#Santé publique #COVID-19

Effets indésirables des médicaments utilisés dans la COVID-19 : les données chiffrées au 22 avril 2020

Deux enquêtes de pharmacovigilance sont actuellement en cours, en France, pour surveiller spécifiquement le profil de sécurité des médicaments utilisés hors AMM chez les patients COVID-19. 
Les dernières données arrêtées au 22 avril 2020 issues de ces enquêtes montrent que 321 cas d'effets indésirables en lien avec la maladie COVID-19
 ont été déclarés, dont :
  • 67 % (215 cas) imputés aux médicaments utilisés dans le traitement de cette infection ;
  • 8 cas graves/10 ;
  • 2/3 d'hommes. 

Comme dans les précédents rapports, l'hydroxychloroquine concentre une majorité des cas d'effets indésirables déclarés (53 %), suivie de l'association lopinavir/ritonavir (42 % des cas). 

Concernant plus spécifiquement les effets indésirables cardiaques analysés par le CRPV (centre régional de pharmacovigilance) de Nice Alpes-Côtes d'Azur, plus de 80 % sont relatifs à l‘hydroxychloroquine, seule ou associée à l’azithromycine. Une majorité de ces cas (73 %) correspondent à des allongements de l’intervalle QTc (électrocardiogramme).

Prenant en compte l'absence de données d'efficacité et le nombre de signalements d'effets indésirables attribués aux médicaments utilisés pour traiter les patients COVID-19, le rapport bénéfice/risque de ces traitements et de l’hydroxychloroquine en particulier, hors essais cliniques, est toujours considéré défavorable.
David Paitraud 28 avril 2020 Image d'une montre6 minutes icon 14 commentaires
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Répartition des cas d'effets indésirables en lien avec les médicaments pris dans un contexte de COVID-19 et recueillis sur le territoire national en fonction de la date de notification initiale (illustration @CRPV).

Répartition des cas d'effets indésirables en lien avec les médicaments pris dans un contexte de COVID-19 et recueillis sur le territoire national en fonction de la date de notification initiale (illustration @CRPV).


Les CRPV (Centres régionaux de pharmacovigilance) de Franche-Comté et de Bourgogne sont en charge d'analyser l'ensemble des données de pharmacovigilance en lien avec les médicaments pris dans un contexte de COVID-19, et recueillies sur le territoire national.

Le dernier rapport hebdomadaire (données arrêtées au 22 avril 2020) fait état de 321 déclarations, soit 101 cas supplémentaires par rapport au bilan précédent. Ces cas sont répartis en 3 catégories (cf. Tableau I) : 
  • 215 cas d'effets indésirables sous médicament utilisé pour traiter l'infection par le SARS-CoV-2,
  • 51 cas correspondant à une aggravation de l'infection COVID-19,
  • 55 cas correspondant à des cas autres chez des patients COVID-19 positifs ou suspects. 

Tableau I - Répartition des déclarations relatives aux médicaments pris dans un contexte d'infection COVID-19
  Nb total de cas  Dont Nb de cas graves (%)  Dont Nb de décès 
Nombre de cas inclus  321 (+101) 256 (80 %)  13 (+2)
Nombre de cas d'aggravation de l'infection COVID19  51 (+6) 50 (98 %)  5 (+1)
Nombre de cas d'effet indésirable sous médicament utilisé le traitement du COVID19  215 (+66) 167 (78 %)  4 (=)
Nombre de cas autres chez des patients COVID + ou suspect de COVID19  55 (+29) 39 (71 %)  4 (+1)

Une situation grave dans 8 cas sur 10, et une prédominance masculine 
Selon les données disponibles, 80 % de ces effets indésirables déclarés sont graves, dont :
  • 4 % de décès,
  • 76 % d'autres effets indésirables graves.

Autre constat révélé par ces données de pharmacovigilance, ces effets indésirables sont à prédominance masculine : 66 % des déclarations concernent des hommes (sexe ratio H/F = 2).

