#Santé publique

Augmentation rapide des cas de gonorrhées multirésistantes aux antibiotiques couramment utilisés

L'OMS s’alarme de l’augmentation rapide, à travers le monde, de cas de gonorrhée multirésistante aux antibiotiques de référence.

Pour tenter de prévenir l’apparition de cas de gonorrhée incurable, elle vient de publier une feuille de route destinée à structurer la recherche et le développement de nouveaux antibiotiques efficaces contre Neisseria gonorrhoeae, y compris contre les souches multirésistantes ou extensivement résistantes.

Ces mesures à court et moyen termes devront être accompagnées de campagnes de prévention contre les IST (infections sexuellement transmissibles), en particulier centrées sur l’usage du préservatif. Rappel d’autant plus important que la PrEP (prophylaxie-pré-exposition de l’infection par le VIH) réduit le recours aux préservatifs comme moyen de protection.

 
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Les cas de gonorrhée multirésistante aux antibiotiques de référence augmentent à travers le monde

Les cas de gonorrhée multirésistante aux antibiotiques de référence augmentent à travers le monde


La gonorrhée, un problème de santé mondial
Avec 78 millions de nouveaux cas en 2012 dans le monde, la gonorrhée est l'une des infections sexuellement transmissibles (IST) les plus courantes.
 
Si elle n'affecte pas le pronostic vital, elle est néanmoins préoccupante en termes de prévalence, de coûts induits par ses morbidités, d'impact éventuel sur la fertilité (chez 10 à 20 % des femmes infectées) et sur la santé néonatale (risques d'infections oculaires, parfois sources de séquelles) et, depuis quelques années, d'apparition de souches antibiorésistantes.

Pour ces raisons, en février 2017, l'OMS a officiellement fait de la lutte contre les gonorrhées l'une de ses « hautes priorités ».
 
La gonorrhée, une IST en recrudescence dans le monde
Ces dernières années, une recrudescence de cas de gonorrhée a été observée dans tous les pays. Par exemple, en 2014 et 2015, l'augmentation du nombre de cas a été de 11 % au Royaume-Uni, de 13 % aux États-Unis, de 15 % au Canada, allant jusqu'à 146 % dans certains états australiens.
 
En France, entre 2013 et 2015, le nombre de cas de gonorrhée a doublé chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH).

Pour surveiller cette recrudescence, ainsi que l'apparition de souches bactériennes résistantes, l'OMS a créé un Programme global de surveillance antimicrobienne sur les gonocoques (WHO GASP).
 
Plusieurs explications à cette recrudescence
Cette flambée mondiale de la gonorrhée peut être expliquée par divers facteurs :
  • le moindre usage des préservatifs, en lien avec une diminution de la perception des risques infectieux, ainsi qu'aux nouveaux traitements (préventifs et curatifs) de l'infection par le VIH dans certains pays ;
  • l'urbanisation croissante et la démocratisation des transports ;
  • des traitements inadéquats ou incomplets.
 
De plus, la gonorrhée est asymptomatique chez environ 40 % des femmes et plus de 50 % des hommes infectés, ce qui rend le dépistage et le diagnostic difficiles, et augmente la probabilité d'acquisition de résistance (par interaction durable avec la flore commensale).
 
La résistante des gonocoques aux antibiotiques, une longue histoire
Depuis des années, des cas de gonocoques résistants à une famille particulière d'antibiotiques ont été signalés. Ainsi, les sulfamides, les pénicillines, les céphalosporines de première génération, les tétracyclines, les macrolides et certaines fluoroquinolones sont devenus inefficaces pour traiter, seuls, la gonorrhée.

Aujourd'hui, dans les pays où ces antibiotiques sont disponibles, le traitement standard de la gonorrhée repose sur l'injection intramusculaire unique de ceftriaxone (céphalosporine à large spectre de 3e génération ou C3G), ou la prise per os de cefixime (autre C3G) en cas d'injection intra-musculaire impossible, suivie de l'administration orale d'une dose d'azithromycine (macrolide) ou de doxycycline (tétracycline).
 
