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Douleur aux urgences : première comparaison entre l'efficacité du paracétamol oral et intraveineux

La prise en charge de la douleur aux urgences, souvent décrite comme imparfaite, a fréquemment recours à l’administration d’antalgiques en perfusion intraveineuse, en supposant que cela soulage plus rapidement la douleur. 

Mais cette administration intraveineuse présente-t-elle un rapport bénéfices - risques positif (soulagement de la douleur, tolérance, satisfaction du patient, réduction de la durée de séjour) et supérieur à celui d'une administraiton orale ? Si oui, est-ce aussi le cas pour le paracétamol, antalgique très fréquemment utilisé sous forme IV ou orale ? 

Afin d'en savoir plus, des chercheurs australiens ont comparé, en double aveugle avec double placebo, l'impact sur des douleurs modérées à sévères des formes IV et orale du paracétamol, chez 87 patients ayant déjà reçu aux urgences une perfusion d’antalgiques morphiniques et ressentant toujours des douleurs (limite principale de cette étude).
 
Les résultats montrent que le paracétamol possède, chez ces patients, une efficacité antalgique modeste mais significative.

Par contre, aucune différence n’a été observée entre les formes IV et orale en terme d’efficacité, de tolérance, de durée du séjour aux urgences ou de satisfaction des patients.

85 % des patients ayant reçu du paracétamol ont d'ailleurs ensuite reçu de nouveau une administration IV de morphiniques.

Bien que ces médicamens existent depuis des décennies, et malgré ses limites certaines, il s'agit de la première étude comparant l'impact du paracétamol oral versus IV.

Ces résultats suggèrent, selon les auteurs, d'opter préférentiellement pour la forme orale du paracétamol, et ce d'autant que la forme IV est plus chère, plus risquée et que sa mise en place prend du temps aux infirmiers et infirmières, dans un contexte de surtension quasi-permanente des services d'urgence en France. 
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Urgences : une étude australienne montre que le paracétamol est aussi efficace par voie orale qu'en IV

Urgences : une étude australienne montre que le paracétamol est aussi efficace par voie orale qu'en IV


Prise en charge de la douleur aux urgences : de nombreuses questions sont actuellement posées
Les manifestations douloureuses représenteraient environ 75 % des consultations en urgence.

Pourtant, diverses études ont mis en évidence une gestion suboptimale de ces symptômes douloureux (voir par exemple Downey LV & Zun PS, 2010 ou Patrick PA et al., 2015).

De nombreux essais cliniques ont comparé différents traitements analgésiques dans le contexte des urgences médicales : par exemple, paracétamol contre morphiniques ou formes IV contre formes orales ou rectales.

Les études comparant l'administration IV de paracétamol à celle de morphiniques ont donné des résultats contradictoires mais semblent indiquer une efficacité similaire des deux options dans le traitement des douleurs liées aux coliques néphrétiques, aux lombalgies ou aux traumatismes des membres, toujours dans le contexte des soins d'urgence.
 
Forme IV ou forme orale, des résultats parfois contre-intuitifs
Dans la prise en charge de la douleur en urgence, les formes IV (morphiniques, néfopam, paracétamol) sont souvent préférées , pour des raisons de rapidité d'action et de biodisponibilité.

Pourtant, l'administration IV présente davantage de risque d'effets indésirables et de complications (infectieuses essentiellement) que l'administration orale, et les médicaments injectables sont souvent plus chers.
 
Une étude australienne compare, pour la première fois, les formes orales et IV du paracétamol
Dans ce contexte, des médecins australiens viennent de présenter, dans le BMJ Emergency Medicine Journal, une étude randomisée comparant un gramme de paracétamol IV et un gramme de paracétamol par voie orale chez des adultes admis aux urgences et ayant déjà reçu un traitement antalgique morphinique.

Cette étude a porté sur 87 patients (âge moyen 43,5 ans, dont 59,8 % de femmes) présentant des douleurs modérées à sévères (en moyenne 67,9 mm sur une échelle visuelle analogique d'auto-évaluation de la douleur allant de 0 à 100 mm).
 
Des patients déjà traités par un antalgique opiacé, pour raisons éthiques
Ces patients avaient déjà reçu un traitement IV à base de morphiniques, les investigateurs estimant contraire à l'éthique de les priver du traitement standard des manifestations douloureuses dans ce contexte.

Seuls étaient inclus dans l'étude les patients qui, cinq minutes après ce traitement morphinique IV, déclarait une douleur supérieure à 40 mm sur l'EVA.
 
Une étude randomisée, en double aveugle avec double placebo
L'étude australienne présentée dans BMJ Emergency Medicine Journal a été randomisée et menée non seulement en double aveugle, mais également en double placebo. En d'autres termes, tous les patients ont reçu un traitement IV et un traitement oral, l'un des deux étant un placebo.

Le seuil de significativité a été fixé à une diminution de la douleur égale ou supérieure à 13 mm sur l'EVA, 30 minutes après l'administration du paracétamol.
 
