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ANDROCUR et génériques : les résultats d'une seconde enquête sur le risque de méningiome

Le CRPV (Comité régional de pharmacovigilance) de l'hôpital Fernand-Widal (AP-HP, Paris) a présenté le 18 juin 2019 les résultats d'une enquête de pharmacovigilance sur les cas de méningiomes rapportés chez des patients traités par cyprotérone

Il s'agit de la deuxième enquête de pharmacovigilance, après celle réalisée en 2014 par le CRPV de Strasbourg. Les données issues de ce travail permettent également de compléter celles de l'étude épidémiologique réalisée par l'Assurance maladie (Étude de cohorte réalisée à partir des données du SNDS - système national des données de santé).

Cette nouvelle enquête a permis :
  • l'analyse des cas de méningiomes rapportés sous acétate de cyprotérone (ANDROCUR et génériques) entre 2014 et 2018, y compris avec des spécialités faiblement dosées (DIANE ou CLIMENE), 
  • de décrire l'évolution des cas et de la stratégie de prise en charge,
  • de mettre en évidence des situations spécifiques comme la grossesse après un traitement par cyprotérone, 
  • et de s'interroger sur la prise en charge à venir selon le profil des patients (grossesse, contraception, personnes transgenres). 

Ces données récentes seront discutées par un comité d'experts réuni par l'ANSM au second semestre 2019. 
D'autres enquêtes sont par ailleurs en cours, notamment une enquête de pharmacovigilance pour évaluer le risque de méningiome avec les progestatifs en général.
 
David Paitraud 26 juin 2019 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Radiographie du crâne montrant un méningiome (illustration @Hellerhoff sur Wikimedia)

Radiographie du crâne montrant un méningiome (illustration @Hellerhoff sur Wikimedia)


Une enquête de pharmacovigilance sur les cas de méningiomes rapportés chez des patients traités par cyprotérone à été présentée le 18 juin 2019 par le CRPV (Comité régional de pharmacovigilance) de l'hôpital Fernand-Widal (AP-HP, Paris).

Cette enquête a pris en compte l'ensemble des cas de méningiomes survenus chez des patients traités par acétate de cyprotérone (tous dosages confondus : ANDROCUR et génériques, DIANE et CLIMENE) enregistrés entre janvier 2014 et octobre 2018. 

Elle permet de compléter les données issues : 
  • de l'enquête de pharmacovigilance réalisée en 2014 par le CRPV de Strasbourg,
  • de l'étude épidémiologique réalisée par l'Assurance maladie (Étude de cohorte réalisée à partir des données du SNDS - système national des données de santé), dont la synthèse a été finalisée en mars 2019. Cette étude a révélé une forte relation dose-effet-durée avec un risque de méningiome associé à l'acétate de cyprotérone (50 mg ou 100 mg) multiplié :
    • par 7 au-delà de 6 mois d'utilisation d'une dose moyenne supérieure ou égale à 25 mg par jour,
    • par 20 au-delà d'une dose cumulée de 60 g, soit environ 5 ans de traitement à 50 mg par jour ou 10 ans à 25 mg par jour.  
Il en a résulté la mise en œuvre de mesures de renforcement de l'information sur le risque de méningiome (Cf. Encadré 1).
 
Encadré 1 - Rappel des mesures de renforcement de l'information sur le risque de méningiome (notre article du 13 juin 2019)
  • Remise par le prescripteur au patient d'une fiche d'information lors de la prescription d'ANDROCUR ou de ses génériques (acétate de cyprotérone à 50 mg ou 100 mg) et d'une attestation annuelle d'information ;
  • À compter du 1er juillet 2019, présentation obligatoire de l'attestation annuelle d'information cosignée par le patient et leur médecin, pour toute initiation de traitement.
  • À compter du 1er janvier 2020, présentation obligatoire de l'attestation annuelle d'information cosignée par le patient et leur médecin, pour tout renouvellement de traitement.

Un risque dose dépendant
Sur les 298 cas de méningiomes recueillis durant la période de l'étude du CRPV Fernand-Widal, la très grande majorité fait suite à un traitement par ANDROCUR ou génériques : 
  • 293 cas sous ANDROCUR et génériques, dont la posologie est de 50 à 100 mg par unité de prise, 
  • 5 cas sous DIANE 35 , avec 2 mg d'acétate de cyprotérone par unité de prise.

Près de 8 cas sur 10 ont été déclarés en 2018, période qui correspond aux alertes et premières mesures de l'ANSM (nos articles du 4 septembre et du 9 octobre 2018), et majoritairement par les patients. Cependant, ces déclarations sont parfois tardives, puisque certains cas survenus depuis 1995 sont rapportés. 

Une majorité de femmes
Les déclarations de méningiome concernent en majorité les femmes : 287 femmes contre 11 hommes.
L'âge moyen des déclarations est de 44,9 ans pour les 287 femmes et de 77,4 ans pour les 11 hommes. Le nombre d'années d'exposition est en moyenne de 14,7 ans.

Des facteurs de risque sont retrouvés chez 13 patient(e)s : grossesse, antécédents de méningiomes et irradiation cérébrale. 

Utilisation hors AMM dans plus d'un cas sur 2 et non respect des recommandations
Le motif du traitement par acétate de cyprotérone (AC) a été renseigné dans 92 % des cas. L'analyse révèle qu'une indication hors AMM est retrouvée dans 56 % des cas (165/298), avec principalement un traitement contre l'acné et/ou le recours à la cyprotérone pour une contraception.

