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Cancer du poumon : premiers symptômes et dépistage par scanner à faible dose

Ces dernières années, beaucoup d'avancées ont été réalisées dans le cancer bronchique. Mais qu'en est-il de son dépistage et du diagnostic clinique ? Des publications récentes nous en apprennent plus dans ce domaine. 
 
Patricia Thelliez 06 février 2020 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Cancer bronchique : du dépistage aux signes cliniques d'alerte (illustration).

Cancer bronchique : du dépistage aux signes cliniques d'alerte (illustration).


Deux équipes se sont intéressées, respectivement, au changement des signes cliniques annonciateurs du cancer pulmonaire apparu entre 2000 et 2017, et à l'impact du suivi de gros fumeurs par scanner à faible dose sur la mortalité par cancer du poumon. Ci-dessous leurs résultats en détail.    

Symptômes précédant le diagnostic de cancer bronchique : quels changements depuis l'an 2000 ?
L'hémoptysie est connue des professionnels de santé et aussi du grand public pour être un bon indicateur diagnostique de cancer du poumon. C'est d'ailleurs le symptôme révélateur qui a la plus haute valeur prédictive positive et qui est toujours considéré comme un symptôme cardinal du cancer bronchique dans les cours de médecine. Est-ce toujours le cas ? 
Pour le savoir, une équipe britannique (1) s'est donné comme objectif d'identifier le premier symptôme de cancer du poumon rapporté (symptôme index) et de regarder si la proportion de patients ayant tel ou tel symptôme avait changé entre 2000 et 2017.
Ils ont donc croisé les informations provenant d'une vaste base de données britannique colligeant des dossiers de médecine générale (Clinical Practice Research Datalink) avec celle d'un registre national des cancers.

La toux et la dyspnée en augmentation
Au total, les profils de 27 795 malades (44,4 % de femmes) atteints de cancer du poumon ont été analysés. Pour 17 661 d'entre eux, un symptôme avait été enregistré. Le plus fréquent était la toux en tant que symptôme index (24,4 %) ou étant survenu à n'importe quel moment ("at any-time") avant le diagnostic de cancer (33,5 %).
Surtout, les pourcentages de patients ayant un symptôme index de dyspnée ou de toux, éventuellement en association avec un autre symptôme, ont augmenté avec le temps. De fait, un accroissement significatif d'année en année de la dyspnée-index (odds ratio=1,5 ; IC95% : 1,05-1,06 ; p<0,0001) et de la toux-index (OR=1,1 ; IC95% : 1,00-1,02, p<0,0001) a été constaté.

L'hémoptysie et l'anorexie en baisse
À l'inverse, les autres symptômes index connus sont devenus progressivement moins fréquents, en particulier la perte d'appétit et l'hémoptysie. La même tendance a été observée lorsque les symptômes étaient survenus « at any-time ».
Plus précisément, une diminution statistiquement significative de la fréquence de l'hémoptysie (OR : 0,93 ; IC : 0,92-0,95 ; p<0,0001), de l'anorexie (OR : 0,94 ; IC : 0,90-0,97 ; p<0,0001), des douleurs thoraciques (OR : 0,96 ; IC : 0,95-0,97 ; p<0,0001), de la perte de poids (OR : 0,98 ; IC : 0,96-0,99 ; p<0,004) a été mise en évidence.
Les auteurs concluent que ces données devraient conduire à focaliser sur la toux et la dyspnée les messages de prévention du cancer pulmonaire destinés au grand public, ainsi qu'à sensibiliser les médecins à l'importance de considérer ces symptômes comme de potentiels indicateurs diagnostiques de cancer bronchique.  

Dépistage régulier par scanner à faible dose : une réduction significative de la mortalité par cancer du poumon

En 2011, étaient publiés dans le New England Journal of Medicine, les résultats d'un essai américain, le National Lung Screening Trial ou NLST (2), qui montraient qu'un dépistage régulier du cancer bronchique par scanner à faible dose entraînait une réduction de 20 % de sa mortalité. Mais d'autres études de plus petite taille n'ayant pas abouti à ces mêmes conclusions, les doutes quant à l'utilité d'une telle démarche ont persisté, notamment en Europe.

