#Santé publique #COVID-19

Diabète et infections, une influence réciproque

Dès le début de l’épidémie, sur la base d’études chinoises, le diabète, notamment le diabète de type 2, a été reconnu comme un facteur de risque de forme sévère de COVID-19. L’expérience acquise ensuite en Europe, puis dans les autres régions du monde, a confirmé ce constat.
Un état des lieux sur les liens entre diabète et COVID-19 a été fait lors du VIDAL Live du 29 avril dernier, événement qui a permis aux professionnels de santé d'interroger deux experts, le Pr Bernard Bauduceau, diabétologue, et le Dr François Trémolières, infectiologue. 
Les principaux éléments de ces échanges sont proposés dans l'article ci-dessous et complétés par les premières données de l’étude française CORONADO, publiées entre temps et focalisées sur les liens réciproques entre le diabète qui, on le sait, favorise les infections, et la COVID-19 qui, comme toutes les infections, est un facteur de déséquilibre du diabète.  
Isabelle Hoppenot 29 mai 2020 02 juin 2020 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Diabète de type 2 et COVID-19 : l'équilibre glycémique est la base de la prise en charge (illustration).

Diabète de type 2 et COVID-19 : l'équilibre glycémique est la base de la prise en charge (illustration).


Comme l'a rappelé le Pr Bernard Bauduceau, les infections sont des complications classiques du diabète. Parmi les mécanismes invoqués, des modifications de l'immunité cellulaire, avec notamment une altération de la phagocytose et des mécanismes de réponse des lymphocytes, et aussi la modification de certains récepteurs, leur caractère glycosylé favorisant la fixation des germes.  
Cliniquement, cela se traduit par une augmentation des infections, qu'elles soient cutanées, en particulier mycosiques, osseuses, avec l'atteinte très spécifique du pied diabétique, ou pulmonaires (infections virales et infections pneumococciques). Sans oublier certaines infections, plus rares dans la population générale, mais qui touchent avec une plus grande fréquence les diabétiques : cellulites, endocardites et infections virales comme le zona. 

Le rôle délétère de l'âge
Le Dr François Trémolières a d'ailleurs souligné la place importante des diabétiques parmi les patients suivis par les infectiologues. Le diabète est un facteur de risque recherché chez tout patient souffrant d'une infection, a fortiori chez les patients âgés pour qui l'infection prend une dimension particulière. L'âge, du fait de la déficience immunitaire qui l'accompagne, est en effet un facteur pronostique péjoratif en cas d'infection.
Face à ce risque accru d'infection chez les patients diabétiques, la prévention par la vaccination prend toute son importance, afin d'éviter, notamment, les infections grippales et les infections à pneumocoques, ainsi que le zona, après l'âge de 65 ans.

Une morbi-mortalité accrue
Le bon contrôle de l'équilibre glycémique est également essentiel, puisque le déséquilibre du diabète favorise les infections, telles que les infections urinaires et les mycoses génitales, qui sont plus fréquentes en cas de glycosurie abondante, mais aussi les lésions osseuses, les septicémies et les pneumococcies. Donc, au-delà de son impact positif sur le risque des complications micro ou macro-angiopathiques, l'équilibre du diabète permet de limiter le risque d'infection. 
À la lumière des données actuelles, il n'est toutefois pas possible de trancher sur un éventuel surrisque de contracter une infection COVID-19 en cas de diabète.
"Mais il est clair que la présence d'un diabète, en particulier d'un diabète déséquilibré, augmente le risque de morbi-mortalité liée à la COVID-19", a rapporté le Pr Bernard Bauduceau. Globalement, au cours de cette pandémie, 10 % des patients hospitalisés sont diabétiques, 20 % ont des formes graves et 30 % doivent être hospitalisés en réanimation. Ainsi, dans les services de réanimation, on compte un grand nombre de patients diabétiques, et notamment de patients diabétiques obèses. "C'est vraiment la conjonction de ces deux éléments, diabète et obésité, qui expose à une COVID-19 d'évolution sévère."
 
