#Santé publique #Données épidémiologiques

Attention aux carences en fer et en folates : les messages de l’étude nationale Esteban

En 2006-2007, l’étude nationale nutrition santé (ENNS) avait apporté des renseignements sur la situation nutritionnelle de la population française.
Les résultats d’une étude similaire menée en 2014-2016, l’étude Esteban, permettent d’actualiser les données et de les comparer à celles précédemment recueillies.
Le chapitre consacré aux vitamines et aux minéraux vient notamment d’être publié. Il met en évidence plusieurs "points de vigilance" à prendre en compte, notamment chez les femmes, en ce qui concerne la carence en fer et en folates.
Patricia Thelliez 18 Décembre 2019 03 janvier 2020 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Pas de problème majeur en France concernant les apports en fer et en folates, mais des actions de prévention ciblées cependant nécessaires (illustration).

Pas de problème majeur en France concernant les apports en fer et en folates, mais des actions de prévention ciblées cependant nécessaires (illustration).


L'étude Esteban 2014-2016 est une reconduction de l'étude nationale nutrition santé (ENNS), menée en 2006-2007. Elle a eu pour objectif de décrire les consommations alimentaires, l'activité physique, la sédentarité et l'état nutritionnel de la population résidant en France métropolitaine. Santé Publique France vient de publier les résultats du volet nutrition, plus précisément du chapitre consacré aux vitamines et aux minéraux.
L'étude a été menée sur un échantillon national représentatif de la population française et a duré près de deux ans (d'avril 2014 à mars 2016). Elle comportait une enquête par questionnaires, une enquête alimentaire et un examen de santé accompagné de dosages biologiques (cf. Tableau).
Au total, les résultats ont porté sur 2 472 adultes et 794 enfants âgés de 6 à 17 ans pour lesquels on disposait des résultats des analyses. Tous les dosages ont été centralisés dans un même laboratoire.  

 
Tableau - Valeurs de référence et unités de mesure des marqueurs biologiques de l'état nutritionnel utilisées dans l'étude Esteban - Statut en fer et en folates
Marqueurs de l'état nutritionnel Définitions
Statut en fer
 
 Hémoglobine-Hb (g/dL) :
 Anémie
 Hommes : < 13
 Femmes : < 12
 Femmes enceintes : < 11
 Enfants (6-14 ans) : < 12
 Ferritine (µg/L) :
 Déplétion des réserves en fer
 Faibles réserves en fer
 Valeur normale
 
 < 15
 [15-30]
 > ou = 30
 Anémie ferriprive   Hommes : Hb < 13 g/dL et ferritine < 15 µg/L
 Femmes : Hb < 12 g/dL et ferritine < 15 µg/L
Folates (B9) (ng/ml)  Déficience  < 3
 Valeur normale  > ou = 3

Davantage d'anémies chez les femmes de 40 ans et plus, non ménopausées
Chez les 2 293 adultes ayant eu un dosage de l'hémoglobine (Hb) et de la ferritine plasmatique, le taux moyen d'hémoglobine plasmatique était de 15,3 g/dL chez les hommes et de 13,5 g/dL chez les femmes. La prévalence de l'anémie était ainsi de 2 % chez les hommes (< 13 g/dL), mais elle augmentait de façon significative avec l'âge puisqu'elle atteignait 3,6 % dans la tranche d'âge 55-74 ans. En revanche et sans surprise, la prévalence de l'anémie (> 12 g/dL) était plus élevée chez les femmes (5,1 %). Elle était plus faible chez les femmes ménopausées qu'avant la ménopause : 2,5 % versus 7 %. Le taux d'anémie le plus élevé (9,4 %) a été constaté dans le groupe des femmes de 40 ans et plus, non ménopausées.
 
12 % des femmes ont une déplétion totale des réserves en fer
Quant au taux de ferritine plasmatique, il était en moyenne de 195,9 µg/L dans la population masculine et de 87,3 µg/L dans la population féminine.
La ferritinémie augmentait également avec l'âge dans les deux sexes : chez les hommes de 55-74 ans, il était de 225,7 µg/L et chez les femmes ménopausées, de 128 µg/L.   
D'une façon générale, 6,9 % des adultes âgés de 18 à 74 ans avaient une déplétion totale de leurs réserves en fer (ferritinémie < 15 µg/L) et 9,1 % des réserves faibles (entre 15 et 30 µg/L). Ces chiffres étaient plus élevés chez les femmes : 11,9 % avaient une déplétion totale des réserves en fer et 14 % des réserves faibles.
 
Près d'un quart des femmes de 40 ans ont une ferritinémie < 15 µg/L
Pour faire simple, si plus de 9 hommes sur 10, quel que soit leur âge, avaient un taux de ferritine plasmatique normal (> ou = 30 µg/L), ce n'était le cas que pour 3 femmes sur 4. De plus, la ferritinémie de la population féminine variait avec l'âge : la déplétion totale et des réserves faibles en fer concernaient, respectivement, 20,3 % et 21,5 % des femmes en âge de procréer. Ce sont les femmes les plus jeunes (18-39 ans) qui étaient les plus carencées : près d'un quart d'entre elles avaient une déplétion totale des réserves en fer.

