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Lombalgie en population défavorisée : intérêts comparés de la kinésithérapie, du yoga et de l’éducation

Une étude randomisée de non infériorité en simple aveugle a comparé l’efficacité du yoga, de la kinésithérapie et de l’éducation du patient dans la prise en charge des lombalgies, en milieu défavorisé.

Menée sur 1 an, avec 12 semaines d’intervention active et 40 semaines d’entretien actif ou auto-administré, cette étude a été effectuée auprès de 320 personnes réparties en 3 groupes.

Les résultats, 
publiés dans Annals of Internal Medicine, montrent que le yoga fait aussi bien que la kinésithérapie en terme d'amélioration fonctionnelle à 12 semaines, mais pas sur la douleur. Ces deux approches paraissent aussi globalement plus efficaces que l'éducation  

De plus, ces effets bénéfiques persistent après une année.

Les auteurs signalent des freins (communication, déplacements, gestion des problèmes intercurrents) altérant l'observance. 

Devant ces résultats montrant la pertinence du yoga dans cette indication, ils suggèrent de la proposer aux personnes défavorisées, car, aux Etats-Unis, le yoga coûte moins cher que la kinésithérapie (non remboursée).

Rappelons qu'en France les séances de kinésithérapie sont remboursées, sur prescription, en cas de lombalgie. Par contre, les autres freins des personnes défavorisées demeurent.
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Le yoga paraît aussi efficace, sur le plan fonctionnel, que la kinésithérapie pour soulager les lombalgies (illustration).

Le yoga paraît aussi efficace, sur le plan fonctionnel, que la kinésithérapie pour soulager les lombalgies (illustration).


Trois approches ayant déjà démontré leur efficacité séparément
Dans la prise en charge des lombalgies sans cause organique identifiée, le yoga, la kinésithérapie et l'éducation du patient ont montré leur efficacité dans plusieurs études cliniques de grande taille et méta-analyses (voir par exemple Hayden JA et al., 2005 ou Wieland LS et al., 2017).

Mais comment ces modes d'intervention se comparent-ils en terme d'efficacité sur la fonctionnalité et l'intensité de la douleur ?
 
Une étude de non infériorité financée par les National Institutes of Health
Une équipe du Boston Medical Center vient de publier, dans les Annals of Internal Medicine, une étude comparant le yoga, la kinésithérapie et l'éducation du patient dans la prise en charge de la lombalgie sans cause organique identifiée.

Cette étude, la Back to Health Study, a été financée par le National Center for Complementary and Integrative Health (NCCIH) des National Institutes of Health (NIH), une structure publique dédiée à la recherche clinique sur les thérapies complémentaires.
 
Une étude menée auprès de populations défavorisées pour être au plus proche de la réalité
L'étude présentée dans les Annals a été menée auprès de 320 participants âgés de 18 à 64 ans atteints de lombalgie depuis plus de 12 semaines avec des douleurs supérieures à 4 sur une échelle analogique allant de 0 à 10.

Parce que les lombalgies affectent particulièrement les populations de faible niveau socio-économiques, les auteurs ont choisi de recruter les participants dans les quartiers les moins favorisés de Boston et de mener cette étude dans des centres de santé intégrés à ces communautés.

Ainsi, les résultats obtenus reflètent l'usage de ces modes de prise en charge dans des conditions d'accès aux soins au plus proche de la réalité.
 

Trois groupes "formés" pendant 12 semaines et suivis pendant 40 semaines supplémentaires, soit 1 an au total
Les participants ont été randomisés en trois groupes.

Le premier groupe a pratiqué une séance de yoga hebdomadaire pendant 12 semaines, suivies de 40 semaines d'entretien (séances de yoga à la demande pour la moitié, exercices à domicile pour l'autre moitié).

Le deuxième groupe a bénéficié d'une séance de kinésithérapie hebdomadaire pendant 12 semaines, suivies de 40 semaines d'entretien (séances de kinésithérapie pour la moitié, exercices à domicile pour l'autre moitié).

Dans ces deux groupes, pour éviter les biais liés à la qualité des intervenants, le déroulement des interventions a été codifié dans des manuels décrivant les ateliers de yoga et les séances de kinésithérapie.

Enfin, le troisième groupe dit « Éducation » a reçu un guide pratique sur les lombalgies déjà utilisé dans des études précédentes et une lettre d'information de deux pages toutes les trois semaines.
 
Une comparaison fondée sur les possibles améliorations fonctionnelles et sur l'éventuel soulagement de la douleur
L'étude a été menée en simple aveugle (les évaluateurs ne connaissaient pas ll'approche utilisée pour les patients qu'ils évaluaient) et les résultats comparés à 12 et 52 semaines.

