#Santé publique #COVID-19

Premiers résultats cliniques positifs pour l’hydroxychloroquine dans la COVID-19 modérée

Une étude chinoise de l’hôpital Renmin (non encore publiée, mais disponible en preprint avant reviewing depuis le 30 mars 2020) suggère que, chez des patients présentant des formes modérées de COVID-19, l’administration de 400 mg/jour d’hydroxychloroquine pendant 5 jours accélère modestement la disparition des symptômes (en moyenne, une journée de moins de fièvre et de toux sur 3 jours de symptômes).
Mais ce traitement pourrait s’avérer plus décisif en termes de prévention de la progression vers des formes graves : les 4 patients ayant progressé vers une forme clinique sévère étaient tous dans le groupe contrôle.
Malgré ses limites (changement de design en cours d’étude, petite taille, traitement standard mal décrit, éventuelle absence de double aveugle, non publication de données virologiques et radiographiques), cette étude pourrait indiquer une utilité de l’hydroxychloroquine dans la prise en charge des formes précoces et modérées de la COVID-19, dans un objectif de prévention d’une éventuelle aggravation.
Son analyse est à mettre en regard des études virologiques existantes et de l’absence d’efficacité clinique observée dans une étude similaire, mais de plus petite taille, publiée début mars.

Bonne lecture et suivez nous sur Twitter : @VidalActus
 
Stéphane Korsia-Meffre 31 mars 2020 02 avril 2020 Image d'une montre7 minutes icon 17 commentaires
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Une étude chinoise de l’hôpital Renmin (illustration).

Une étude chinoise de l’hôpital Renmin (illustration).


Une équipe chinoise de l'hôpital Renmin (université de Wuhan) vient de publier les résultats d'un petit essai clinique randomisé, contre placebo, évaluant les effets de l'ajout de 400 mg/j d'hydroxychloroquine (HCQ, PLAQUENIL, 200 mg matin et soir pendant 5 jours) au traitement standard, chez 62 (2 x 31) patients atteints de formes modérées de COVID-19. On ignore si cette étude a été menée en double aveugle.
 
Une étude randomisée et contrôlée dont le design n'est pas celui annoncé
Cette étude (ChiCTR2000029559) avait originellement été prévue avec 3 bras de 100 patients chacun (dont un bras traité par 200 mg/j d'HCQ). De plus, les critères retenus à l'origine étaient le délai à la négativation de la charge virale et le délai à la normalisation du taux sanguin de lymphocytes T. On ignore les raisons qui ont modifié la taille, le design et les critères originellement planifiés.
 
Des patients atteints de formes modérées de COVID-19
Les patients inclus (âge moyen : 44,7 ans, sexe masculin : 46,8 %) avaient reçu un diagnostic de COVID-19 confirmé par RT-PCR (sans précision sur la charge virale initiale) et présentaient des signes d'inflammation pulmonaire confirmés par scanner et des symptômes respiratoires modérés (SaO2/SpO2 > 93 % ou PaO2/FIO2 > 300 mmHg).
À J0, la fièvre était présente chez 17 patients du groupe témoin et 22 du groupe HCQ ; une toux chez 15 patients du groupe contrôle et 22 patients du groupe HCQ. Tous étaient vierges de traitement contre la COVID-19. Tous les malades ont reçu le traitement standard "local" : oxygénothérapie, antiviraux (sans précision), antibiotiques (sans précision) ou immunoglobulines avec ou sans corticothérapie.
Le critère principal décrit dans l'article (mais pas dans le projet d'étude initial) était le "délai de guérison clinique", défini comme le retour à une température normale et l'arrêt de la toux pendant au moins 72 h. Des scanners thoraciques ont été faits à J0 et J6.
 
Une réduction de la durée des symptômes
En termes de fièvre, le groupe contrôle a recouvré une température normale en 3,2 jours en moyenne (EC = 1,3 j) et le groupe HCQ en 2,2 jours (EC = 0,4 j) (p = 0,0008). En termes de toux, celle-ci a disparu en 3,1 jours (EC = 1,5 j) dans le groupe témoin et en 2 jours (EC = 0,2 j) dans le groupe HCQ (p = 0,0016).
En termes de toxicité, 2 patients du bras HCQ ont rapporté des effets indésirables (rash, maux de tête) n'ayant pas justifié leur sortie de l'étude.
 