Enfin, l'âge moyen des patients est de 63 ans : 
  • 47,4 % des déclarations faites chez des personnes de 65 ans ou plus, 
  • 32,2 % chez des personnes de 50 à 64 ans,
  • 20,2 % chez des personnes de 18 à 49 ans. 

Effets indésirables associés au traitement de la COVID-19 : l'hydroxychloroquine reste majoritaire 
Si l'on regarde la répartition des effets indésirables rapportés par substance, l'hydroxychloroquine comptabilise le plus grand nombre des déclarations (53 %) : 
  • hydroxychloroquine seule : 23 %,
  • hydroxychloroquine plus azithromycine : 31 %.

L'analyse au 22 avril 2020 fait apparaître 34 cas supplémentaires associés à l'hydroxychloroquine par rapport aux données précédentes (115 cas au total). 
La majorité (70 %) des effets indésirables sont d'ordre cardiaques (cf. Encadré 1). 
Les effets indésirables d'ordre hépatique, digestif et cutané représentent respectivement 8 %, 6 % et 4 %.

Encadré 1 - Liste des effets indésirables rapportés avec l'hydroxychloroquine
  • 80 cas d'atteinte cardiaque dont :
    • 47 en association avec azithromycine,
    • 8 avec la spiramycine ,
    • 1 en association avec le lopinavir/ritonavir,
    • 1 en association avec darunavir et le ritonavir ;
  • 9 cas d'atteinte hépatique (3 cholestatique, 3 cytolytique, 2 mixte, 1 non « typable ») en association avec azithromycine dans 6 cas ;
  • 5 cas d'atteinte cutanée ;
  • 4 cas d'atteinte oculaire (dont 1 grave) ;
  • 7 cas d'atteinte digestive dont 5 en association avec l'azithromycine (diarrhée, nausées, vomissements) ;
  • 4 cas d'atteinte hématologique, toutes en association avec l'azithromycine (1 agranulocytose, 2 neutropénie, 1 anémie) ;
  • 4 cas d'atteinte neurologique (nouveaux), tous en association avec l'azithromycine : 1 crise tonicoclonique (patiente épileptique, contexte d'arrêt de la carbamazépine), 1 céphalée, 1 vertige, 1 confusion (contexte d'arrêt zolpidem et lorazépam) ;
  • 1 cas d'atteinte psychiatrique (avec azithromycine) ;
  • 1 cas oppression thoracique (avec atteinte digestive) ;
  • 1 cas d'embolie pulmonaire (7 médicaments suspectés) ;
  • 1 cas de surdosage sans effet (étude DISCOVERY).

Selon le dernier rapport du CRPV de Nice Alpes-Côtes d'Azur relatif au suivi des effets indésirables cardiaques (cf. Encadré 2), ces derniers sont associés dans plus de 80 % des cas à l'hydroxychloroquine (seule ou associée à l'azithromycine).

Encadré 2 - Répartition des effets indésirables cardiaques (dont 80 % avec l'hydroxychloroquine) - CRPV Nice 22 avril 2020
  • Allongement du QT : 66 %
  • Trouble du rythme autre/QT long : 11 %
  • Trouble du rythme ventriculaire : 6 %
  • Trouble de la conduction : 6 %
  • Arrêt cardiaque : 4 %
  • Mort subite ou inexpliquée : 4 %
  • Autre : 3 %

Effets indésirables attribués à d'autres médicaments : 42 % en lien avec l'association lopinavir/ritonavir
L'association lopinavir/ritonavir est mise en cause dans 42 % des déclarations d'effets indésirables (cf. Encadré 3). 
Pour cette association antivirale, l'analyse au 22 avril 2020 fait état de 31 cas supplémentaires par rapport aux données précédentes, soit 91 cas au total.

La majorité des effets indésirables correspond à une toxicité hépatique (43) %. Les autres types d'effets indésirables rapportés avec cette association antivirale sont : 
  • digestifs (18 %),
  • cardiaques (15 %),
  • rénaux (12 %),
  • autres (12 %).

