENE ZENTIVA 10 mg comprimé) dans la prise en charge des patients alcoolodépendants (Cf. VIDAL Reco "Alcool : prise en charge du mésusage - Médicaments en attente d'évaluation à long terme").

Mise en place en 2014, cette RTU était initialement prévue pour 3 ans et devait donc prendre fin en mars 2017. 


L'ANSM appuie sa décision de prolonger la RTU sur les recommandations du CSST (Comité scientifique spécialisé temporaire) et du Comité technique de pharmacovigilance, lesquels ont évalué régulièrement les données liées à l'utilisation du baclofène dans le cadre de la RTU.

En pratique : simplification du protocole de la RTU, indication désormais en première intention
Depuis le 17 mars, une nouvelle version de la RTU est proposée aux professionnels de santé.

L'objectif principal est d'optimiser l'adhésion des professionnels de santé par une simplification du dispositif, tout en conservant un haut niveau de sécurité pour cette utilisation hors AMM :

1 - Le portail d'inclusion est supprimé : cette simplification se concrétise principalement par une disparition du portail d'inclusion. En effet, seuls 7 000 patients ont été enregistrés au cours des 3 années de RTU. Ce taux faible d'adhésion traduit la complexité de ce portail. Une utilisation hors RTU persiste. En outre, ce dispositif n'a pas permis d'identifier de nouveaux signaux de pharmacovigilance.

2 - Indication désormais en première intention : l'indication a également été modifiée par rapport à la version initiale de la RTU. Désormais, le baclofène peut être prescrit en première intention dans les deux situations suivantes (version initiale de la RTU : indications ci-dessous "en cas d'échec des traitements disponibles") :
  • l'aide au maintien de l'abstinence après sevrage chez les patients dépendants à l'alcool ;
  • la réduction majeure de la consommation d'alcool jusqu'au niveau faible de la consommation telle que défini par l'OMS chez des patients alcoolodépendants à haut risque.
 
3 - Vigilance pour les patients à risque psychiatrique ou épileptique : l
a RTU révisée précise les précautions à prendre en présence de troubles psychiatriques. Ces patients doivent bénéficier d'une vigilance particulière en raison du risque d'aggravation d'une pathologie psychiatrique sous-jacente et/ou du potentiel risque suicidaire. 

C'est également le cas pour les patients épileptiques ou présentant des antécédents de crises comitiales, pour lesquels le seuil épileptogène peut être abaissé en cas de prise de baclofène. Le traitement doit donc être instauré très progressivement et une surveillance étroite du patient est nécessaire tout au long de la prescription.


4 - Posologie : rappel des règles : l'ANSM rappelle les règles posologiques à respecter lors d'un traitement par baclofène dans le cadre de l'alcoolodépendance :
  • à l'instauration du traitement, la posologie doit être progressive et adaptée en fonction de la tolérance et de l'efficacité observée chez le patient ;
  • à l'arrêt du traitement, la posologie doit également être diminuée très progressivement, compte-tenu du risque de survenue d'un syndrome de sevrage au baclofène.
Cette RTU va permettre de gérer la transition avec la publication attendue de plusieurs études, puis une probable prochaine AMM (autorisation de mise sur le marché) dans cette indication, les résultats intermédiaires et définitifs des différentes études en cours montrant un intérêt significatif chez une partie des patients, en particulier pour réduire la consommation quotidienne d'alcool). 

Contexte de cette nouvelle RTU : publication prochaine des résultats d'une étude de sécurité menée conjointement avec la CNAMTS, et des rapports définitifs de deux études cliniques, Bacloville et Alpadir
L'ANSM attend donc les résultats d'une étude de l'assurance maladie portant sur la sécurité de ce médicament dans cette indication, ainsi que la publication des rapports définitifs des études cliniques Alpadir et Bacloville.

