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CELLCEPT et générique, MYFORTIC (mycophénolate) : les grossesses exposées et les malformations à la naissance persistent

L'ANSM publie les données d'une nouvelle étude épidémiologique conduite par le groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE sur l'exposition au mycophénolate des femmes en âge de procréer et des femmes enceintes.

L'analyse des données de remboursement des spécialités de mycophénolate (CELLCEPT, MYFORTIC, et génériques) sur 8 ans (2010 à 2017) montre :
  • une augmentation constante de l’utilisation du mycophénolate chez les femmes en âge de procréer, de l'ordre de 44 % sur cette période,  
  • un nombre persistant de grossesses exposées à cette substance, de l’ordre de 50 par an.
L'analyse EPI-PHARE permet d'identifier les situations de prescription (indications) et de dispensation, les profils des patientes, et de décrire l'exposition pendant la grossesse. 

Parmi les enfants nés entre 2010 et 2017 et exposés in utero, 12 % présentent au moins une malformation congénitale. 
David Paitraud 12 février 2020 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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L'acide mycophénolique est utilisé dans la prise en charge de greffes, notamment rénales, mais aussi hépatiques ou cardiaques (illustration).

L'acide mycophénolique est utilisé dans la prise en charge de greffes, notamment rénales, mais aussi hépatiques ou cardiaques (illustration).


L'étude EPI-PHARE sur le mycophénolate : des données collectées pendant 8 ans
L'étude sur l'utilisation du mycophénolate en France parmi les femmes en âge de procréer et les femmes enceintes a été menée par le groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE (ANSM-CNAM).
Les données sont issues du système national des données de santé (SNDS). L'analyse porte sur les données collectées entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2017, soit une durée de 8 ans, et sur l'ensemble des médicaments de mycophénolate commercialisés en France, c'est-à-dire CELLCEPT et ses génériques, et MYFORTIC (cf. Encadré 1).
Les utilisateurs inclus dans cette étude ont bénéficié d'au moins un remboursement de mycophénolate durant cette période, pour une indication autorisée par l'AMM (greffe d'organe) ou une indication hors AMM (syndrome néphrotique, lupus érythémateux, sclérose en plaques, glomérulopathie, ou greffe de cellules souches hématopoïétiques). 

Encadré 1 - Le mycophénolate en bref
Le mycophénolate est un immunosuppresseur sélectif, commercialisé sous deux formes en France :
  • Mycophénolate mofétil : CELLCEPT gélule et comprimé pelliculé, et génériques, CELLCEPT poudre pour suspension buvable, CELLCEPT poudre pour solution à diluer pour perfusion
  • Mycophénolate sodique : MYFORTIC comprimé gastrorésistant

CELLCEPT et MYFORTIC sont indiqués, en association à la ciclosporine et aux corticoïdes, dans la prévention des rejets aigus d'organe :
  • pour CELLCEPT : chez les patients ayant bénéficié d'une allogreffe rénale, cardiaque ou hépatique ;
  • pour MYFORTIC : chez les patients adultes ayant bénéficié d'une allogreffe rénale.

Mycophénolate chez les femmes en âge de procréer : en augmentation croissante
Entre 2010 et 2017, 17 726 femmes en âge de procréer (13-49 ans) ont reçu un traitement par mycophénolate, sur 94 121 patients au total. 
On observe une augmentation globale de l'utilisation de cet immunosuppresseur sur 8 ans : 
  • + 49 % dans la population générale, 
  • + 44 % chez les femmes en âge de procréer.

Le mycophénolate reste majoritairement prescrit dans le cadre de l'indication de l'AMM (autorisation de mise sur le marché), avec une prédominance dans les greffes rénales. 

Dans 28,5 % des prescriptions générales, le mycophénolate a été prescrit hors AMM, chez des patients présentant un syndrome néphrotique, un lupus érythémateux, une sclérose en plaques, une glomérulopathie ou chez des patients ayant bénéficié d'une greffe de cellules souches. 
Ce taux passe à 42,6 % dans la population des femmes en âge de procréer. 