L'état fonctionnel a été mesurée par le Roland Morris Disability Questionnaire (RMDQ). Le niveau de douleur a été évalué par une échelle analogique de 0 à 10.

Par ailleurs, la consommation d'antalgiques, la qualité de vie et la satisfaction des participants ont été mesurées (critères d'(évaluation secondaires).
 
Amélioration fonctionnelle : le yoga apporte une amélioration comparable à celle obtenue par la kinésithérapie
L'article publié dans les Annals montre qu'à 12 semaines, l'amélioration fonctionnelle obtenue dans le groupe "yoga" (amélioration moyenne : -3,8 ; IC95 % -4,6 à -2,9) est comparable à celle obtenue dans le groupe "kinésithérapie" (-3,5 ; IC95 % -4,5 à -2,6).

Le yoga et la kinésithérapie donnent de meilleurs résultats que l'éducation
L'amélioration constatée dans le groupe "éducation" (
-2,5 ; IC95 % -3,8 à -1,3) est significativement inférieure à celle constatée dans les groupes "yoga" et "kinésithérapie". 

De plus, le yoga et la kinésithérapie ont montré une plus grande efficacité que l'éducation sur le pourcentage de participants ayant signalé une amélioration du RDMQ supérieure ou égale à 30 % de la valeur initiale :
  • 48 % pour le yoga,
  • 37 % pour la kinésithérapie
  • et 23 % seulement pour l'éducation.

Aucune différence n'a été observée entre les participants qui ont bénéficié de séances d'entretien actives et ceux qui ont continué à pratiquer yoga ou exercices physiques à domicile entre la 12e et la 52e semaine.
 
La kinésithérapie plus efficace que le yoga et l'éducation sur la douleur

Sur l'évaluation de la douleur au bout de 12 semaines, aucune différence significative n'a été observée entre les groupes "Yoga" (-1,7 points en moyenne sur l'échelle visuelle de la douleur ; IC95 % -2,1 à -1,4)et "éducation" (-1,4 ; IC95 % -2,0 à - 0,9).

Par contre, les participants du groupe 
"kinésithérapie" ont ressenti moins de douleurs au bout de 12 semaines (-2,3 ; IC95 % -2,7 à -1,9)

Critères secondaires : médicaments, échelles de satisfaction et de qualité de vie (physique et mentale)
Médicaments
Lors des 12 semaines actives de l'étude, les participants du groupe "Yoga" ont pris davantage de  paracétamol (33 %), par rapport aux participants du groupe "kinésithérapie" (42,7 %) et du groupe "éducation" (47,5 %). 

A l'inverse, les participants du groupe "Yoga" ont pris moins d'AINS (33 %), par rapport aux participants du groupe "kinésithérapie" (21,8 %) et du groupe "éducation" (39,3 %). 

D'une manière globale, les auteurs ont constaté que les participants des groupes "yoga" et "kinésithérapie" avaient davantage stoppé leurs antalgiques que ceux du groupe "éducation". 

Sensation d'amélioration de la situation
Les participants du groupe "kinésithérapie" se sont sentis le plus "améliorés" (42 %), par rapport aux participants du groupe "yoga" (34%) et du groupe "éducation" (21 %). 

Satisfaction ressentie vis-à-vis de l'intervention*
Les participants du groupe "kinésithérapie" se sont sentis le plus satisfaits de cette prise en charge (50 %), par rapport aux participants du groupe "yoga" (43 %) et du groupe "éducation" (21 %). 

Evaluation de la qualité de vie sur le plan physique (SF-36
Les améliorations constatées chez les participants du groupe "kinésithérapie" et du groupe "yoga" étaient équivalentes
(+ 5 points ; IC95 % 3,6 à 6,5), légèrement supérieures à celles du groupe "éducation" (+ 4,5 points ; IC95% 3 à 6)). 

Evaluation de la qualité de vie sur le plan moral (SF-36
Les améliorations constatées chez les participants du groupe "kinésithérapie" (+ 3,5 points ; IC95 % 1,6 à 5,5) étaient quasiment équivalentes à celles du groupe "yoga" (+ 3,3 points ; IC95 % 1,6 à 5), et nettement supérieures à celles du groupe "éducation" (+ 1,8 points ; IC95% -0,9 à 4,5). 

En synthèse : le yoga a fait aussi bien que la kinésithérapie sur le plan fonctionnel, mais pas sur la douleur. Au total, ces deux approches semblent plus efficaces que l'éducation seule
Les auteurs avaient posé comme hypothèse que le yoga serait aussi efficace que la kinésithérapie sur l'amélioraiton fonctionnelle et sur la douleur. Résultat, cette hypothèse n'est confirmée que pour l'amélioration fonctionnelle.

