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Infection COVID-19 : les manifestations neurologiques passées à la loupe

Peu décrites au début de l’épidémie de COVID-19, les manifestations neurologiques sont en fait relativement fréquentes, mais pas toujours spécifiques d’une atteinte du système nerveux. Des enquêtes descriptives sont en cours pour tenter de mieux les définir.
Isabelle Hoppenot 16 avril 2020 Image d'une montre6 minutes icon 7 commentaires
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Des troubles neurologiques souvent peu spécifiques (illustration).

Des troubles neurologiques souvent peu spécifiques (illustration).


Dans les premières séries de patients infectés par le SARS-CoV-2 à Wuhan, fin janvier-début février 2020, les manifestations neurologiques rapportées étaient rares ou aspécifiques, telles que des céphalées, qui sont fréquentes dans tout syndrome grippal. “Lorsque l'épidémie s'est étendue à l'Europe, nous avons été très attentifs aux possibles atteintes neurologiques, mais seulement trois cas étaient alors décrits en détail", rapporte le Dr Thomas de Broucker, qui dirige le service de neurologie de l'hôpital de Saint-Denis."Il s'agissait d'une méningo-encéphalite, d'un syndrome de Guillain-Barré et d'une encéphalite nécrosante aiguë, cette dernière se rencontrant aussi au cours de la grippe et qui, dans le cas de l'infection COVID-19 pourrait être en rapport avec le syndrome d'hyperactivité cytokinique".

Les enseignements d'une étude chinoise
Un article, publié il y a quelques jours dans JAMA Neurology, fait un état des lieux des manifestations neurologiques observées en Chine, en s'appuyant sur une étude monocentrique ayant porté sur 214 patients, ce qui est en fait assez peu en regard du nombre de patients hospitalisés, estime le Dr de Broucker. Ces manifestations concernaient 36 % des patients et 45 % de ceux présentant une forme sévère : accidents vasculaires cérébraux (5 % des cas), troubles de la conscience (15 % des cas, mais était-ce une confusion, un délirium ?), atteintes musculosquelettiques avec une élévation des enzymes ou myalgies (20 % des cas), vertiges.

Une enquête descriptive des hôpitaux généraux
Des manifestations assez peu spécifiques donc, qui ont conduit le Collège national des neurologues des hôpitaux généraux (CNNHG) – hôpitaux qui disposent de services d'accueil des urgences et sont largement impliqués dans la prise en charge des patients ayant une infection COVID-19 – avec l'aide de la SPILF (Société de pathologie infectieuse de langue française), à mettre en place une enquête descriptive déclarative, en France métropolitaine.
L'objectif est de décrire et d'affiner les données sur ces manifestations, dont la physiopathologie est incertaine : atteintes virales directes, atteintes en rapport avec la réponse immunitaire systémique, atteintes en rapport avec les conséquences de l'atteinte infectieuse respiratoire (hypoxie profonde, syndrome inflammatoire majeur, hypercoagulabilité).
Si l'on prend l'exemple de l'anosmie, la contamination du système sensoriel olfactif oriente a priori vers un certain neurotropisme du SARS-CoV-2, comme cela est établi pour le virus herpès ou d'autres germes viraux ou bactériens. Mais, pour le Dr de Broucker, s'il y avait une destruction des neurones olfactifs, on n'observerait pas de récupération en 2 ou 3 semaines. Il semblerait plutôt que le virus ait un tropisme pour les cellules de l'épithélium olfactif, qui portent les mêmes récepteurs ACE2 que celles de l'épithélium respiratoire. 

Premiers retours d'expérience
Le recul est encore limité, l'enquête ayant débuté il y a une dizaine de jours, dans un contexte où il n'est pas facile de mener des travaux d'épidémiologie. Certaines manifestations semblent cependant assez fréquentes, selon l'expérience des médecins qui s'occupent au quotidien de patients infectés hospitalisés. 
Tout d'abord, les AVC sont sans doute, comme les embolies pulmonaires, une complication de l'état inflammatoire majeur. L'augmentation des D-dimères, du fibrinogène, etc., pourrait s'intégrer dans un tableau de coagulation intravasculaire disséminée latente, qui fait d'ailleurs l'objet d'un travail d'enquête spécifique. Ces AVC représentent aujourd'hui une part non négligeable des accidents vasculaires hospitalisés dans le service de l'hôpital de Saint-Denis, alors que les autres accidents neuro-vasculaires sont en baisse (voir ci-dessous).
Une confusion mentale est aussi fréquemment observée chez les patients qui ne sont pas en réanimation. Il s'agit souvent d'un état de conscience modifiée avec une anosodiaphorie, définie par une indifférence à la maladie. Le patient apparaît notamment indifférent à la dyspnée, même sévère.
À côté de cette distorsion de la conscience, on peut constater une vraie confusion, sans cause sous-jacente évidente comme une hyponatrémie ou une démence, des troubles de l'orientation temporospatiale et des troubles de l'attention, ainsi qu'une apathie.
Les céphalées sont aussi souvent présentes, pas toujours associées au syndrome grippal, puisqu'elles peuvent être isolées et attribuables à la maladie virale. La ponction lombaire, quand elle est effectuée, reste normale et ne contient pas d'ARN viral.