Les premiers enseignements de l'étude CORONADO
La forte représentation des diabétiques parmi les patients hospitalisés pour une forme sévère de COVID-19 a permis d'inclure très rapidement des patients dans l'étude CORONADO, menée sous l'égide de la Société francophone du diabète, et dont les premiers résultats ont été publiés dans Diabetologia le 7 mai dernier. Les auteurs de cette étude ont analysé les dossiers de 1 317 diabétiques hospitalisées pour COVID-19 entre le 10 et le 31 mars 2020 afin de décrire le profil des patients ayant une forme sévère (intubation ou décès dans les 7 jours suivant l'hospitalisation).
Les premiers résultats ont montré que les patients diabétiques (de type 2 dans 89 % des cas), étaient majoritairement des hommes (65 %), âgés en moyenne de 70 ans. Près de la moitié (47 %) avaient des complications microvasculaires et 41 % des complications macrovasculaires.
Près d'un tiers des malades (31,1 %) ont été admis en réanimation dans les sept jours post-hospitalisation, 29 % ont nécessité une ventilation mécanique par intubation trachéale ou sont décédés (critère composite principal d'évaluation), 10,6 % sont décédés et 18 % ont pu quitter l'hôpital.
En analyse multivariée, seul l'IMC (indice de masse corporelle) était indépendamment associé au risque de survenue du critère composite. L'âge, la présence d'un syndrome d'apnées obstructives du sommeil et les complications micro et macrovasculaires étaient associées à un risque de décès à 7 jours.
"L'obésité est certainement un facteur essentiel, non seulement parce qu'elle entraîne un déficit de l'immunité et des difficultés respiratoires, mais aussi parce qu'elle complexifie les manœuvres de réanimation", a souligné le Pr Bauduceau, avant de rappeler que, souvent, les patients diabétiques sont également obèses. Des données rapportées au Royaume-Uni ont montré que près de 3 patients sur 4 hospitalisés en réanimation pour COVID-19 étaient obèses.
 
Et chez les patients non hospitalisés ?
Toutes ces données concernent les patients hospitalisés, mais, pour l'instant, celles portant sur les patients non hospitalisés, notamment la proportion de personnes diabétiques font défaut parmi les sujets ayant contracté l'infection.
Toutefois, de façon générale, les infections sont un facteur de déséquilibre du diabète et il est donc fortement recommandé, chez un patient dont le diabète est connu, de surveiller plus étroitement l'équilibre glycémique, en multipliant les automesures, et si besoin d'adapter le traitement. En cas d'infections sévères, on peut observer une dégradation très importante de l'équilibre du diabète.

Passage à l'insuline
Le déséquilibre du diabète par l'infection peut d'ailleurs motiver un passage à l'insuline. À noter que, dans les formes sévères hospitalisées en réanimation, l'insulinothérapie comporte souvent de très fortes doses, du fait de l'insulino-résistance liée à l'orage cytokinique. "Et ce d'autant plus que ces formes graves nécessitent souvent la prescription d'une corticothérapie, ce qui, bien sûr, aggrave le déséquilibre glycémique", a précisé le Pr Bauduceau.
L'insulinothérapie, chez un patient diabétique de type 2 ayant une forme grave d'infection, peut être transitoire. Elle nécessite d'être particulièrement surveillée avec automesure glycémique, de façon à adapter le traitement à la sévérité de l'infection et à la réalité de l'équilibre du diabète. Un patient qui a été insuliné par voie veineuse avec de fortes doses, atteignant parfois 200 ou 300 unités par 24 heures, doit absolument être surveillé à la sortie de l'hôpital, afin d'adapter le traitement, diminuer les doses, voire repasser à la thérapeutique orale. L'objectif est d'éviter la survenue ultérieure d'hypoglycémies, qui peuvent être extrêmement graves.

Une insulinothérapie peut être nécessaire en ville aussi
Une surveillance étroite des glycémies capillaires doit être également réalisée chez les patients diabétiques présentant une infection peu symptomatique ou une forme modérée. Il faut leur conseiller de poursuivre les mesures diététiques et l'activité physique, et surtout de continuer le traitement oral (metformine, sulfamides hypoglycémiants, inhibiteurs de DPP4, inhibiteurs des SGLT2 ou analogues du GLP 1). Une adaptation du traitement doit être menée en fonction de l'évolution des paramètres glycémiques avec le recours, si besoin, à une insulinothérapie sous la forme d'une insuline basale.
Une insulinothérapie de ce type peut être débutée chez un patient en ambulatoire, avec une dose standard de 10 unités d'un analogue lent de l'insuline. Il faut alors renforcer la surveillance glycémique car ce traitement peut se révéler insuffisant. 
Cette modification du traitement peut être difficile et nécessiter une hospitalisation. En effet, des épisodes de déséquilibres glycémiques sous la forme d'acidocétoses ne sont pas rares, tout comme cela s'observe au cours de la grippe.
"L'équilibre glycémique est la base de la prise en charge des patients diabétiques", a insisté le Pr Bernard Bauduceau. "Pour les patients diabétiques de type 2, il faut ajouter le contrôle du cholestérol, le contrôle de la pression artérielle et l'arrêt du tabagisme. Il faut donc absolument que nos patients diabétiques gardent le contact avec leurs soignants au cours de cette épidémie."

©vidal.fr

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