Encadré 3 - Liste des effets indésirables rapportés avec l'association lopinavir/ritonavir
  • 39 cas d'atteinte hépatique de profil majoritairement cytolytique (6 cas mention hyperbilirubinémie associée) et 2 cas hyperbilirubinémie isolée ;
  • 11 cas d'atteinte rénale dont :
    • 5 IRA* (soit 1 de plus),
    • 6 cas d'oligurie sans augmentation de la créatininémie,
    • 6 cas avec la forme buvable (dont 3 IRA), 4 avec la forme comprimé (dont 1 IRA), 1 cas non renseigné ;
  • 14 cas d'atteinte cardiaque dont 2 en association avec l'azithromycine et 1 avec l'érythromycine (13 allongement du QT et 1 bradycardie sinusale) ;
  • 16 cas d'atteinte digestive (dont 13 cas de diarrhée et 1 cas de panniculite mésentérique) ;
  • 6 cas d'atteinte endocrinienne (hypertriglycéridémie) ;
  • 4 cas de surdosage en lopinavir sans effet indésirable ;
  • 3 cas d'atteinte pancréatique biologique (hyperlipasémie) ;
  • 3 cas d'atteinte musculosquelettique (rhabdomyolyse) dont 2 en interaction avec une statine ;
  • 2 cas d'atteinte neurologique : 1 cas de dysesthésies en association avec l'interféron (étude DISCOVERY) et 1 cas de céphalées dans un contexte d'interaction avec le tacrolimus et l'évérolimus ;
  • 1 cas de sensation de malaise non grave ;
  • 1 cas d'atteinte hématologique (neutropénie).
*IRA : insuffisance rénale aiguë

Les autres déclarations d'effets indésirables (4 %) concernent la chloroquine (3 cas), le remdésivir (3 cas), le tocilizumab et le sarilumab. Cependant, pour ces médicaments, aucun nouveau cas n'a été rapporté dans le dernier rapport. 

Aggravation de l'infection à COVID-19 : une majorité de cas avec les anti-inflammatoires 
Le CRPV de Dijon comptabilise 51 déclarations associant la prise de certains médicaments à des aggravations de l'infection à COVID-19. Les anti-inflammatoires sont majoritairement en jeu dans ce phénomène d'aggravation :
  • AINS seuls ou associés : 24 cas,
  • corticoïdes seuls ou associés : 23 cas. 
Les autres médicaments ayant fait l'objet d'une déclaration d'aggravation de l'infection à COVID-19 sont les immunosuppresseurs (seuls ou associés à un anti-inflammatoire) et la sitagliptine (5 cas en tout). 

Mésusage et COVID-19 : de nouveaux médicaments notifiés
L'identification des situations de mésusage des médicaments, notamment l'utilisation hors AMM chez des patients COVID-19, est une autre mission des CRPV.

Des données sont collectées via le questionnaire MESANGE (étude mise en place par les Centres Régionaux de Pharmacovigilance de Franche-Comté et de Bourgogne et ouverte à toute la France le 30 mars 2020). 

Le dispositif MESANGE a permis d'identifier de nouvelles situations de mésusage pour les médicaments suivants : 
  • STROMECTOL (ivermectine) : 2 fois,
  • SINGULAIR (montélukast) : 2 fois en début de suspicion d'infection et 1 fois après sortie de l'hôpital pour traiter les lésions pulmonaires dues au COVID-19,
  • EFFIZINC : 1 fois,
  • association ZECLAR (azithromycine) + OROKEN (céfixime) pour suspicion COVID-19 sans autre indication par ailleurs : 1 fois,
  • association azithromycine + simvastatine (+ remontée du mésusage de l'azithromycine dans le contexte COVID sans autre indication par ailleurs) : 1 fois.

Dans tous les cas, le mésusage a pour origine une prescription : 
  • 17 fois par un médecin généraliste, 
  • 7 fois par un médecin spécialiste, 
  • 2 fois par un dentiste,
  • 2 fois non renseigné.

Dans 17 cas, l'ordonnance n'a pas été délivrée et dans 3 cas elle a été modifiée avant délivrance.

