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L’endothélite : clé de l’atteinte multiviscérale du SARS-CoV-2 ?

Après quelques mois d'évolution en Europe, la pandémie COVID-19 est beaucoup mieux connue sur les plans clinique, biologique et immunologique. Néanmoins, la physiopathologie des atteintes viscérales directes et de nombreuses complications de l'infection restent obscures. Les examens anatomiques post-mortem constituent un complément à la compréhension des formes graves et ont mis en évidence une atteinte isolée ou prédominante des cellules endothéliales vasculaires associée à des microthromboses en regard.
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Les microthromboses s'associent à l'endothélite (illustration).

Les microthromboses s'associent à l'endothélite (illustration).


Contrairement à l'impression initiale d'une expression essentiellement respiratoire de l'infection, de nombreuses atteintes viscérales sont maintenant décrites dans les formes graves de COVID-19 : pulmonaires, cardiaques, hépatiques, intestinales, neurologiques, ORL, conjonctivales et cutanées. Cette atteinte multi-organes témoigne d'une diffusion systémique du virus, même si celui-ci est rarement trouvé dans le sang circulant.

Une activation de la coagulation
Les anomalies de l'hémostase, rapportées dans les formes sévères et qui altèrent le pronostic, traduisent une activation de la coagulation (voir l'actualité VIDAL consacrée à la coagulopathie au cours de la COVID-19) : augmentation des D-dimères, allongement modéré du taux de prothrombine, thrombopénie modérée. Des anticorps antiphospholipides ont également été mis en évidence dans quelques observations. La coagulation intravasculaire disséminée est rare et essentiellement observée dans les formes graves.
Sur le plan clinique, cet état d'hypercoagulabilité se traduit par une fréquence plus élevée des thromboses veineuses (de l'ordre de 30 % dans les formes sévères, et de 10 % chez les patients hospitalisés) et aussi artérielles (de l'ordre de 5 %).
Plusieurs causes de cette activation de la coagulation ont été envisagées :
  • le syndrome inflammatoire, dont témoigne l'augmentation du fibrinogène, de la protéine C réactive et de la procalcitonine ;
  • l'orage cytokinique ;
  • l'activation plaquettaire ;
  • et une cytotoxicité endothéliale directe.

Une cytotoxicité de la cellule endothéliale
L'endothélium est le plus grand organe de notre organisme : sa surface est équivalente à six courts de tennis ! Il exerce un contrôle sur une multitude de fonctions et, parmi elles, le tonus vasculaire et la fluidité du sang (1).
Très tôt au cours des infections à SARS-CoV-2, le virus a été mis en évidence dans les cellules endothéliales de certains organes. L'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 (ACE 2 pour Angiotensin Converting Enzyme 2) et la sérine protéase TMPRSS2, exprimées par la membrane endothéliale, constituent vraisemblablement la porte d'entrée du virus.
L'activation endothéliale est mise en évidence, dans certaines observations, par une augmentation massive du facteur de Willebrand (VWF pour Von Willebrand Factor) et du facteur VIII.
Sur le plan anatomopathologique, plusieurs auteurs ont rapporté cette endothélite (endothelitis ou endothelialitis suivant les auteurs). Dans une lettre récente au Lancet, Z. Varga et al. ont décrit les observations de trois patients qui sont décédés dans un tableau d'atteinte systémique (2). Les examens post-mortem ont permis d'observer une "lymphocytic endothelitis" associée à des particules virales dans l'endothélium de nombreux organes. Cette présence des corps viraux dans l'endothélium était associée à de nombreuses cellules en apoptose.
 