Des atteintes plus rares
Parmi les manifestations plus rares, deux cas de méningite lymphocytaire banale ont été rapportés, probablement réactionnels (PCR négative), trois cas d'encéphalite, des ataxies (évocatrices d'atteintes cérébelleuses), et quelques cas d'épilepsie (dont une récidive), un syndrome de Lance et Adams post-anoxique (myoclonies diffuses).
"Nous n'en sommes qu'à une phase de collecte d'informations descriptives, et un gros travail s'annonce pour décrypter toutes ces manifestations", souligne le Dr de Broucker.

Une baisse inquiétante des AVC et des AIT  
La communauté médicale s'inquiète parallèlement de la baisse importante du nombre de patients pris en charge pour un AVC ou un accident ischémique transitoire depuis le début de l'épidémie. Un constat fait par tous les services d'urgences neurovasculaires, et qui concerne aussi les syndromes coronaires aigus. "Au cours des premières semaines de l'épidémie, les services de neurologie vasculaire se sont littéralement vidés", rapporte le Dr Philippa Lavallée, neurologue à l'hôpital Bichat à Paris. Un avis que partage le Dr de Broucker, qui parle d'un "trou de fréquentation" au début de l'épidémie.
Cette baisse, qui serait de 20 à 30 % à l'hôpital Bichat, mais pourrait atteindre 50 % dans d'autres centres, reste mal expliquée. Moindre pollution, moindre stress sont des hypothèses avancées, mais qui ne semblent pas pouvoir expliquer une chute aussi importante de ces pathologies, qui ne doivent pas déroger à une prise en charge en urgence.
Pour le Dr Lavallée, "la peur du virus, la peur de déranger et la limitation de l'accès aux soins seraient les principaux facteurs à l'origine de ce phénomène, qui s'observe en France, mais aussi dans d'autres pays comme les États-Unis ou le Canada. Les patients n'ont pas voulu ou n'ont pas pu contacter les secours. La peur a été sous-estimée et le
« retour de bâton » risque d'être difficile, même si l'on observe une tendance à la hausse depuis la semaine dernière. Oui, la COVID-19 peut être dangereuse, mais les AVC et les infarctus du myocarde sont des urgences".

Le rappel des neurologues et des cardiologues
Un message que la Société française de cardiologie (SFC) et la Société française neurovasculaire (SFNV) ont rappelé dans un communiqué du 6 avril dernier : le traitement des urgences cardiovasculaires et des urgences neurovasculaires reste une priorité en période épidémique.  
Les deux sociétés savantes soulignent que certaines pathologies graves, dont les affections cardio- et neurovasculaires, peuvent engager le pronostic vital et fonctionnel des patients si elles ne sont pas prises en charge en urgence en milieu hospitalier. C'est le cas de l'infarctus du myocarde, de l'accident vasculaire cérébral et de l'accident ischémique transitoire, des arythmies cardiaques, et de l'insuffisance cardiaque décompensée, quelle qu'en soit la cause.
Aussi, une décompensation brutale d'une affection cardio- ou neurovasculaire chronique doit conduire à une téléconsultation et/ou une consultation urgente, d'autant plus que l'infection COVID-19 est un facteur aggravant. Dans ces situations d'urgence, l'accès aux plateaux techniques et aux soins intensifs ne peut pas être différé et des lits restent disponibles.
Les traitements médicamenteux et interventionnels (revascularisation coronaire en particulier) sont indiqués, qu'il y ait ou non une infection COVID-19. Il en est de même des traitements des infarctus cérébraux, tels que la thrombolyse intraveineuse ou la thrombectomie mécanique pour les infarctus cérébraux, interventions qui ne sont pas contre-indiquées en cas d'infection à SARS-CoV-2, et dont l'efficacité est étroitement dépendante de la rapidité de mise en place.
Les structures hospitalières privées et publiques se sont organisées pour donner un avis en téléconsultation en journée, accueillir les patients en urgence si besoin ou via les services d'urgence (Samu, Pompiers). Les filières spécifiques de prise en charge restent opérationnelles dans les établissements de santé, malgré la crise sanitaire actuelle.

©vidal.fr

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Sources

Commentaires

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Anne-Clémence Il y a 3 ans 0 commentaire associé
Cet article nous donne une meilleure idée des signes et symptome à noter lorsque nous faisons des rappel téléphonique aux personnes vivant à domicile.
Popeye Il y a 3 ans 0 commentaire associé
au mieux 2h depuis le début des symptômes pour qu' un patient appel +2h de délai de "télé consultation" + 2h aux urgence (cf EMIP) soit dans le meilleurs des cas 6h donc trop tard pour l'AVC et peut être pas pour l'infarctus si on est transféré directement en salle de coro ou thrombolysé dès le domicile du patient mais cela si le SAMU va au domicile pour cela et peu le faire ce qui dans le contexte actuel est illusoire ! Donc trop tard dans tous les cas l'avantage pour l'infarctus c'est que l'on décède plus vite qu'avec le Covid 19
Queuche Il y a 3 ans 0 commentaire associé
A-t-on déjà observé avec le SARS-CoV-2 des poussées de sclérose en plaques comme avec le SARS-CoV ?
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