Pour rappel, Alpadir est une étude comparative double insu évaluant l'efficacité du baclofène en termes d'abstinence versus placebo ; elle est réalisée en centres d'addictologie de ville ou hospitaliers. Les résultats définitifs, en attente de publication, montrent une absence d'efficacité significative sur l'abstinence, mais montrent par contre une diminution notable de la consommation quotidienne d'alcool, encore plus marquée chez les buveurs à haut risque (NDLR : nous reviendrons sur cette étude, et sur Bacloville, lors de leur publication définitive)

Quant à Bacloville, il s'agit d'une étude multicentrique, randomisée, comparative en double insu versus placebo lancée en mai 2012 dont l'objectif principal est d'évaluer l'efficacité du baclofène sur la consommation d'alcool après un an de traitement en milieu ambulatoire (médecins généralistes). Selon l'AP-HP, et en attendant l'accès à l'étude complète, les résultats montrent une supériorité de 20 % du baclofène par rapport au placebo en ce qui concerne la diminution de la consommation quotidienne d'alcool. 


Rappel : en 2015 résultats plutôt encourageants issus de l'analyse des données recueillies par l'ANSM après une année de RTU
Des données, collectées via le portail de l'ANSM après une année de RTU ont été rendues publiques en 2015.

Ces résultats montrent en particulier, côté efficacité, une diminution de la consommation d'alcool quotidienne, une baisse du craving (besdoin irrepressible de consommer de l'alcool) et une augmentation de l'abstinence, selon les données recueillies.

Côté tolérance, ces données confirmaient des risques neuropsychiatriques chez un peu moins de 10 % des patients, liés à la dose élevée de baclofène quotidienne (voir les détails dans 
notre article du 25 mars 2015).


Après la publication des études, délivrance d'une AMM puis commercialisation d'un médicament de baclofène spécifique au sevrage alcoolique ?
Les auteurs de Bacloville, Alpadir et l'étude des données de l'ANSM semblent confirmer un intérêt chez certains patients, en particulier gros buveurs, leur permettant de moins boire, et donc de diminuer leurs risques. 

Ces résultats positifs, en cours de finalisation de publicaiton pour Bacloville et Alpadir, pourraient donc rendre légitime une AMM spécifique pour cette indication. 

En tout cas, c'est ce que souhaite le laboratoire Ethypharm, qui a fait savoir par communiqué de presse qu'il allait déposer, d'ici fin mars, une demande d'AMM (autorisation de mise sur le marché) pour des comprimés dosés de 10 à 60 mg de baclofène, "mieux adaptés à la prescription dans l'alcoolo-dépendance" (NDLR : actuellement, seuls des comprimés de 10 mg sont disponibles). Le dossier est en cours de finalisation.

Si son dossier est accepté par les autorités de santé, ce médicament serait le premier à base de baclofène à obtenir une indication officielle dans le cadre de l'alcoolisme. 

Pour aller plus loin
La RTU du baclofène dans l'alcoolo-dépendance renouvelée pour une durée de 1 an - Point d'information (ANSM, 16 mars 2017)

Dossier RTU - ANSM (actualisé le 16 mars)

Version actualisée au 17 mars 2017 du protocole d'utilisation du baclofène


Les résultats définitifs de l'étude Bacloville confirment pour les patients alcoolo-dépendants inclus dans cet essai un effet positif du baclofène à fortes doses dans la réduction de la consommation d'alcool au 12ème mois, AP-HP, 17 mars 2017

Le baclofène est efficace pour réduire la consommation d'alcool, AFP & RTL, 17 mars 2017

Ethypharm confirme le dépôt fin mars 2017 d'une demande d'AMM pour le baclofène dans l'alcoolo-dépendance, communiqué de presse, 17 mars 2017


Sur VIDAL.fr
Vidal Reco "Alcool : prise en charge du mésusage"

Baclofène et dépendance alcoolique : un surrisque probable d'apnées sévères du sommeil à prendre en compte (juin 2016)


Baclofène et dépendance alcoolique : 1 an après la RTU, un premier bilan encourageant (mars 2015)

Baclofène : l'utilisation dans les troubles du comportement alimentaire "formellement déconseillée" par l'ANSM (décembre 2014)

Intérêts, efficacité et tolérance du baclofène : le point de vue du Dr Renaud de Beaurepaire (avril 2014)

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