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Coadministration amiodarone/sofosbuvir et risque de bradyarythmie : renforcement des mises en garde

Bien que l'interaction amiodarone/sofosbuvir soit mentionnée dans les informations relatives aux spécialités contenant ces principes actifs, des signalements de bradyarythmie continuent à être rapportés :
  • chez des patients ayant reçu ces deux médicaments de façon concomitante,
  • chez des patients pour lesquels le traitement par sofosbuvir a été initié peu de temps après l'arrêt de l'amiodarone, sans tenir compte de la longue demi-vie de cet anti-arythmique.

Par conséquent, le PRAC (Comité pour l’Évaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance) a décidé de renforcer : 
  • les mises en garde vis-à-vis de cette association à risque, en raison de la longue demi-vie de l'amiodarone,
  • la surveillance des patients lorsque la co-administration d'amiodarone et de sofosbuvir s'avère nécessaire : surveillance continue de la fréquence cardiaque pendant 48 heures à l'hôpital, suivie d'une surveillance journalière en ambulatoire pendant au moins les 2 premières semaines. 

En raison de la longue demi-vie de l'amiodarone (20 à 100 jours), une surveillance cardiaque doit également être réalisée chez les patients dont le traitement par amiodarone a été arrêté au cours des derniers mois, et qui doivent débuter un traitement contenant du sofosbuvir.
David Paitraud 26 février 2020 06 mars 2020 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
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Dans la population générale (hors sportifs entraînés en endurance), on parle de bradycardie lorsque le rythme cardiaque est inférieur à 50 battements par minute (illustration).

Dans la population générale (hors sportifs entraînés en endurance), on parle de bradycardie lorsque le rythme cardiaque est inférieur à 50 battements par minute (illustration).


La coadministration de médicaments à base d'amiodarone et de spécialités à base de sofosbuvir est associée à un risque de bradycardie sévère et de troubles de la conduction.
Cette interaction est identifiée et mentionnée dans les RCP (résumés des caractéristiques du produit) de ces médicaments (cf. Encadré 1). Son mécanisme n'est pas identifié à ce jour et fait l'objet d'évaluations en cours.

Encadré 1 - Extrait de la monographie VIDAL de CORDARONE 200 mg comprimé sécable - Rubrique Interactions
Associations déconseillées :
Sofosbuvir, uniquement lors de la bithérapie daclatasvir/sofosbuvir ou lédipasvir/sofosbuvir : survenue de bradycardie éventuellement brutale, pouvant avoir des conséquences fatales.
Si l'association ne peut être évitée, surveillance clinique et ECG étroite, en particulier pendant les premières semaines de traitement par la bithérapie.

À ce titre, l'amiodarone ne doit être utilisée chez les patients traités par sofosbuvir qu'en cas d'intolérance ou de contre-indication aux autres traitements anti-arythmiques ; une surveillance adaptée doit être mise en place dans le cas où le recours à l'association serait inévitable.

En 2015, l'ANSM et les laboratoires concernés ont informé les professionnels de santé sur ce risque d'effet indésirable cardiaque (cfnotre article du 29 avril 2015).  


Amiodarone : une demi-vie longue avec une grande variabilité interindividuelle
L'amiodarone est une substance anti-arythmique utilisée dans la prise en charge de fibrillations, flutters, tachycardies, arrêts cardiaques, syndromes de Wolff-Parkinson-White [cf. VIDAL Recos "Fibrillation auriculaire" et "Syndrome coronarien aigu ST+ (infarctus du myocarde)"].
Elle entre dans la composition de CORDARONE 150 mg/3 mL solution injectable en ampoule IV et de 
CORDARONE 200 mg comprimé sécable et génériques.

D'un point de vue pharmacocinétique, l'amiodarone est une molécule à transit lent et à forte affinité tissulaire. Elle se caractérise par une demi-vie longue avec une grande variabilité interindividuelle (20 à 100 jours). Pendant les premiers jours de traitement, le produit s'accumule dans la plupart des tissus de l'organisme, particulièrement dans le tissu adipeux. L'élimination apparaît au bout de quelques jours et le bilan entrée/sortie s'équilibre au bout d'une période d'un à quelques mois selon les individus.
 
Pour sa part, le sofosbuvir est un antiviral d'action directe (AAD) indiqué dans le traitement de l'hépatite C chronique (cfVIDAL Reco "Hépatite C"), qui entre, seul ou en association, dans la composition de plusieurs médicaments commercialisés en France : 
Persistance des signalements de bradycardies
À l'issue d'une récente analyse des données de pharmacovigilance, le PRAC (Comité pour l'Évaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance) a constaté une persistance des signalements de bradyarythmie rapportés suite à la co-administration du sofosbuvir avec l'amiodarone, malgré les mises en garde de 2015.

Parmi ces signalements, les données montrent une prise en compte insuffisante de la longue demi-vie de l'amiodarone par les prescripteurs. Même en cas d'interruption du traitement par amiodarone avant l'initiation du traitement par sofosbuvir, la longue demi-vie de l'anti-arythmique expose les patients au risque de bradyarythmie. 

Renforcement des modalités de surveillance si la co-administration est inévitable
Outre le renforcement des mises en garde vis-à-vis de la demi-vie de l'amiodarone, le PRAC a également décidé de renforcer la surveillance des patients. 

Cette surveillance s'applique désormais :
  • à tous les patients recevant de façon concomitante l'amiodarone et le sofosbuvir, et non plus seulement les patients à haut risque de bradyarythmie ;
  • aux patients qui ont arrêté l'amiodarone au cours des derniers mois et qui doivent débuter un traitement contenant du sofosbuvir, afin de tenir compte de la longue demi-vie de l'amiodarone.

Le schéma de surveillance recommandé est le suivant :
  • surveillance cardiaque continue pendant 48 heures en milieu hospitalier adapté après le début de la co-administration, 
  • puis surveillance journalière de la fréquence cardiaque du patient, en ambulatoire ou par le patient lui-même, pendant au moins les deux premières semaines de traitement.

Information des patients pour repérer une bradycardie iatrogène
Enfin, le PRAC recommande d'informer tous les patients traités par sofosbuvir et de manière concomitante ou récente par amiodarone sur les symptômes de bradycardie et de troubles de la conduction tels des étourdissements, des vertiges, voire des pertes de connaissance, une sensation de fatigue, un essoufflement.
Ils doivent être informés de la nécessité de consulter un médecin en urgence s'ils ressentent ces symptômes.

Pour aller plus loin
PICATO (mébutate d'ingénol), Antiviraux d'action directe contenant du sofosbuvir (EPCLUSA, VOSEVI, HARVONI, SOVALDI) et amiodarone : retour d'information sur le PRAC de janvier 2020 (ANSM, 19 février 2020)

Sur VIDAL.fr
Antiviraux d'action directe contre l'hépatite C : éviter la prescription conjointe d'amiodarone (29 avril 2015)

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