Une amélioration des images thoraciques et une réduction du risque d'aggravation
Les scanners thoraciques (non publiés dans l'article, sans mention d'une lecture en aveugle) ont montré une aggravation des signes de pneumonie chez 29 % des sujets du groupe contrôle (9 patients) et 6,5 % du groupe HCQ (2 patients). Une amélioration "significative" a été observée chez 16,1 % (n = 5) des patients du groupe contrôle et 61,3 % de ceux du groupe HCQ (n = 19). Une amélioration "modérée" des images pulmonaires a été observée chez 38,7 % (n = 12) du groupe témoin et 19,4 % (6) du groupe HCQ. En fusionnant les améliorations "modérées" et "significatives", les auteurs ont observé une amélioration des images pulmonaires chez 54,8 % des malades du groupe contrôle et 80,6 % de ceux du groupe HCQ (p = 0,0476).
De plus, 4 patients ont progressé vers une forme clinique sévère, tous dans le groupe témoin.
 
Une étude intéressante, avec quelques limites
Cette étude suggère donc que, chez des patients présentant des formes modérées de COVID-19, l'administration de 400 mg/jour d'HCQ pendant 5 jours accélère modestement la disparition des symptômes (en moyenne, une journée de moins de fièvre et de toux sur 3 jours de symptômes). Mais ce traitement pourrait s'avérer plus décisif en termes de prévention de la progression vers des formes sévères.
Outre sa petite taille (et son changement inexpliqué de design), cette étude a néanmoins des limites. Dans cet article, le "traitement standard" reçu par tous les participants n'est pas décrit précisément, ni son homogénéité entre les deux groupes. La présence d'antibiotiques interroge, en particulier dans un contexte où, dans d'autres études, l'HCQ a été associée à l'azithromycine.
Une autre limite se trouve dans l'absence de données de charge virale, à J0 et tout au long du traitement, ainsi qu'après (alors que cela devait être un critère d'évaluation important dans le design initial). Cette absence de données virologiques rend difficile l'analyse de ces résultats à la lumière des études contradictoires publiées récemment sur l'effet de l'HCQ sur la charge virale au cours de la maladie.
 
Des résultats contradictoires avec la seule autre étude clinique publiée
Le 6 mars 2020, une équipe chinoise de Shanghai a publié une étude randomisée très similaire (400 mg/j HCQ vs placebo pendant 5 jours, en association avec le traitement standard, 30 patients d'âge moyen similaire, infection symptomatique depuis 6 jours en moyenne, sans signes de gravité respiratoires - étude NCT04261517). Cette étude ne montrait aucun effet de l'ajout d'HCQ au traitement standard.
Dans ce travail, la présence de virus (attestée par RT-PCR) s'est négativée, après un délai médian de 4 jours dans le groupe HCQ versus 2 jours dans le groupe contrôle. Le 7e jour, les prélèvements étaient négatifs chez 87 % des patients sous HCQ et 93 % de ceux du groupe contrôle (p > 0,05). La durée médiane de négativation du prélèvement a été de 4 jours dans le groupe HCQ et de 2 jours dans le groupe témoins (p > 0,05).
Le délai médian de disparition de la fièvre a été d'environ 1 jour dans les deux groupes. Les scanners thoraciques (faits à J0 et J3) ont montré une amélioration chez 5 patients dans le groupe HCQ contre 7 dans le groupe contrôle. Aucune des différences observées n'était statistiquement significative. À J14, l'état de santé de tous les patients s'était amélioré sans différence entre les groupes. L'infection s'est aggravée chez un seul patient, enrôlé dans le groupe HCQ.
La principale différence entre l'étude qui fait l'objet de cet article et celle du 6 mars est la taille deux fois plus importante des groupes dans l'étude de l'hôpital Renmin. La comparaison des deux fait davantage regretter l'absence de données virologiques dans l'étude la plus récente.
 
Une étude qui renforce des présomptions d'efficacité
Tout d'abord, il est à remarquer que, si tous les patients enrôlés présentaient des signes d'inflammation pulmonaire, entre la moitié et les deux tiers des malades (selon les groupes) n'avaient pas de toux et/ou de fièvre. Cette donnée semble aller dans le sens des observations selon lesquelles des patients a- ou paucisymptomatiques peuvent présenter des atteintes pulmonaires.
Ensuite, ce travail suggère un intérêt potentiel de l'HCQ en début de COVID-19, lorsque les symptômes sont encore modérés, pour prévenir une aggravation. Si cette efficacité se confirme, elle pourrait conduire à réviser la position actuelle des autorités françaises de réserver ce traitement aux seules formes les plus avancées de la COVID-19. Une telle confirmation renforcerait également les arguments de certains infectiologues qui font remarquer que, dans de nombreuses maladies virales (grippe, herpès, par exemple), les antiviraux n'ont fait leurs preuves que dans les phases les plus précoces de l'infection.
 
