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Risque cardiovasculaire : nouvelles données favorables à une valeur prédictive de la dysfonction érectile

Une analyse spécifique des données de la cohorte MESA (Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis), publiée en juin 2018 dans Circulation, montre que l’existence de troubles de l’érection double le risque d’événements cardiovasculaires graves chez les hommes de plus de 60 ans, même après ajustement pour plusieurs autres facteurs de risque validés.
 
Ce résultat est cohérent avec les résultats des autres études sur le sujet et avec les données de validation de l’algorithme britannique QRISK3 sur l’évaluation du risque cardiovasculaire, algorithme qui intègre la dysfonction érectile dans le calcul de ce risque.
 
Les données de la cohorte MESA montrent également que les antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire sont associés à une augmentation du risque de souffrir de troubles de l’érection dans cette population.
 
Les auteurs de cette publication concluent que, pour les hommes âgés de plus de 60 ans, le signalement de troubles de l’érection devrait amener le praticien à pratiquer une exploration plus poussée de l’état de santé cardiovasculaire et de l’ensemble des facteurs de risque au-delà des plus courants. Ils appellent également les autorités de santé américaines à adopter un algorithme d’évaluation du risque dans lequel les troubles de l’érection sont intégrés.
Stéphane Korsia-Meffre 21 juin 2018 20 Décembre 2018 Image d'une montre5 minutes icon 3 commentaires
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Les troubles de l'érection sont associés à un risque cardiovasculaire deux fois plus élevé chez les hommes de plus de 60 ans (illustration).

Les troubles de l'érection sont associés à un risque cardiovasculaire deux fois plus élevé chez les hommes de plus de 60 ans (illustration).


Troubles de l'érection et risque cardiovasculaire
Depuis quelques années, une douzaine d'études cliniques ont évoqué un risque accru de maladies cardiovasculaires chez les hommes se plaignant de troubles de l'érection (voir par exemple Valchopoulos CV et al., 2013 pour une méta-analyse de ces études).

Dans ces études, le risque d'événement cardiovasculaire chez les hommes atteints de dysfonction érectile était multiplié par 1,44 (1,34 lorsque seules les études les plus rigoureuses étaient prises en compte).
 
Un facteur de risque intégré dans l'algorithme d'évaluation utilisé au Royaume-Uni
Depuis 2017, les autorités de santé britanniques ont intégré la dysfonction érectile dans les facteurs de risque pris en compte dans l'algorithme officiel d'évaluation du risque cardiovasculaire QRISK3.

L'étude de validation de cet algorithme montre une augmentation de 25 % du risque cardiovasculaire chez les patients souffrant de troubles de l'érection, même après ajustement pour les autres facteurs de risque cardiovasculaire validés.
 
Les apports d'une cohorte multi-ethnique américaine
Le 11 juin 2018, une équipe américaine de la Johns Hopkins University School of Medicine a publié une lettre de recherche dans la revue Circulation de l'American Heart Association.

Cette publication rapporte une analyse faite sur une cohorte multi-ethnique d'étude du risque cardiovasculaire, la Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis (MESA). De nouveau, la présence de troubles de l'érection semble indiquer un risque plus élevé d'événements cardiovasculaires.
 
Un suivi des événements cardiovasculaires graves
La cohorte MESA se compose de 1 900 hommes d'origines ethniques diverses (42 % européenne, 24 % africaine-américaine, 11 % asiatique, 23 % hispanique) qui sont suivis régulièrement. Pour étudier la valeur prédictive des troubles de l'érection, seuls ont été pris en compte ceux qui n'avaient pas d'antécédents personnels de maladie cardiovasculaire (N=1 767, âge moyen 69 +/- 9,2 ans).

Les hommes ayant déclaré des troubles de l'érection pour la première fois au cours d'une visite de suivi ont été identifiés et leur santé cardiovasculaire suivie pour identifier l'occurrence d'événements dits "cardiaques graves" (EC : infarctus du myocarde, arrêt cardiaque avec réanimation et décès par arrêt cardiaque) et d'événements dits "cardiovasculaires graves" (ECV = EC + AVC et décès par AVC).

La durée moyenne de suivi était de 3,8 années.
 
Un ajustement des résultats pour de nombreux facteurs de risque validés
L'effet prédictif éventuel de la dysfonction érectile sur le risque cardiovasculaire a été ajusté pour de nombreux facteurs de risque validés : âge, origine ethnique, niveau d'éducation, tabagisme, diabète, antécédents familiaux, dyslipidémie, pression systolique, traitement contre l'hypertension artérielle ou les dyslipidémies.

De plus, deux autres éléments ont été pris en compte : un traitement par une substance bêtabloquante ou par un antidépresseur.
 