Une anémie ferriprive chez 4 % des femmes en âge de procréer
Enfin, 3,9 % des femmes en âge de procréer avaient une anémie ferriprive (hémoglobinémie < 12 g/dL et ferritinémie < 15 µg/L), le plus souvent non traitée, cette prévalence s'élevant à 5,5 % chez les femmes de 40 ans et plus, non ménopausées.
 
Quelle évolution depuis 2006 ?
En comparant ces résultats avec les données de 2006, il apparaît que, en 10 ans, le taux moyen d'hémoglobine plasmatique a un peu baissé (mais de façon significative) dans la population féminine, notamment chez les femmes ménopausées. Surtout, si la prévalence de l'anémie féminine n'a pas bougé, elle est devenue significativement différente selon les classes d'âge avec un accroissement particulier chez les femmes de 40 ans non ménopausées.
Concernant la prévalence de la déplétion des réserves en fer, elle a évolué de façon significative chez les adultes les plus âgés : elle a diminué chez les hommes de 55 à 74 ans (passant de 2,8 % à 0,8 %) et a augmenté chez les femmes ménopausées (passant de 0,4 % à 1,6 %).
Aucune modification de la prévalence de l'anémie ferriprive n'a, en revanche, été constatée.
 
10 % des filles âgées de 6 à 17 ans ont une anémie ferriprive
Des résultats biologiques ont été obtenus chez 628 sujets de la population pédiatrique âgée de 6 à 17 ans. Les taux moyens d'hémoglobine plasmatique étaient de 14,3 g/dL chez les garçons et de 13 g/dL chez les filles : 0,6 % des garçons et 13,9 % des filles avaient une anémie.
De plus, seuls 6 enfants sur 10 (62,1 %) atteignaient un niveau normal de réserves en fer (ferritinémie) : 12,8 % avaient une déplétion totale et 25,1 % des réserves faibles, sans différence selon le sexe.
Quant à l'existence d'une anémie ferriprive, elle a été constatée chez 0,1 % des garçons et 10,4 % des filles (taux d'hémoglobine plasmatique <12 g/dL ou <13 g/dL chez les garçons de 15 à 17 ans, avec une ferritinémie < 15 µg/L).
 
Les taux de folates en chute chez les femmes en âge de procréer
Les taux de folates ont été obtenus chez 532 femmes en âge de procréer non ménopausées et 68 adolescentes.
La prévalence d'un risque de déficit en folates (taux < 3 ng/mL) était de 13,4 % chez les femmes âgées de 18 à 49 ans et en âge de procréer. En revanche, chez les filles de 15 à 17 ans, elle était de seulement 0,6 %.
Or, en 2006, la prévalence du risque de déficit était de 7,2 % chez les femmes adultes non ménopausées. En l'espace de 10 ans, ce pourcentage a donc presque doublé dans cette population.
Pour mémoire, selon le PNNS-3 (2011-2015)*, les objectifs du Haut Conseil de la Santé Publique étaient "d'améliorer le statut en folates des femmes en âge de procréer" et "de réduire de 30 % au moins, en 5 ans, la proportion des femmes en âge de procréer (15-49 ans) ayant un risque de déficit en folates (taux < 3 ng/L)". Au vu des résultats de l'étude Esteban, le contraire s'est produit.
Les auteurs soulignent à cet égard le rôle essentiel de l'acide folique (vitamine B9) dans la synthèse du matériel génétique et de certains acides aminés. De plus, une carence chez la mère, avant et en début de grossesse, est associée à un risque majeur d'anomalies neurologiques chez l'enfant et notamment d'anomalie de fermeture du tube neural.
En France, une supplémentation en folates dès le moment du souhait d'une grossesse est prôné par le PNNS*. Néanmoins, très peu de femmes en bénéficient. Or l'étude Esteban a bien montré que, depuis 10 ans, la situation s'est dégradée avec, aujourd'hui, une prévalence du risque de déficits en folates de plus de 13 % chez les femmes non ménopausées. Il apparaît donc primordial d'améliorer la prévention, en jouant à la fois sur l'alimentation (apport de fruits et légumes crus), sur la mise à disposition et d'informations, et le recours à la supplémentation en acide folique au cours de la période périconceptuelle.
 
Vers des actions de prévention ciblées
Les auteurs concluent qu'il n'existe pas de problème majeur de santé publique en France concernant les apports en fer et en folates. Des actions de prévention ciblées sont cependant nécessaires afin de diminuer la prévalence des carences dans certaines populations particulières.
 
* PNNS : Programme national nutrition santé.
 
Pour en savoir plus 
Santé publique France. Etude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition (Esteban 2014-2016). Volet Nutrition. Chapitre Dosages biologiques : vitamines et minéraux. Décembre 2019.
NDLR : ce document comporte aussi des résultats ayant trait à d'autres vitamines et aux caroténoïdes.

Étude nationale nutrition santé (ENNS)

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