Les microthromboses  ou  "microCLOTS"
La pathogénicité de microthromboses associées à cette endothélite a été mise en avant par de nombreuses équipes. De fait, des images de microthrombose ont été constatées au sein de plusieurs organes. Deux ont été particulièrement étudiés sur le plan anatomopathologique :
  • concernant le poumon, certains auteurs ont ainsi proposé la dénomination "microCLOTS" pour microvascular COVID-19 Lung vessels Obstructive Thromboinflammatory Syndrome (3). En anatomopathologie, chez cinq patients, Magro et al. ont rapporté que la lésion principale constatée dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) de la COVID-19, était une atteinte vasculaire prédominante avec dépôts de fibrine septale peu inflammatoire et que l'aspect général n'était en fait pas celui d'un SDRA (4) ;
  • de plus, ces auteurs ont étudié, chez ces cinq patients, des lésions cutanées purpuriques et observé une vasculopathie peu inflammatoire.
Dans les deux organes (poumon et peau), ils ont mis en évidence des dépôts de fractions du complément.

Des arguments anatomopathologiques supplémentaires
L'examen anatomopathologique post-mortem reste une méthode irremplaçable.
À cet égard, l'équipe anatomopathologique d'A. Fogo a étudié les reins de 26 patients chinois, décédés de formes graves. Elle a décrit, associés à une atteinte diffuse prédominant au niveau des tubes contournés proximaux, des agrégats érythrocytaires obstruant les lumières des capillaires tubulaires et glomérulaires (5).
Autre confirmation de cette atteinte endothéliale et de la formation de microthromboses, cette fois au niveau du poumon : la publication récente d'Ackerman et al. (6). Elle montre qu'il existe, dans la COVID-19, une atteinte sévère des cellules endothéliales, avec rupture des liens intercellulaires et détachement de la membrane basale, le virus en microscopie électronique étant mis en évidence à l'intérieur de la membrane cellulaire. De plus, cette équipe a montré la présence de  microthromboses dans les capillaires alvéolaires pulmonaires, aussi bien sur le versant artériel que veineux.

MicroCLOTS, endothélite et dysfonction endothéliale
Il ne fait plus de doute que des pathologies comme le diabète, l'hypertension artérielle, l'obésité, le grand âge sont des facteurs de risque des formes graves de l'infection. Or ces situations sont toutes des causes de dysfonction endothéliale. C'est peut-être par ce biais qu'elles rendraient la cellule endothéliale plus susceptible à l'infection.

Pour conclure
Voici les quelques données à peu près sûres :
  • Une infection de la cellule endothéliale, dont témoigne la présence d'ARN viral, a été constatée post-mortem par plusieurs auteurs et dans de nombreux organes.
  • De la même manière, des microthromboses ou microagrégations ont également été mises en évidence.
  • La nature même de ces observations post-mortem implique que ces lésions n'ont été observées que chez des patients atteints de formes graves de COVID-19.

Au total, une activation de la cellule endothéliale par le virus pourrait ainsi entraîner vasoconstriction, ischémie, inflammation et coagulation. La thrombose, macro ou micro, reste un élément central des formes graves de COVID-19. Elle suscite de nombreuses recherches sur l'usage des principes actifs antithrombotiques et leur dosage, voire même des fibrinolytiques (7).

©vidal.fr

Pour en savoir plus
  1. Cooke JP. The endothelium : a new target for therapy. Vasc Med 2000 ; 5 : 49-53.
  2. Varga Z. et al. Endothelial cell infection and endotheliitis in covid-19. Lancet. 2 mai. 2020. Publication avancée en ligne de 21 avril.
  3. Ciceri F et al. Microvascular COVID-19 lung vessels obstructive thromboinflammatory syndrome (MicroCLOTS): an atypical acute respiratory distress syndrome working hypothesis. Crit Care Resusc. 2020. Publication avancée en ligne le 15 avril.
  4. Magro C et al. Complement associated microvascular injury and thrombosis in the pathogenesis of severe COVID-19 infection: a report of five cases. Transl Res. 2020. Publication avancée en ligne le 15 avril.
  5. Su H et al. Renal histopathological analysis of 26 post mortem findings of patients with COVID-19 in China. Kidney Int 2020. Publication avancée en ligne le 9 avril.
  6. Ackerman M et al. Pulmonary vascular endothelialitis thrombosis and angiogenesis in Covid-19. N Engl J Med 2020. Publication avancée en ligne le 21 mai.
  7. Willyard C. Coronavirus blood-clot mystery intensifies. Nature 2020. May : 581 (7808): 250.
Sources

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