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Grossesse et compléments alimentaires : l’Anses met en garde contre d'éventuels risques

Suite à des signalements de cas d’hypercalcémie néonatale et d’hypothyroïdie congénitale possiblement liés à la prise de compléments alimentaires pendant la grossesse, l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a mis en place un groupe de nutrivigilance.
 
Les travaux de ce groupe ont montré que la prise excessive de vitamine D associée à une "hypersensibilité génétique" peut entraîner une hypercalcémie. Quant à l’hypothyroïdie, elle peut être provoquée par un apport excessif d’iode (oral ou transdermique).
 
D’une manière plus générale, l’Anses recommande d’éviter, pendant la grossesse, la multiplication des sources de vitamines et minéraux en l’absence de besoins établis. En particulier, les femmes enceintes ne devraient pas prendre de compléments alimentaires sans l’avis d’un médecin.
08 juin 2017 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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La prise de compléments alimentaires (et de médicaments) pendant la grossesse ne doit être effectuée que si les professionnels de santé estiment que c'est nécessaire (illustration).

La prise de compléments alimentaires (et de médicaments) pendant la grossesse ne doit être effectuée que si les professionnels de santé estiment que c'est nécessaire (illustration).


Le dispositif national de nutrivigilance, en place depuis 2009
L'Anses pilote le dispositif national de nutrivigilance, mis en place en 2009 (disposition de la loi HPST, dite loi Bachelot).
 
Il s'agit d'un système de veille sanitaire dont l'objectif est d'améliorer la sécurité du consommateur en identifiant rapidement d'éventuels effets indésirables liés à des aliments ou nutriments :
  • compléments alimentaires ;
  • aliments ou de boissons enrichis en substances à but nutritionnel ou physiologique (exemple : boissons énergisantes) ;
  • nouveaux aliments et ingrédients (exemple : jus de noni) ;
  • produits destinés à l'alimentation de populations particulières (boissons pour les sportifs par exemple).

Cette identification est notamment permise par le recueil de signalements d'effets indésirables liés à une denrée alimentaire effectués par des professionnels de santé, usagers, distributeurs, etc. (en utilisant ce formulaire de télédéclaration en ligne)
 
Signalements d'effets indésirables "susceptibles d'être liés à la prise de compléments alimentaires pendant la grossesse"
Le dispositif de nutrivigilance a recueilli, depuis 2009, 44 signalements d'effets indésirables évocateurs d'un possible lien avec la prise de compléments alimentaires par la mère enceinte.
 
18 de ces signalements ont donc fait l'objet d'une analyse d'imputabilité, les autres ayant été considérés comme non recevables (données manquantes ou absence d'effet indésirable).
 
Il s'agissait le plus souvent d'hypercalcémies et hypothyroïdies néonatales, ainsi que de possibles effets secondaires gastro-intestinaux ou obstétricaux.
 
Hypercalcémie néonatale : impact possible des compléments alimentaires seulement en cas de mutation génétique
Les experts regroupés par l'Anses ont tout d'abord constaté que l'apport de vitamine D par compléments alimentaires ne peut déclencher à lui seul une hypercalcémie chez la mère ou le foetus.
 
Par contre, en cas de mutation touchant le gène cyp24A1 et codant pour la 24-hydroxylase (enzyme qui inactive la vitamine D), une hypercalcémie peut se produire en cas d'apport de vitamine D, par compléments alimentaire ou autres.  Biologiquement, une telle hypercalcémie d'origine génétique se traduit par une valeur basse du dosage de la PTH (hormone parathyroïdienne).
 
De même, en cas de tumeur maligne, une hypercalcémie peut survenir, indépendamment de la vitamine D.
 
Par ailleurs, les experts rappellent que l'apport de vitamine D, en sus de l'alimentation, ne présente pas d'intérêt pendant la grossesse.
 
En ce qui concerne les 5 signalements d'hypercalcémies néonatales  effectués en nutrivigilance, les experts considèrent que l'imputabilité au complément alimentaire est "douteuse ou possible", mais l'absence de dosage de la PTH et de recherche d'une mutation du gène cyp24A1 n'a pas permis de le confirmer.
 