En conclusion : une sous-notification de la toxicité cardiaque révélée et un bénéfice/risque défavorable
En 25 jours, le CRPV de Nice a comptabilisé 96 cas de toxicité cardiaque attribuables à des médicaments utilisés pour traiter l'infection à COVID-19, dont 80 % pour l'hydroxychloroquine. Rapportées aux 92 notifications de toxicité cardiaque faites depuis 1967/1981, ces nouvelles données révèlent une sous-notification majeure de ces cas. 

Sur la base de l'ensemble des données de pharmacovigilance, et tenant compte de l'absence de données d'efficacité indiscutables de ces traitements dans la prise en charge de COVID-19 (au 22 avril 2020), les experts en pharmacovigilance concluent à une balance bénéfice/risque défavorable pour l'ensemble de ces médicaments, en particulier l'hydroxychloroquine, utilisés en dehors du cadre des essais cliniques.

Pour aller plus loin
Pharmacovigilance et addictovigilance dans le contexte du COVID-19 : une surveillance renforcée (ANSM, 22 avril 2020)
Suivi des effets indésirables des médicaments utilisés dans la prise en charge du COVID-19 - Chiffres clés (ANSM, 22 avril 2020)
Bilan des effets indésirables validés dans la base nationale de pharmacovigilance concernant les patients pris en charge dans le contexte d'une infection à Covid19 et des cas de mésusage - Rapport CRPV Dijon (ANSM, 25 avril 2020)
Bilan des effets indésirables validés dans la base nationale de pharmacovigilance concernant les patients pris en charge dans le contexte d'une infection à Covid19 et des cas de mésusage - Rapport CRPV Nice (ANSM, 24 avril 2020)

 

Commentaires

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1957 Il y a 3 ans 2 commentaires associés
Bonjour Quel est le taux d'effets indésirables notamment avec une incidence cardiaque, pendant l'utilisation d'hydroxychloroquine dans son AMM ? Nombre de décès ? l'hydroxychloroquine à t il déjà été utilisé hors AMM pour une autre pathologie ? Merci
Modérateur Médecine générale Il y a 3 ans 1 commentaire associé
Bonjour Ce taux n'est pas connu. L'hydroxychloroquine a été utilisée pour traiter ou prévenir le paludisme.
rchateau Il y a 2 ans 0 commentaire associé

L'hydroxychloroquine est aussi utilisee contre le lupus. C'est un médicament qui était en vente libre il y a encore quelques années.

 

HERCULE60 Il y a 3 ans 0 commentaire associé
BONJOUR DANS VOTRE ETUDE NOUS NE SAVONS MEME PAS QUAND LE MEDICAMENT EST DONNE D'autre part un médicament comme macrolyte existe depuis de nombreuses années je trouve bizarre que ce médicament soit pas donné d'office à tous les patients des le début de la maladie car il évite l'infection et de plus il diminue la charge virale et il éviterait d'avoir dans patient en réanimation il est temps que vous réagissiez bientôt l'on sera toute la vérité et il faudra rendre des comptes au famille je veux bien croire que vous soyez honnête mais il est bien évident que beaucoup d'argent est enjeux et que les anciens médicaments ne sont pas interessant pour vous déja certains docteur ont reçu soit des cadeaux soit de l'argent le temps viendra de rendre des comptes aux francais
herves Il y a 3 ans 1 commentaire associé
Pouvez vous préciser à quel stade de l'infection virale ces traitements ont été prescrits ?
Modérateur Médecine générale Il y a 3 ans 0 commentaire associé
Non, désolé.
BPriolet Il y a 3 ans 0 commentaire associé
Consternant. Comment peut-on faire des statistiques -ne serait-ce qu'un pourcentage- sur une population qui n'est pas définie. Voyons pour le sex ratio, les hommes ont déclenché deux fois plus de déclaration d'effet indésirable : parce qu'ils sont deux fois plus souvent malades ou parce qu'ils sont deux fois plus susceptibles ? Et tout à l'avenant,
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