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Place pour les benzodiazépines dans la prise en charge de l’anxiété : fiche "bon usage" de la HAS

Même si la consommation de benzodiazépines tend à diminuer en France ces dernières années, elle reste encore élevée et d’une durée souvent trop prolongée en regard des risques encourus, en particulier chez les plus de 65 ans, constatait l’ANSM en avril 2017 1.
 
Afin de contribuer à une amélioration de l’utilisation à bon escient de ces médicaments qui ont leur utilité (SMR important), la Haute Autorité de Santé vient de publier une "fiche bon usage" intitulée "Quelle place pour les benzodiazépines dans l’anxiété ?" 2.
 
 
Cette fiche rappelle notamment l’importance du dialogue, des explications à délivrer aux patients ayant besoin de ces médicaments en raison d’une anxiété ayant "un retentissement important" sur leur vie quotidienne, ce qui facilite le suivi et l’interruption, lorsqu’elle est possible, de ces médicaments.
Claire Lewandowski 26 juillet 2018 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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La Haute Autorité de Santé vient de publier une fiche de bon usage des benzodiazépines lorsqu'elles sont prescrites en cas d'anxiété (illustration).

La Haute Autorité de Santé vient de publier une fiche de bon usage des benzodiazépines lorsqu'elles sont prescrites en cas d'anxiété (illustration).

 
En 2017, l'ANSM dresse un état des lieux des effets indésirables constatés par le système national de pharmacovigilance
Comme mentionné en introduction, l'utilisation des benzodiazépines a baissé ces 3 dernières années en France.
 
Néanmoins, des mésusages persistent (doses trop élevées, prises trop prolongées en particulier).
 
L'ANSM, dans son état des lieux publié en 2017 1, dresse un bilan de la pharmacovigilance sur ces molécules : 
  • Environ 23 % des effets indésirables graves déclarés avec les benzodiazépines sont des affections du système nerveux (somnolence, comas, convulsions voire, plus rarement, amnésies).
  • Les affections psychiatriques représentent 12% des effets indésirables graves des benzodiazépines anxiolytiques et 17% des hypnotiques avec majoritairement des états confusionnels.
  • Les risques d'effets indésirables graves sont accrus chez le sujet âgé chez qui les chutes sont fréquemment rapportées.
  • Quel que soit l'âge, l'usage des benzodiazépines expose à un risque d'abus et de dépendance physique et psychique avec un syndrome de sevrage à l'arrêt (risque augmenté lors d'une exposition prolongée aux benzodiazépines et aux molécules apparentées).
  • D'autre part, les benzodiazépines sont les substances les plus impliquées dans la soumission chimique.
  • La consommation de benzodiazépines expose également à une augmentation du risque d'accidents de la route. Des études internationales montrent une augmentation de  60 à 80 % du risque d'accidents, ce risque étant multiplié par 8 en cas de consommation concomitante avec de l'alcool. Toutes les benzodiazépines sont désormais classées en « niveau trois » de danger depuis le 13 mars 2017, se traduisant par une incompatibilité majeure avec la conduite automobile.

La HAS souligne l'importance d'une utilisation courte à la dose minimum utile
Comme le rappelle la HAS ce mois-ci dans la mise à jour de ses recommandations pour le bon usage de ces médicaments 2, les benzodiazépines ne doivent pas être banalisées. Les doses minimales efficaces doivent être privilégiées, et l'arrêt d'un traitement prolongé doit toujours être envisagé de façon progressive.
 
Les benzodiazépines ne traitent pas les causes de l'anxiété. En raison de nombreux effets indésirables aux conséquences parfois graves (cf. ci-dessus), "elles doivent être prescrites sur une courte période à la dose minimum utile".
 
Leur durée maximale de prescription ne doit pas être de plus de 12 semaines, alors que la durée moyenne de traitement est de 7 mois en population générale et de plusieurs années chez les plus de 65 ans, rappelait Jean-Marc Aubert, directeur de la DREES en mars 2018 (voir notre article).
 
 Lorsqu'un traitement prolongé est constaté, l'arrêt doit toujours être envisagé de façon progressive.
 
Dès la première prescription, une réévaluation de la situation du patient et des modalités d'arrêt doit être anticipée en l'informant de l'intérêt du traitement, des risques mais aussi des modalités d'utilisation.
 
Les benzodiazépines ne doivent être prescrites qu'en cas de "retentissement important des manifestations anxieuses sur le fonctionnement quotidien et la qualité de vie", en accompagnement d'un traitement de la cause
La prescription de benzodiazépine répond à des règles de prescription qui commencent toujours par une évaluation de la situation du patient. Des causes somatiques ou la recherche d'un autre trouble psychiatrique permettent de confirmer la nécessité ou pas d'un traitement anxiolytique par benzodiazépine.
 
La prescription doit ensuite obéir à des règles strictes :
  • Ne pas dépasser 12 semaines (au-delà, le traitement perd son intérêt thérapeutique) ;
  • Toujours commencer par les doses les plus faibles ;
  • Ne pas associer d'autres benzodiazépines ou hypnotiques.
 
Expliquer au patient la durée du traitement, les modalités d'arrêt, mais aussi les risques pour la conduite automobile, l'interaction avec l'alcool ou encore le risque de dépendance permet de le préparer à une réévaluation régulière de son traitement.
 