Les troubles de l'érection signalent un risque plus élevé d'événements cardiovasculaires graves (ECV)
Dans la cohorte MESA, avant ajustement, les pourcentages d'EC étaient de 3,4 % en cas de dysfonction érectile (vs. 1,4 %, p<0,001) et ceux d'ECV de 6,3 % (vs. 2,6 %, p<0,001).

Après ajustement, les hommes ayant signalé des troubles de l'érection avaient un risque d'ECV deux fois plus élevé que ceux n'ayant pas ce type de symptômes.

Cette augmentation du nombre d'ECV (événements cardiovasculaires graves) en cas de dysfonction érectile a un impact significativement négatif sur l'espérance de vie, comme cela peut être visualiséesur cette courbe de survie de Kaplan-Meier : 



Le risque d'EC (événements cardiaques sévères, n'incluant pas les AVC) était significativement plus élevé, mais cette significativité disparaît après ajustements, probablement en raison du le faible nombre d'EC observés pendant le suivi (40 EC et 75 ECV).
 
Les antécédents cardiovasculaires familiaux associés aux troubles de l'érection
L'équipe américaine à l'origine de la publication de Circulation a également essayé de savoir si les hommes déclarant une dysfonction érectile étaient plutôt ceux présentant un diabète, des antécédents familiaux de maladies cardiovasculaires, ou recevant un traitement bêtabloquant, contre l'hypertension artérielle, les dyslipidémies ou la dépression.

L'analyse des données de la cohorte MESA montre que les antécédents cardiovasculaires familiaux doublent le risque de souffrir de troubles de l'érection.

Cet effet prédictif était réduit mais toujours significatif chez les hommes traités par bêtabloquant ou antidépresseur.
 
Des biais plutôt favorables mais une absence d'ajustement pour l'IMC
Divers biais réduisent la puissance de l'analyse des données de la cohorte MESA. Tout d'abord, comme dans d'autres études sur le sujet, l'origine des troubles de l'érection n'a pas été explorée. Or, si l'origine vasculaire semble pertinente pour l'hypothèse posée, la question se pose pour des troubles d'origine psychologique.

Néanmoins, ce biais joue contre l'effet prédictif sur le risque cardiovasculaire et ne devrait pas remettre en cause la tendance observée par cette analyse.

La durée relativement courte du suivi (3,8 années) est à noter, même si, de nouveau, elle tend à jouer contre l'effet prédictif des troubles de l'érection.

Plus ennuyeuse est l'absence d'ajustement pour l'IMC des participants, le surpoids et l'obésité étant des facteurs de risque communs et reconnus du risque cardiovasculaire et de la dysfonction érectile.

En conclusion : explorer le coeur en cas de mention de troubles érectiles
Les auteurs de cette publication concluent que, pour les hommes âgés de 60 à 78 ans, le signalement de troubles de l'érection devraient amener le praticien à pratiquer une exploration plus poussée de l'état de santé cardiovasculaire et de l'ensemble des facteurs de risque au-delà des plus courants.

Ils appellent les autorités de santé américaines à adopter un algorithme d'évaluation du risque similaire au QRISK3, dans lequel les troubles de l'érection sont intégrés, comme d'autres facteurs trop souvent négligés, par exemple l'infection par le VIH/sida, les traitements corticoïdes ou antipsychotiques atypiques de seconde génération, la migraine, les maladies psychiatriques graves, ou le lupus érythémateux.
 
 
Pour aller plus loin
 
L'analyse de la cohorte MESA publiée dans la revue Circulation
Uddin SMI, Mirbolouk M, Dardari Z, et al. « Erectile dysfunction as an independent predictor of future cardiovascular events: the Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis. » Circulation. Volume 137, Issue 25, June 19, 2018

La méta-analyse des études montrant une valeur prédictive des troubles de l'érection sur le risque cardiovasculaire
Vlachopoulos CV, Terentes-Printzios DG, et al. « Prediction of cardiovascular events and all-cause mortality with erectile dysfunction: a systematic review and meta-analysis of cohort studies. » Circ Cardiovasc Qual Outcomes. 2013 Jan 1;6(1):99-109.
 
L'étude d'évaluation des critères de l'algorithme QRISK3
Hippisley-Cox J, Coupland C, Brindle P « Development and validation of QRISK3 risk prediction algorithms to estimate future risk of cardiovascular disease: prospective cohort study. » BMJ. 2017 May 23;357:j2099.
Sources

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victor Il y a 5 ans 0 commentaire associé
Bonjour, En 2013, Souffrant d'une hémochromatose HFE et en 2014 d'arythmie (FA), deux liaisons amoureuses très fortes se sont trouvées "effacées" par l'impuissance à pénétrer la partenaire mise en érection. La verge devenait molle dès l'entrée dans la vulve de la partenaire. L'hémochromatose traitée et l'ablation de la FA ayant été faite, tout est maintenant OK sauf situation affectivement triste, que je n'ai plus de partenaire ! Donc la liaison coeur, indicateur général du potentiel de ressource du corps et érection est une évidence.
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