Au total, les femmes (tout âge confondu) représentent :
  • 1 patient sur 3 (34,9 %) dans le groupe traité par mycophénolate en situation d'AMM,
  • et plus d'1 patient sur 2 (57,4 %) pour dans le groupe des patients traités par mycophénolate en situation hors AMM.

CELLCEPT et ses génériques sont les médicaments les plus prescrits, en particulier en situation hors AMM (de l'ordre de 95 %).
La durée médiane d'exposition au mycophénolate est de 4,6 ans en situation d'AMM et de 1,9 ans en situation hors AMM dans la population générale.

Cette durée médiane s'élève légèrement chez les femmes en âge de procréer : 
  • situation d'AMM : 4,9 ans,
  • situation hors AMM : 2,3 ans.

Enfin, tandis que l'âge des utilisateurs est d'environ 50 ans en population générale, les femmes en âge de procréer exposées au mycophénolate sont plus jeunes, en moyenne 38 ans (38 ans pour les situations d'AMM, 37 ans pour les utilisations hors AMM). 

Mycophénolate et grossesse : persistance d'une exposition foetale
Le mycophénolate est considéré comme un puissant tératogène, à l'origine d'avortements spontanés ou de malformations congénitales (face, membres, organes vitaux). 

Il est contre-indiqué chez les femmes enceintes et chez les femmes en âge de procréer n'utilisant pas de méthodes contraceptives hautement efficaces.

Les mesures de prévention de la grossesse ont été renforcées en 2015 et en 2016 (nos articles du 30 juin 2015 et du 25 novembre 2015), puis assouplies chez l'homme (notre article du 26 juin 2018) et la femme en âge de procréer (2 méthodes contraceptives recommandées, mais une seule obligatoire).
 

Sur les 17 726 femmes en âge de procréer (13-49 ans) ayant reçu un traitement par mycophénolate (au moins 1 remboursement de mycophénolate dans l'année précédant et/ou pendant la grossesse) et recensées au cours des 8 années d'étude, 852 ont déclaré une grossesse, selon la répartition suivante : 

- 410 grossesses dans un contexte de greffe, 
- 442 grossesses hors contexte de greffe. 
Le nombre de grossesses tombe à 383 si on limite les critères d'inclusion à au moins 1 remboursement de mycophénolate dans les 3 mois précédant et/ou pendant la grossesse.
 
  • Une moyenne de 50 grossesses exposées par an, sur 8 ans
Sur ces huit années couvertes par l'étude, le nombre annuel de grossesses concernées par une exposition au mycophénolate est resté stable, autour de 50 par an.

L'âge moyen était de 30 ans au début de la grossesse, quel que soit le contexte d'utilisation. 

Sur les 383 grossesses avec au moins 1 remboursement de mycophénolate dans les 3 mois précédant et/ou pendant la grossesse, 2 dispensations en moyenne ont été réalisées, et la période d'exposition est majoritairement rapportée avant et pendant le premier trimestre (respectivement 39,2 % et 55,1 % contre 5,7 % au-delà du premier trimestre).
On observe une utilisation de mycophénolate quasiment nulle lors du troisième trimestre de grossesse, avec un relais par l'azathioprine, quel que soit le contexte d'utilisation :
  • parmi les femmes transplantées : relais principalement par l'azathioprine (dans plus de 70 % des cas) ; 
  • parmi les femmes sans antécédent de greffe d'organe : relais par l'azathioprine dans environ un tiers des cas ou interrompu (dans environ un tiers des cas également).

Enfants exposés in utero : 12 % des nouveau-nés présentent une malformation
Sur les 383 grossesses, 214 sont arrivées à terme (enfant né vivant) et 155 (44 %) ont été interrompues (IVG ou IMG).
Sur 164 nouveau-nés exposés à la naissance, on a recensé 19 enfants présentant au moins une malformation congénitale à la naissance (11,6 %) :
  • au niveau du visage et des membres, 
  • au niveau de l'appareil circulatoire : cloisons cardiaques, gros vaisseaux et/ou système périphérique, 
  • au niveau de l'appareil urinaire et des organes génitaux.

Rappel de l'ANSM : respecter les conditions d'utilisation du mycophénolate
Suite à la publication de ces résultats, l'ANSM rappelle que l'ensemble de ces conditions et recommandations d'utilisation du mycophénolate doit être strictement respecté, y compris lors d'utilisations hors AMM, en particulier dans le traitement de certaines maladies auto-immunes (cf. Encadré 2).