Comme les benzodiazépines ne traitent pas la cause, les règles hygieno-diététiques et la prise en charge psychologique sont nécessaires pour aider le patient à gérer durablement son anxiété.
 
Les 11 benzodiazépines par voie orale ayant l'AMM dans le "traitement des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes"
La HAS propose le tableau suivant qui montre que les benzodiazépines utilisées contre les symptômes de l'anxiété se distinguent par des différences parfois très importantes de demi-vie :
 
Dénomination Commune Internationale (DCI)  
Spécialité
 
Demi-vie
Clotiazépam VERATRAN 4 h
Oxazépam SERESTA 8 h
Alprazolam XANAX* 10 - 20 h
Lorazépam TEMESTA* 10 - 20 h
Bromazépam LEXOMIL* 20 h
Clobazam URBANYL 20 h
Clorazépate dipotassique TRANXENE 30 - 150 h
Nordazépam NORDAZ 30 – 150 h
Prazépam LYSANXIA 30 – 150 h
Diazépam VALIUM* 32 - 47 h
Loflazépate d'éthyle VICTAN 77 h

* Spécialités génériquées
 
Leurs indications concernent deux situations d'anxiété :
  • Trouble anxieux : trouble anxieux généralisé, trouble panique avec ou sans agoraphobie, trouble de l'anxiété sociale, trouble obsessionnel compulsif ou état de stress post-traumatique ;
  • Trouble de l'adaptation après un événement de vie difficile.
 
L'efficacité des benzodiazépines à visée anxiolytique évaluée dans plus d'une cinquantaine d'études sur des durées inférieures à 12 semaines
Jusqu'à présent, aucune étude ne permet de conclure à une différence d'efficacité et de tolérance significatives entre les benzodiazépines.
 
Leurs principaux effets indésirables sont bien connus (cf. ci-dessus).  Pour mémoire, les données actuelles ne permettent pas de conclure à une association significative avec la survenue de démence (voir notre article).
 
Intérêt clinique : SMR important
La HAS, au vu des données d'efficacité, bien réelle sur le symptôme, et malgré les risques en particulier en cas d'utilisation trop prolongée, estime que le service médical rendu (SMR) de ces molécules est important dans le traitement des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes.
 
Les modalités recommandées d'arrêt progressif du traitement par benzodiazépines
L'arrêt d'un traitement par benzodiazépine doit toujours être progressif sur une durée de 4 à 10 semaines.
 
Chez les patients utilisateurs au long cours, l'arrêt progressif peut prendre jusqu'à plusieurs mois afin d'éviter le syndrome de sevrage et les effets rebonds.
 
En cas d'échec, le patient peut être encouragé à recommencer ultérieurement avec un objectif de réduction de la posologie qui sera déjà un résultat favorable.
 
Aucun autre traitement médicamenteux n'est nécessaire lors du sevrage au cours duquel il est préférable de proposer des mesures d'accompagnement non médicamenteuses.
 
Chez le sujet âgé, la prise en charge doit reposer sur un antidépresseur ou une thérapie cognitive et comportementale avec une prescription de benzodiazépine particulièrement prudente
Ce sont souvent des plaintes somatiques, émotionnelles ou cognitives qui attirent l'attention sur des symptômes d'anxiété chez le sujet âgé.
 
Cependant, la prescription de benzodiazépines doit respecter des règles strictes à cet âge en raison du risque d'effets secondaires et en particulier de chute.
 
N'ayant pas été évaluée spécifiquement dans cette population, et en raison de la plus grande fréquence de comorbidités et de polymédication, il convient de privilégier les demi-vies courtes pour réduire le surrisque iatrogénique.
 
Un soutien psychologique du patient et de son entourage ainsi qu'un suivi régulier de l'efficacité et de la tolérance des traitements sont particulièrement nécessaires dans cette population fragile.
 
Pour mémoire : la ROSP 2017 – 2021 comporte un nouvel indicateur lié à la durée prescription des benzodiazépines à visée anxiolytique
La ROSP (rémunération des médecins sur objectifs de santé publique, définis par l'assurance maladie) comporte depuis 2017 un nouvel indicateur :
  • Part des patients ayant initié un traitement par benzodiazépine anxiolytique et dont la durée de traitement est > 12 semaines inférieure ou égale à 7 % (35 points).
 
Pour en savoir plus sur la ROSP 2017 – 2021, voir notre article.
 
En savoir plus :
 
  1. Etat des lieux de la consommation de benzodiazépines en France en avril 2017, rapport de l'ANSM publie le 06/04/2017
  2. Quelle place pour les benzodiazépines dans l'anxiété : fiche de bon usage des médicaments de la HAS publiée le 17 juillet 2018
 
Sur VIDAL.fr :
 
Collectif bon usage du médicament : premiers résultats, 10 nouvelles pistes d'amélioration (mars 2018)

ROSP 2017 - 2021 : 17 nouveaux indicateurs médicaux et 12 supprimés (avril 2017)

Alzheimer : les benzodiazépines, facteurs de risque ou traitements des signes précoces de la maladie ? (septembre 2014)


 

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