L'infection pharyngée, habituellement asymptomatique et donc facteur d'apparition de résistances aux antibiotiques
Dans leur feuille de route, les scientifiques du partenariat global pour la recherche et le développement d'antibiotiques (GARDP), émanation de l'OMS et de l'Initiative pour des traitements contre les maladies négligées (DNDi), insistent sur le rôle du pharynx dans l'apparition de résistance aux antibiotiques chez Neisseria gonorrhoeae.
 
En effet, l'infection pharyngienne est habituellement asymptomatique et des transferts horizontaux de gènes de résistance peuvent avoir lieu avec la flore de Neisseria sp. locale.

De plus, le traitement antibiotique standard est moins efficace sur l'infection pharyngée (79 à 84 % d'élimination de N. gonorrhoeae) que sur l'infection urogénitale (96 %).
 
L'apparition rapide de souches de gonocoque multirésistantes dans 77 pays
Dans sa feuille de route, le GARDP signale, dans 77 pays, l'apparition récente de souches de gonocoque anormalement résistantes, en particulier aux traitements de référence.

L'OMS a donc identifié des souches multirésistantes (MDR) qui sont définies par une résistance aux C3G par voie orale et à au moins deux macrolides, fluoroquinolones, pénicillines, tétracyclines, aminoglycosides ou carbapénèmes.

Des souches extensivement résistantes (XDR) ont également été retrouvées par l'OMS et sont définies par une résistance aux C3G par voie intramusculaire et orale ou une résistance aux C3G par voie orale associées à la spectinomycine, et la résistance à au moins trois macrolides, fluoroquinolones, pénicillines, tétracyclines, aminoglycosides ou carbapénèmes.
 
Un plan stratégique pour éviter l'apparition de gonorrhées incurables
Dans le plan stratégique proposé par le GARDP, les auteurs s'inquiètent du fait que, en 2017, seulement trois nouveaux antibiotiques efficaces sur les gonocoques sont en développement clinique : solithromycine, zoliflodacine et gepotidacine.

Selon le plan établi par le GARDP pour prévenir la généralisation de souches de Neisseria gonorrhoeae multirésistantes, l'OMS devra, dans les années à venir :
  • accélérer le développement (par des essais randomisés) et la commercialisation de nouveaux antibiotiques contre la gonorrhée, dont au moins un d'ici 2023 ;
  • s'assurer que ces nouveaux traitements sont étudiés dans des pays où la prévalence des IST est élevée et qui connaissent des cas de gonorrhée multirésistante ;
  • favoriser le développement d'associations d'antibiotiques à dose fixe en vue d'augmenter leur spectre et leur efficacité, ainsi que la facilité de prise des traitements ;
  • favoriser la publication de recommandations fondées sur les preuves pour s'assurer que, dans la pratique, ces nouveaux traitements sont prescrits de manière à réduire l'apparition d'antibiorésistance.
 
Ces mesures devront, pour être efficaces, s'accompagner de campagnes d'information sur les mesures de prévention de la gonorrhée et des IST en général, en particulier l'usage systématique des préservatifs.

Dans le contexte particulier de la PrEP (prophylaxie pré-exposition de l'infection par le VIH, voir notre article), promouvoir l'usage du préservatif risque d'être plus difficile et le besoin de traitements anti-infectieux efficaces n'en sera que plus pressant.
 
Pour aller plus loin
 

La feuille de route de recherche et de développement publiée par le GARDP
Global Antibiotics Research and Development Partnership. « Multi-drug-resistant gonorrhoea: a research and development roadmap to discover new medicines. » Juillet 2017
 
Le point sur les IST en France en 2015
Ndeikoundam N, et al. « Les infections sexuellement transmissibles bactériennes en France : situation en 2015 et évolutions récentes. » Bull Epidémiol Hebd. 2016;(41-42):738-44.
 
Les recommandations de la HAS sur la prise en charge de la gonorrhée
« Dépistage et prise en charge de l'infection à Neisseria gonorrhoeae : état des lieux et propositions », Haute autorité de santé, Décembre 2010.
La synthèse
Le rapport complet

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