En outre, les données montrent un non-respect des recommandations en vigueur chez la femme, à savoir l'association systématique d'acétate de cyprotérone à l'estradiol ou au valérate d'estradiol pendant les 20 jours de prise par mois. 
Selon l'enquête, l'association à un estrogène n'est mentionnée que dans 92 cas. 

Un nombre de tumeurs corrélé à la dose cumulée
Les données permettent de préciser le nombre des tumeurs selon la répartition suivante :  
  • tumeur unique dans 55 % des cas, 
  • tumeurs multiples dans 41 % des cas (entre 2 et 20 par patientes).

Le nombre de tumeurs semble corrélé à la dose cumulée : plus celle-ci est importante, plus le nombre de méningiomes est élevé (significativité non démontrée).

Le siège des tumeurs à l'imagerie correspond à la base du crâne pour 67 % des cas, sur la "convexité" pour 1/4 et "médian" pour 8 %.

Dans 11 % des cas, le méningiome était asymptomatique au moment du diagnostic ; pour les 79 % des patients ayant présenté des signes cliniques, il s'agissait principalement de : 
  • troubles visuels, 
  • céphalées, 
  • vertiges.

La surveillance prend le pas sur la chirurgie d'emblée
Au total, sur la période de l'enquête, 151 patients ont été opérés.  
En termes de prise en charge, les données de pharmacovigilance mettent en évidence 2 périodes :
  • Avant 2014 : la prise en charge est majoritairement chirurgicale (74 %).
  • Après 2014 : la prise en charge chirurgicale baisse à 59 % au profit d'un arrêt du traitement par acétate de cyprotérone associé à une surveillance rapprochée par IRM cérébrale. 

L'évolution des méningiomes n'est pas connue dans 52 % des cas. 
Lorsque l'évolution est renseignée, il s'agit d'une régression tumorale dans 51 cas, d'une stabilisation de la tumeur dans 35 cas ou d'une absence de récidive dans 42 cas.

Au total 215 personnes sur 298 ont arrêté l'acétate de cyprotérone. Parmi ces 215 patient(e)s, 75 n'ont pas été opéré(e)s, versus 113 opéré(e)s. Parmi ces 75 cas, la tumeur a régressé dans la moitié des cas renseignés (23 cas sur 41).

Cas particulier des grossesses : des interrogations sur la conduite à tenir
Des cas de méningiomes ont été rapportés chez des femmes enceintes. 
Pour 4 cas, il s'agit d'une poussée de méningiome constatée au cours ou au décours d'une grossesse survenue après un traitement par AC.  
Certains cas ont nécessité une intervention chirurgicale en cours de grossesse. 
Le contexte particulier de survenue et la sévérité des cas interrogent sur la conduite à tenir chez des femmes envisageant une grossesse suite à un traitement par AC.

Quid de la relation méningiomes/DIANE ou CLIMENE ?
L'étude de pharmacovigilance Fernand-Widal a pris en compte toutes les spécialités contenant de l'acétate de cyprotérone, dont celles à plus faible dosage : 
  • DIANE 35 (association d'acétate de cyprotérone 2 mg et d'éthinylestradiol 35 µg) et génériques EVEPAR et MINERVA : indiqués dans la prise en charge de l'acné ; 
  • CLIMENE (association d'acétate de cyprotérone 1 mg et d'estradiol 2 mg) : indiqué dans le traitement hormonal substitutif des symptômes de déficit en estrogène chez les femmes ménopausées et la prévention de l'ostéoporose post-ménopausique.

Au total, 35 cas de méningiome ont été rapportés avec ces spécialités, parmi lesquels 6 cas seulement ne mentionnent pas de prise d'ANDROCUR ou de ses génériques (5 cas avec DIANE). 
Cependant, les auteurs de l'enquête indiquent que ces cas sont peu documentés et ne permettent pas à ce stade d'avoir un recul suffisant sur le rôle de l'AC à faible dose (1 à 2 mg par jour) dans la survenue de méningiomes.

Perspectives : de nouvelles données en attente et peut-être des mesures complémentaires dans certaines populations
Dans son communiqué suite à la publication du rapport de pharmacovigilance Fernand Widal, l'ANSM annonce une nouvelle réunion du comité d'experts (CSST) au second semestre 2019 afin de discuter des résultats de cette enquête et de celle à venir sur les autres progestatifs. 

Les experts devront notamment apporter des réponses sur la conduite à tenir chez les femmes ayant été traitées par AC et envisageant une grossesse, la contraception en cas de méningiome, et la prise en charge chez les personnes transgenres en parcours de transition. 
Pour aller plus loin
Acétate de cyprotérone (Androcur et ses génériques) et risque de méningiome : Résultats de l'enquête de pharmacovigilance - Point d'Information (ANSM, 24 juin 2019)
Enquête concernant les méningiomes et l'acétate de cyprotérone (CRPV Fernand Vidal - Paris, juin 2019)

Sur VIDAL.fr
ANDROCUR et génériques (acétate de cyprotérone) : dispositif renforcé pour prévenir le risque de méningiome (13 juin 2019)
LUTERAN (chlormadinone), LUTENYL (nomégestrol) et génériques : risque de survenue de méningiome (12 février 2019)
ANDROCUR et génériques (cyprotérone) : recommandations de l'ANSM concernant le risque de méningiome (9 octobre 2018)
ANDROCUR et génériques (cyprotérone) : point d'information de l'ANSM sur le risque de méningiome (4 septembre 2018)

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