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Régime sans gluten hors maladie cœliaque : doutes sur de possibles risques pour la santé

Le régime sans gluten est de plus en plus pratiqué en France et dans le monde, le plus souvent par des personnes ne souffrant pas de maladie coeliaque (maladie auto-immune altérant l'intestin grêle et rendant intolérant au gluten).

Mais ce régime d'éviction est-il vraiment bénéfique pour la santé ? Ou la suppression de la consommation de céréales, complètes et raffinées, expose-t-elle, au contraire, à des riques ? 

Pour en savoir plus, Lebxohl B et coll. ont analysée des données nutritionnelles de la Nurses Health Study et de la Health Professional Follow-up Study entre 1986 et 2012.

Les résultats montrent que les personnes qui n'ont pas de maladie coeliaque, déclarent consommer le moins de gluten ne présentent pas de risque cardiovasculaire supplémentaire.

Par contre, si elles ont supprimé le gluten des céréales complètes, en sus de celui des produits raffinés, elles présentent un léger surrisque cardiovasculaire (augmentation de 15 % du risque d’infarctus).
 
Ces personnes devraient donc, selon les auteurs, être averties du surrisque cardiovasculaire lié à la suppression à long terme de la consommation de produits dérivés des grains de céréales. 

Des conseils nutritionnels visant à compenser cette éviction devraient aussi leur être donnés : augmentation de leur consommation régulière de riz complet, de sarrasin, de maïs, par exemple (céréales complètes ne contenant pas de gluten).

Cette étude, ainsi qu'une autre réalisée à partir des mêmes cohortes, jettent un doute sur l'inocuité de l'éviction du gluten sans raison médicale valable et soulignent la nécessité de réaliser des études spécifiques et rigoureuses. 
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L'éviction alimentaire du gluten issu des céréales complètes est associée à une augmentation du risque d'infarctus (illustration).

L'éviction alimentaire du gluten issu des céréales complètes est associée à une augmentation du risque d'infarctus (illustration).


Le régime sans gluten, une tendance récente mais massive
Depuis une dizaine d'années, la popularité des régimes sans gluten hors maladie cœliaque avérée se cesse de grandir. On estime désormais le marché annuel mondial des produits sans gluten, de plus en plus présents dans les grandes surfaces, magasins et restaurants, à plus 3,5 milliards de dollars US !

Aux États-Unis, on estime qu'environ 30 % des adultes ont tenté de supprimer le gluten de leur alimentation (suppression des pâtes, du pain, des céréales, des pizzas, etc.), espérant ainsi moins souffir du ventre, maigrir ou, tout simplement, se sentir en meilleure santé.

En l'absence de données sur l'intérêt de ce type de régime sur la santé, des épidémiologistes se sont penchés sur ses éventuels effets indésirables sur la santé cardiovasculaire.
 
Deux cohortes américaines qui continuent à livrer des données épidémiologiques
La Nurses Health Study (67 714 femmes) et la Health Professional Follow-up Study (45 303 hommes) sont deux cohortes dont les données sont collectées depuis 1986.

Dans le cadre de l'article récent du BMJ, les épidémiologistes de la Harvard Medical School ont exploité les données nutritionnelles relevées tous les quatre ans entre 1986 et 2010 chez plus de 110 000 personnes indemnes de maladie cœliaque et de troubles coronariens à la date d'inclusion dans ces cohortes.
 
Quatre groupes selon la consommation quotidienne moyenne de gluten
Pour analyser les liens entre consommation de gluten et maladie coronarienne, les participants ont été répartis en quatre groupes selon la quantité moyenne de gluten ingérée quotidiennement, estimée à partir de la consommation de céréales, pâtes, gâteaux, pizzas, etc. : de "fort consommateurs" (> 7,5 g par jour chez les femmes, > 10 g/j chez les hommes) à "faibles consommateurs" (< 2,6 g/j chez les femmes, < 3,3 g/j chez les hommes).

Les autres facteurs de risque cardiovasculaire pris en compte dans l'analyse statistique étaient l'âge, l'origine ethnique, l'IMC (index de masse corporelle), les antécédents personnels de diabète, de dyslipidémie ou d'hypertension artérielle, l'usage régulier d'aspirine et d'AINS, la prise de statines, le tabagisme, les antécédents familiaux de troubles cardiaques, la prise d'un traitement substitutif de la ménopause, la sédentarité et d'autres facteurs nutritionnels (consommation de viande rouge, de boissons alcoolisées, etc.).
 
Après ajustement pour les autres facteurs de risque, la faible consommation absolue de gluten n'affecte pas le risque coronaire
Au cours des 24 années de l'étude, un infarctus du myocarde a été observé chez 6 529 participants (5,9 %). Après élimination de l'influence de facteurs de risque cardiovasculaire identifiés, aucune différence statistiquement significative a été observée entre les quatre groupes de consommateurs en terme d'incidence de l'infarctus du myocarde.

Ainsi, une faible consommation absolue de gluten ne semble pas affecter le risque d'infarctus.
 
Seule une faible consommation de gluten issu de céréales complètes augmente le risque coronaire
Les auteurs de l'article du BMJ ont essayé de distinguer les effets de la consommation de gluten liée aux céréales raffinées de ceux de la consommation de gluten liée aux céréales complètes.

L'analyse statistique a montré que seule une faible consommation de gluten issu des céréales complètes (blé, orge, seigle) est associée à une augmentation du risque de maladie coronarienne (RR 0,85, écart-type 0,77 – 0,95).