Confirmation : le paracétamol s'avère être un traitement modérément efficace de la douleur
Dans le contexte de cette étude, le paracétamol, qu'il soit administré en IV ou par voie orale, a montré une efficacité modeste mais significative contre la douleur. En moyenne, le paracétamol IV a entraîné une diminution de 16 mm de la douleur sur l'EVA, et son administration orale une diminution de 14,6 mm.

Notons cependant que le seuil de significativité (plus de 13 mm de réduction) n'a été atteint que chez 25,5 % des patients traités par IV et 20,0 % des patients traités par voie orale.
 
Mais aucune différence significative constatée
sur tous les paramètres étudiés entre forme IV et orale du paracétamol 
Aucune différence significative d'efficacité n'a été observée entre la forme IV et la forme orale.


Par ailleurs, aucune différence n'a été observée entre les formes IV et orale du paracétamol en termes d'effets indésirables, de durée du séjour aux urgences, de satisfaction des patients ou de recours nécessaire à un nouveau traitement morphinique après l'administration de paracétamol (nécessaire pour en moyenne 85 % des patients de l'étude).
 
Une étude qui montre des limites notables
Les auteurs de l'article du BMJ Emergency Medicine Journal insistent sur les limites de leur étude : faible effectif, patients déjà traités par un morphinique, traitement oral administré 15 minutes plus tôt que le traitement IV (délai de la perfusion), caractère incomplet de la mesure de la douleur par EVA, outil de mesure de la satisfaction patient non validé, etc.

Néanmoins, les médecins australiens mettent en avant que leurs résultats sont similaires à ceux obtenus par d'autres études dans un contexte de suites d'intervention chirurgicaleles formes IV et orale du paracétamol semblent d'efficacité similaire (Farah Jibril et al. 2015). .
 
Quelles conséquences en pratique d'urgence ?

Les auteurs de l'article du BMJ Emergency Medicine Journal suggèrent qu'à l'exception des patients pour qui l'administration orale n'est pas possible, le paracétamol soit préférentiellement administré par voie orale dans le contexte des soins d'urgence, pour des raisons pratiques (plus rapide à administrer), économiques et afin de limiter les risques de complications infectieuses.

Par contre, cette étude ne répond pas aux questions concernant la place du paracétamol dans l'antalgie d'urgence, comparée à celle des morphiniques ou du néfopam.
 
 
Pour aller plus loin
 
L'article du BMJ Emergency Medicine Journal, objet de cet article (repéré sur internet par le Dr Mathias Wargon, urgentiste)
Furyk J et al. « Intravenous versus oral paracetamol for acute pain in adults in the emergency department setting: a prospective, double-blind, double-dummy, randomised controlled trial. » Emerg Med J. 2018 Mar;35(3):179-184.
 
Articles sur le caractère suboptimal de la prise en charge de la douleur aux urgences
Downey LV et Zun LS. « Pain management in the emergency department and its relationship to patient satisfaction. » J Emerg Trauma Shock. 2010 Oct;3(4):326-30.
 
Patrick PA et al. « Timely pain management in the emergency department. » J Emerg Med. 2015 Mar;48(3):267-73.
 
Revue sur l'efficacité respective en postopératoire des formes IV et orale du paracétamol
Jibril F et al. « Intravenous versus Oral Acetaminophen for Pain: Systematic Review of Current Evidence to Support Clinical Decision-Making. » Can J Hosp Pharm. 2015 May-Jun;68(3):238-47.

Sur VIDAL.fr


VIDAL Reco "Douleur de l'adulte"

Interview vidéo et transcrite du Pr Alain Serrie sur la prise en charge de la douleur : première partie, deuxième partie (juillet 2015)
Sources

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Intert Il y a 6 ans 0 commentaire associé
A mon avis, le paracétamol n'est utile qu'en complément aux opioide pour des douleurs modérées à sévères. Compte tenu de l'hepatoxicité et nephrotoxicité du paracétamol, pourquoi ne pas avoir recours à des doses réduites de paracétamol quit à augmenter le dosage opioide? Il y a encore aujourd'hui une diabolisation des opioides et autres médicaments «stupéfiants» rendant leur accès aux patients compliqué. Et il est souvent prescrit des alternatives plus toxique au niveaux rénaux, cardiaque, hépatique alors qu'un «narcotique» n'a pas cette toxicité directe. Je ne savais pas que l'aspirine IV était equianalgesique à la morphine? L'aspirine a t elle encore une place et utilité comme anti-douleur au vue de ses nombreux effets secondaires?
Serieusement? Il y a 6 ans 0 commentaire associé
Seul preuve ici : L'admini de paracetamol IV ou per os est d'efficacité identique sur la douleur APRES avoir déjà soulagé le patient par de la morphine IV (donc en gardant un risque infectieux...). EN inf à 4, les patients n'ont déjà plus mal
Serieusement? Il y a 6 ans 0 commentaire associé
test
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