Une étude sur plus de 16 000 sujets à risque
Ces réticences devraient aujourd'hui être balayées depuis la parution récente d'un essai européen (Nederlands-Leuvens Longkanker Screenings Ondersoek ou NELSON) (3) qui, sur une population de près de 16 000 participants, fumeurs ou à haut risque de cancer du poumon, a abouti à des résultats similaires à ceux du NSLT.
Dans l'étude NELSON, 13 195 hommes (analyse principale) et 2 594 femmes (analyse de sous-groupe), âgés de 50 à 74 ans, fumeurs ou anciens fumeurs (> 15 cigarettes par jour pendant plus de 25 ans ou > 10 cigarettes par jour pendant plus de 30 ans), ont été tirés au sort pour entrer dans un programme de dépistage du cancer bronchique par scanner à faible dose, réalisé à l'entrée dans l'essai puis à 1 an, 3 ans et 5,5 ans (groupe "suivi ") ou non (groupe témoin). La surveillance a duré jusqu'à au moins dix ans.

Une réduction significative de la mortalité spécifique
Chez les hommes, l'incidence du cancer du poumon était à 10 ans de 5,58 cas pour 1 000 personnes-années dans le groupe "suivi " et de 4,91 cas pour 1 000 personnes-années dans le groupe témoin. Quant à la mortalité par cancer pulmonaire, il y a eu, respectivement, 2,50 décès pour 1 000 personnes-années et 3,30 pour 1 000 personnes-années. Le rapport cumulé du taux d'incidence (taux d'incidence dans le groupe dépisté par scanner divisé par le taux d'incidence dans le groupe témoin) de la mortalité par cancer du poumon était de 0,76 (IC95% : 0,61-0,94, p=0,01).
Chez les femmes, le rapport cumulé du taux d'incidence était encore plus bas, de 0,67 à 10 ans, mais ces données sont bien sûr à confirmer en raison de la plus petite taille de l'effectif.

D'autres bénéfices constatés
En outre, chez les hommes, les cancers dépistés l'étaient à un stade plus précoce, permettant plus souvent un traitement curatif (principalement chirurgical). Et le risque de surdiagnostic (faux positifs), de 19,7 % à 10 ans et de 8,9 % à 11 ans, a été considéré comme acceptable.
Dans leur éditorial, SW Duffy et JK Field (4) ont fait plusieurs commentaires. Ils notent, en particulier, que l'intervalle de 2 ans entre deux scanners semble satisfaisant. Ils constatent également que 8 ans après la randomisation, soit environ 2,5 ans après le dernier scanner, les courbes de mortalité des deux groupes deviennent parallèles. Le même phénomène avait été observé dans le NLST, mais 3,5 ans après le dernier dépistage. Réunies, ces constations suggèrent ainsi que la protection offerte par la surveillance régulière par scanner persiste au moins entre 2,5 et 3,5 ans après l'arrêt de celle-ci.
Enfin, les éditorialistes concluent qu'il n'est plus l'heure de se demander si cette approche est efficace – l'étude NELSON vient de le confirmer –, mais de se concentrer sur l'aspect coût-efficacité, la détermination de l'intervalle optimal entre deux scanners, la définition précise de la population ciblée et du risque individuel.  


Pour en savoir plus 
1- Chowienczyk S et coll. Changes in the presenting symptoms of lung from 2000-2017 : a serial cross-sectionnal study of observational records in UK primary care. Br J Gen Pract 2020. Publication avancée en ligne le 27 janvier. doi: 10.3399/bjgp20X7081371-
2- The National Lung Screening Trial Research Team. Reduced lung-cancer mortality with low-dose computed tomographic screening. N Engl J Med. 2011. 365 : 395-409.
3- de Koning HJ et coll. Reduced lung-cancer mortality with volume CT screening in a randomized trial. N Engl J Med 2020 ; 382 : 503-513.
4- Duffy SW et Field JK. Mortality reduction with low dose CT screening for lung cancer. N Engl J Med 2020. 382 : 572-573. 
Sources

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