Un résultat cohérent avec celui des études montrant que la consommation régulière de céréales complètes diminue le risque cardiovasculaire 
Ce résultat peut être mis en regard d'autres observations de l'effet bénéfique de la consommation de céréales complètes sur la santé cardiovasculaire (voir par exemple Aune D et al., 2016 ou Wu H et al., 2015).
 
Des cohortes suivies avant la mode des régimes sans gluten
Les épidémiologistes de la Harvard Medical School signalent que les deux cohortes ont commencé à être suivies avant la forte popularité des régimes sans gluten et que leurs résultats pourraient être différents aujourd'hui avec des personnes qui font un effort conscient pour faire disparaître le gluten de leur alimentation.

Leur étude porte plutôt sur des personnes dont les habitudes alimentaires se trouvaient réduire l'apport en gluten, sans volonté particulière dans ce sens.

Par ailleurs, dans ces deux cohortes, les forts consommateurs de gluten étaient également ceux qui consommaient le moins de boissons alcoolisées, de matières grasses, de viandes rouges et qui fumaient le moins. L'influence de ces autres habitudes de vie a été ajustée dans l'analyse de l'influence du gluten sur leur santé cardiovasculaire.
 
Des résultats qui ne s'appliquent pas aux personnes souffrant de maladie cœliaque
Les auteurs de l'article du BMJ rappellent que, chez les personnes souffrant de maladie cœliaque, la suppression du gluten dans l'alimentation réduit le risque cardiovasculaire lié à la maladie (Ludvigsson JF et al, 2011). Leurs résultats ne s'appliquent donc pas aux cas de maladie cœliaque avérés.
 
Des conseils nutritionnels à donner aux personnes qui choisissent un régime sans gluten
Cette étude épidémiologique met en avant les possibles risques pour la santé de la suppression des céréales complètes des habitudes alimentaires, risques qui nécessitent d'être confirmés par des études rigoureuses. 

Ses auteurs concluent que, d'un point de vue cardiovasculaire, il n'est pas possible de recommander ce type de régime (hors maladie coeliaque, à nouveau).

Chez les personnes qui le choisissent néanmoins, des conseils nutritionnels devraient être donnés afin, a minima, que leur alimentation soit enrichie en fibres alimentaires solubles, par exemple en insistant sur la consommation régulière de riz complet, de sarrasin ou de maïs, qui ne contiennent pas de gluten.

Le régime sans gluten augmente-t-il aussi le risque de diabète de type 2 ?
Selon une étude des données de 200 000 Américains suivis pendant 30 ans ayant suivi un régime sans gluten par choix (et non en raison d'une maladie coeliaque), un régime pauvre en gluten serait associé à une augmentation du risque de type 2.

Cette étude en cours de publication, a été réalisée à partir des données des 2 mêmes cohortes que celles utilisées pour l'étude objet de cet article (Nurses Health Study et Health Professional Follow-up Study).Les résultats ont été présentés en mars 2017 par The American Heart Association.


Les auteurs expliquent que "les aliments sans gluten ont moins de fibres et moins de micronutriments", ce qui leur confère un index glycémique (influence sur le taux de sucre circulant dans le sang) plus élevé.

Cet index glycémique plus élevé pourrait expliquer ce surrisque de diabète de type 2, voire l'augmentation du risque cardiovasculaire décrite précédemment lorsque les personnes suppriment les céréales complètes de leur alimentation.

Dans l'attente d'autres études pour en savoir plus sur les conséquences de ce phénomène de masse
Souhaitons que d'autres études, interventionnelles cette fois-ci, permettent de confirmer ou infirmer ces résultats, afin de pouvoir informer au mieux les personnes qui décident de supprimer tout gluten de leur alimentation en raison, par exemple, d'inconfort digestif (peut-être lié à d'autres facteurs : malbouffe, additifs, etc.). 

Plus largement, ce phénomène interroge sur la pertinence des informations délivrées sur la nutrition, les régimes, surtout depuis l'apparition d'internet. En deux clics, vous pouvez facilement tomber sur un article accusant le gluten de tous les maux (comme celui-ci), assertions non démontrées, trompeuses voire totalement fausses.

En 2014, le "Pharmachien", pharmacien québécois auteur de bandes dessinées pédagogiques sur l'information santé, en a écrit et dessiné une sur les principaux mythes autour du gluten. Il vient de la mettre à jour :

 

Pour aller plus loin
 
L'article du BMJ sur l'impact de la consommation de gluten sur le risque coronaire
Lebwohl B et al. « Long term gluten consumption in adults without celiac disease and risk of coronary heart disease: prospective cohort study. » BMJ 2017;357.
 
Article sur l'impact de la suppression du gluten sur la santé cardiovasculaire des personnes souffrant de maladie cœliaque
Ludvigsson JF et al. « Nationwide cohort study of risk of ischemic heart disease in patients with celiac disease. » Circulation 2011;357:483-90.
 
Articles sur l'impact de la consommation de céréales complètes sur la santé cardiovasculaire en général
Aune D et al. « Whole grain consumption and risk of cardiovascular disease, cancer, and all cause and cause specific mortality: systematic review and dose-response meta-analysis of prospective studies. » BMJ 2016;357:i2716.
 
Wu H et al. « Association between dietary whole grain intake and risk of mortality: two large prospective studies in US men and women. » JAMA Intern Med 2015;357:373-84.
 

Présentation d'une étude de cohorte recherchant un éventuel surrisque de diabète type 2 en cas d'alimentation pauvre en gluten
American Heart Association Meeting Report Presentation, "Low gluten diets may be associated with higher risk of type 2 diabetes", 11 March 09, 2017
Sources

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