Par contre, les critères primaires et secondaires montrent que globalement, le yoga et la kinésithérapie sont deux approches donnant de meilleurs résultats que l'éducation seule par un guide de conseils. 

Les auteurs notent que l'observance, modérée, de ces populations défavorisées, en raison de problèmes intercurrents (problèmes de téléphone, transports, comorbidités, problèmes de gardes d'enfants, d'incarcéreations même...), ont pu affecter cette efficacité 

Cependant ces améliorations se sont maintenues à un an, que les patients aient continué des cours de yoga ou des séances de kinésithérapie, ou qu'ils aient pratiqué ces mouvements à la maison uniquement. 

Mais des freins d'accès des plus défavorisés aux cours de yoga ou aux séances de kiné
Les auteurs soulignent que les personnes défavorisées, en dehors du contexte particulier de cette étude, ne peuvent pas, aux Etats-Unis (et sûrement aussi en France) accéder à des cours de yoga, "aux tarifs prohibitifs". Il en est de même, toujours aux Etats-Uis, pour les séances de kinésithérapie (souvent non prises en charge par les mutuelles américaines, alors qu'elles sont remboursées sur prescription en France). 

Ils doivent donc en général se contenter d'un guide (comme le groupe "éducation"), qui donne des résultats positifs mais inférieurs aux séances de kinésithérapie ou aux cours de yoga. 

Les auteurs font cependant remarquer que le coût par patient des séances de yoga est plus faible que celui des séances de kinésithérapie (aux Etats-Unis, rappelons-le à nouveau. En France, les séances de kinésithérapie sont remboursées si elles sont prescrites). 

Proposer un programme adapté aux personnes défavorsiées et à leurs contraintes
Au vu de ces résultats et de ces freins, eu au vu du moindre coût, aux Etats-Unis toujours, des séances de yoga par rapport à celles de kinésithéraîe, les auteurs estiment qu'"un programme de yoga structuré destiné aux patients souffrant de lombalgie pourrait devenir une alternative raisonnable à la kinésithérapie en fonction des préférences des patients, de la disponibilité des deux modes d'intervention et de leur coût".

L'éducation du patient, peu coûteuse dans les modalités de cette étude, pourrait compléter les effets de ces modalités thérapeutiques.

Des recherches complémentaires devraient explorer les moyens d'améliorer l'observance parmi les patients issus d'un milieu socio-économique défavorisé.

Pour en revenir à la France, il paraît préférable d'inciter les personnes défavorisées à pratiquer des séances de kinésithérapie, en tentant de lever les freins à leur observance (transport, communication, etc.).

Cette étude confirme aussi l'intérêt du yoga, dont les bienfaits s'étendent à d'autres pathologies (voir par exemple notre article "yoga et arthrose") et en prévention (le yoga constitue a minima une activité physique modérée, dont les bénéfices, notamment cardiovasculaires, ne sont plus à démontrer).
 
Pour aller plus loin
 
L'article des Annals of Internal Medicine sur le yoga, la kinésithérapie et l'éducation du patient dans les lombalgies
Saper RB et al. « Yoga, Physical Therapy, or Education for Chronic Low Back Pain: A Randomized Noninferiority Trial. » Ann Intern Med. 2017 Jun 20.
 
Le protocole de l'étude Back to Health qui détaille les interventions, 2014.

Le protocole de yoga utilisé par les intervenants dans cette étude
« Yoga teacher Training Manual », Back to Health Study, 2014
 
Le protocole de yoga auto-administré en entretien dans cette étude
« Participant Guidebook », Back to Health Study, 2014
 
Le protocole de kinésithérapie utilisé par les intervenants dans cette étude
« Physical therapy – Intervention Manual », Back to Health Study, 2014
 
Le guide pratique sur les lombalgies remis aux participants du groupe Éducation
Moore J et al. « The back pain help-book », Da Capo Press, 1999.
 
Le questionnaire de Roland Morris évaluant la fonctionnalité dans les lombalgies
 
Une méta-analyse sur l'efficacité de la kinésithérapie dans les lombagies
Hayden JA et al. « Meta-analysis: exercise therapy for nonspecific low back pain. » Ann Intern Med. 2005;142:765-75.
 
Une méta-analyse sur l'efficacité du yoga dans les lombalgies
Wieland LS et al. « Yoga treatment for chronic non-specific low back pain. » Cochrane Database Syst Rev. 2017;1:CD010671.

Sur VIDAL.fr :
Arthrose : la pratique encadrée du yoga associée à des bénéfices significatifs et durables (octobre 2015)
 

 

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