Pour rappel, plusieurs études randomisées et contrôlées sont en cours sur l'efficacité clinique de l'HCQ dans la COVID-19 : études internationales Discovery et Solidarity, études chinoises ChiCTR2000029542, ChiCTR2000029609, ChiCTR2000029542, ChiCTR2000029741, ChiCTR2000029740 et ChiCTR2000029803. Les deux dernières sont supposément achevées et leurs résultats devraient être publiés rapidement. ChiCTR2000029803 étudie l'efficacité de l'HCQ dans la prévention post-exposition au SARS-COV-2.



(Edit du 2 avril 2020) Le CHU d'Angers met en place une étude, Hycovid, qui portera sur 1300 patients à haut risque de complications : infection COVID-19 confirmée par test biologique ou, à défaut, par scanner thoracique, diagnostic porté depuis moins de 48h, patient d'au moins 75 ans ou présentant une oxygénodépendance avec saturation capillaire périphérique en oxygène ? 94% en air ambiant. Sont exclus les patients présentant un risque élevé de toxicité de l'hydroxychloroquine, en particulier cardiaque, les femmes enceintes, les sujets traités au long cours par hydroxychloroquine, et les patients avec une atteinte pulmonaire grave. La première dose de 400 mg sera prise au décours immédiat de l'inclusion à J0, la deuxième dose de 400 mg le soir même puis le traitement sera poursuivi pendant les 8 jours suivant à raison de 200 mg matin et soir.  Pour en savoir plus

L'article rapportant les résultats de l'étude de l'hôpital Renmin (ChiCTR2000029559)
Chen ZW, Hu JJ, Zhang ZW et al. Efficacy of hydroxychloroquine in patients with COVID-19: results of a randomized clinical trial. MedRxIV, 30 mars 2020.
 
Le design initial de l'étude de l'hôpital Renmin (ChiCTR2000029559)
Therapeutic effect of hydroxychloroquine on novel coronavirus pneumonia (COVID-19). Chinese Clinical Trial Registry. 4 février 2020.
 
L'article rapportant l'étude de l'équipe de Shanghai (NCT04261517)
Chen J, Liu DP, Liu L et al. A pilot study of hydroxychloroquine in treatment of patients with common coronavirus disease-19 (COVID-19). J Zhejiang Univ (Med Sci) 2020, Vol. 49 Issue (1): 0-0.
 
Le design de l'étude de Shanghai (NCT04261517)
Efficacy and Safety of Hydroxychloroquine for Treatment of Pneumonia Caused by 2019-nCoV (HC-nCoV). ClinicalTrials.gov. 24 mars 2020.
 
Le design de l'étude ChiCTR2000029740
Efficacy of therapeutic effects of hydroxycholoroquine in novel coronavirus pneumonia (COVID-19) patients (randomized open-label control clinical trial) Chinese Clinical Trial Registry. 24 février 2020.
 
Le design de l'étude ChiCTR2000029803
A prospective, randomized, open-label, controlled clinical study to evaluate the preventive effect of hydroxychloroquine on close contacts after exposure to the Novel Coronavirus Pneumonia (COVID-19). Chinese Clinical Trial Registry. 24 février 2020.
 
Sur les atteintes pulmonaires des patients a- ou paucisymptomatiques
Ai T, Yang Z, Hou H et al.  Correlation of Chest CT and RT-PCR Testing in Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) in China: A Report of 1014 Cases.  Radiology. 2020 Feb 26.
 
Shi H, Han X, Jiang N et al. Radiological findings from 81 patients with COVID-19 pneumonia in Wuhan, China: a descriptive study. Lancet Infect Dis. 2020 Apr;20(4):425-434.
  
Une infographie très bien faite sur ce que l'on sait de l'hydroxychloroquine dans la COVID-19
Covid-19 et hydroxychloroquine: connaître les enjeux pour informer les patients. Collège de la médecine générale, 27 mars 2020.

 
Sources

Commentaires

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M.M. Andorre Il y a 4 ans 0 commentaire associé
Merci pour ces commentaires sur la chloroquine. Y a t'il des résultats sur les études faites sur la colchicine ,les zartans ,l'azitromicine seule? Les chinois ont -ils travaillé dessus? Merci de me renseigner.
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