Hyperthyroïdie néonatale : le rôle de l'iode
Les experts rappellent que pluseurs causes médicales peuvent expliquer une telle hypothyroïdie du nouveau-né : défaut génétique d'hormonosynthèse, dysgénésies de la thyroïde (défaut de formation ou malformation majeure pendant la grossesse), carence ou excès d'apport alimentaire, traitement par la mère par des antithyroîdiens de synthèse, etc.
 
En ce qui concerne les signalements effectués en nutrivigilance, l'Anses estime que l'imputabilité à la prise d'un complément alimentaire est "possible", mais non démontrée (plusieurs sources d'iode possibles, par exemple avec application répétée d'antiseptiques iodés lors de l'accouchement).
 
Recommandations  pour les professionnels de santé
L'Anses formule des recommandations à suivre en cas d'hypercalcémie chez la femme enceinte.

L'hypersensibilité à la vitamine D, d'incidence estimée à 1/250 000 pour la mutation homozygote la plus cliniquement significative, ne fait pas actuellement l'objet d'un dépistage systématique.
  • Une hypercalcémie chez la mère, même infra-clinique, peut notamment être un signe d'hypersensibilité à la vitamine D. Les professionnels de santé doivent y être attentifs en cas de grossesse. Un dosage de la calcémie pourrait être inclus dans le bilan sanguin établi lors d'une grossesse.
  •  En cas d'hypercalcémie chez la femme enceinte, il convient de rechercher sa cause et de discuter de l'intérêt d'une complémentation maternelle en vitamine D.
  • Devant l'apparition d'une hypercalcémie néonatale sans étiologie identifiée, il convient de rechercher une mutation du gène cyp24A1 chez l'enfant.
    • En cas de mutation homozygote avérée, l'enfant ne doit plus recevoir de vitamine D et l'exposition au soleil doit être limitée. L'attention des parents doit être attirée sur l'existence d'un risque d'hypersensibilité à la vitamine D chez leurs autres enfants.
    • En cas de mutation hétérozygote, en l'absence de données scientifiques, les enfants doivent être suivis avec attention afin d'adapter les doses de vitamine D à chaque cas. La mutation doit également être recherchée chez les deux parents en vue d'une future grossesse.

L'Anses souligne par ailleurs que l'exposition simultanée à de multiples sources d'iode (provenant de médicaments ou de compléments alimentaires) doit être évitée pendant la grossesse car elle peut augmenter le risque d'hypothyroïdie néonatale.
 
Recommandation pour les femmes enceintes
L'Anses recommande aux femmes enceintes de signaler à leur médecin (référent ou obstétricien) ou sage-femme la prise de tout produit (médicament ou complément alimentaire) qu'il soit délivré sur prescription ou pris en automédication.
 

Le pharmacien détient également un rôle de conseil et de prudence avant de délivrer ces produits pendant la grossesse.
 
En savoir plus :

Compléments alimentaires et grossesse : l'Anses recommande d'éviter la multiplication des sources de vitamines et minéraux en l'absence de besoins établis, communiqué de l'Anses, 7 juin 2017
 
Risques endocriniens et métaboliques relatifs à l'apport au cours de la grossesse de vitamine D et d'iode par des compléments alimentaires impliqués dans des cas de nutrivigilance, Avis de l'Anses, Rapport d'expertise collective, mai 2017
 
Présentation du dispositif national de nutrivigilance, Anses
 
Télédéclaration d'effet indésirable susceptible d'être lié à la consommation de complément(s) alimentaire(s) ou de certains produits alimentaires, Anses
 
Sur VIDAL.fr : 
Compléments alimentaires et aliments enrichis : bilan de l'Anses après 3 ans de nutrivigilance (octobre 2014)
Boissons énergisantes : mise en garde de l'Anses contre les modes de consommation à risque (octobre 2013)
Sources

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