Le suivi des données d'utilisation sera poursuivi notamment pour mesurer l'évolution de l'exposition au mycophénolate à la suite de la modification des mesures additionnelles de réduction du risque effectuées en 2018.

Encadré 2 - Rappel des conditions et recommandations d'utilisation du mycophénolate
Mycophénolate chez les femmes
  • contre-indication chez les femmes enceintes et chez les femmes susceptibles de procréer n'utilisant pas de méthode contraceptive efficace et adaptée, sauf en l'absence d'alternative thérapeutique appropriée, pour prévenir le rejet de greffe ou traiter la pathologie. Le mycophénolate est également contre-indiqué pendant l'allaitement.

Les patientes doivent être pleinement informées par leur médecin des risques sur la grossesse associés à la prise du traitement et des mesures à respecter pour limiter ces risques.
Pour initier un traitement, la patiente doit consulter un médecin spécialiste à l'hôpital. Celui-ci discutera avec elle des points suivants :
  • nécessité de fournir un test de grossesse négatif (un second test est recommandé pour confirmer le résultat négatif),
  • nécessité de mise en place d'une contraception efficace et adaptée,
  • nécessité de compléter et signer un formulaire d'accord de soins  lors de la consultation hospitalière.
Pendant son traitement, la patiente :
  • poursuit sa contraception efficace et adaptée,
  • réalise des tests de grossesse lorsque nécessaire (oubli de prise de contraceptif, cycle irrégulier, suspicion d'interaction médicamenteuse, etc.),
  • consulte une fois par an son spécialiste hospitalier pour renouveler son ordonnance et son accord de soins,
  • présente une copie du formulaire d'accord de soins signé pour toute dispensation,
  • planifie tout projet de grossesse  et en discute avec son spécialiste afin d'envisager un autre traitement,
  • consulte en urgence son médecin en cas de suspicion ou de découverte de grossesse  mais n'arrête pas de prendre son traitement dans l'intervalle.
À la fin de son traitement, la patiente :
  • poursuit une contraception efficace et adaptée au moins pendant 6 semaines.

Mycophénolate chez les hommes
  • pas de risque tératogène accru pour les enfants nés d'un père traité par mycophénolate. La situation est donc différente pour les hommes et pour les femmes.  
Toutefois, le mycophénolate étant une substance génotoxique, le risque d'altération génétique chez l'enfant à naitre ne peut être totalement exclu.

Ainsi pour écarter tout risque, il est préférable d'utiliser une méthode contraceptive efficace pendant le traitement et durant au moins 90 jours après l'arrêt du traitement. Cette contraception peut être suivie par le patient ou par sa/ses partenaire(s) féminine(s).


En cas de projet de grossesse, le patient masculin traité par mycophénolate doit discuter avec son médecin spécialiste du traitement le plus approprié. En cas de découverte ou de suspicion de grossesse chez sa partenaire, le patient doit en informer son spécialiste.

Les hommes traités par mycophénolate ne doivent pas réaliser de don de sperme pendant la durée de leur traitement et jusqu'à 90 jours après la fin de celui-ci.


Quelle que soit leur situation, les patients traités par mycophénolate, ou par tout autre immunosuppresseur, ne doivent jamais arrêter leur traitement sans avis médical.


Pour aller plus loin 
Mycophénolate : l'ANSM rappelle les conditions de sa prescription et de sa délivrance car son utilisation pendant la grossesse persiste - Point d'Information (ANSM, 10 février 2020)
Utilisation du mycophénolate parmi les femmes en âge de procréer et lors d'une grossesse en France entre 2010 et 2017 – Etude EpiPhare (ANSM, 10 février 2020)
Présentation Power Point de l'étude EpiPhare (ANSM, 10 février 2020)

Sur VIDAL.fr
Mycophénolate et risque tératogène : appel à l'amélioration des nouvelles mesures de précaution (18 mai 2016)
CELLCEPT et MYFORTIC (mycophénolate) : de nouvelles recommandations moins contraignantes vis-à-vis du risque tératogène (26 juin 2018)

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