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Menace nucléaire en Ukraine : que répondre aux Français qui demandent de l'iode ?

La menace d'un événement nucléaire en Ukraine s'est traduite en France par une hausse des demandes de comprimés d'iode stable (iodure de potassium) auprès des professionnels de santé. Si ce médicament constitue une des principales mesures de protection en cas d'exposition à l'iode réactif, la situation actuelle de la France ne nécessite pas d'y avoir recours. Si elle s'avérait nécessaire, la distribution en urgence de comprimés d'iode à l'ensemble de la population serait organisée sous la responsabilité des préfets de département, dans le cadre d'un plan ORSEC iode. Les stocks de l'État permettraient une distribution de comprimés à l'ensemble de la population française.
David Paitraud 08 mars 2022 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Représentation en 3D de particules atomiques (illustration).

Représentation en 3D de particules atomiques (illustration).

 
Résumé
Dès les premiers jours de guerre en Ukraine, la menace d'un événement nucléaire s'est accompagnée d'une demande inhabituelle en comprimés d'iode auprès des médecins et dans les pharmacies françaises.


Les comprimés d'iode stable (iodure de potassium) constituent un des principaux moyens de protection contre l'iode radioactif susceptible de contaminer l'air en cas d'accident nucléaire. 
Le principe est de saturer la thyroïde en iode stable pour empêcher la fixation d'iode radioactif. 

Ce médicament est fabriqué et mis à disposition par la pharmacie centrale des armées sous le nom IODURE DE POTASSIUM PHARMACIE CENTRALE DES ARMEES 65 mg comprimé sécable.
À l'exception des campagnes réalisées auprès des populations résidant dans un périmètre de 20 km autour des centrales nucléaires, la décision de distribuer ce médicament d'iode stable en situation d'urgence est confiée aux préfets de département. 

Dans le contexte actuel, à la date du 4 mars 2022, les autorités françaises ne recommandent pas d'acquérir des comprimés
 d'iode stable par précaution. 
En outre, l'administration de ce médicament n'a pas d'utilité en dehors d'une exposition à l'iode radioactif. L'efficacité maximale de l'absorption d'iode est constatée s'il est ingéré dans les 6 à 12 heures après exposition.

Si une distribution d'iode est décidée en France, elle sera organisée au niveau départemental dans le cadre d'un plan ORSEC iode. 

La menace d'un événement nucléaire en Ukraine (accident ou attaque) suscite une inquiétude et des interrogations au sein de la population française et des professionnels de santé. Dès les premiers jours de la guerre, les médecins et les pharmaciens d'officine français ont rapporté des demandes inhabituelles de comprimés d'iode.

Le 4 mars 2022, l'ordre national des pharmaciens a relayé des éléments d'information émanant du ministère des Solidarités et de la Santé, expliquant les modalités de gestion d'une éventuelle exposition à l'iode radioactif et les consignes relatives à la distribution et à la prise d'iode stable.  

De l'iode stable pour limiter la fixation d'iode radioactif
La saturation de la thyroïde avec de l'iode stable est une des principales mesures applicables en cas d'accident nucléaire et d'exposition à l'iode radioactif. Les autres mesures sont l'évacuation de la zone contaminée et la mise à l'abri. 

La saturation de la thyroïde en iode stable limite la fixation d'iode radioactif (cancérigène) rejeté dans l'environnement. 

En revanche, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) rappelle que la prise d'iode stable ne protège pas contre les autres éléments radioactifs, dont les césium 134 ou 137 (IRSN, mars 2022). 

L'iode stable : un médicament avec une AMM
En France, les comprimés d'iode stable sont fabriqués et distribués par la Pharmacie centrale des armées, sous le nom : 
Le principe actif est l'iodure de potassium. 
Ce médicament dispose d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) en prévention de l'accumulation d'iode radioactif au niveau de la thyroïde en cas de possibilité de contamination par des radioéléments émis accidentellement par une installation nucléaire.

Ce médicament ne doit être pris que sur instruction formelle des autorités compétentes (sur décision du préfet de département ou de son représentant).

Deux conditionnements sont proposés : en boîte de 10 comprimés (CIP 3400939220659) ou en boîte de 30 comprimés (CIP 3400930166475). 
La durée de conservation est de dix ans. 

N.B.  Le laboratoire Serb dispose également d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) depuis le mois de novembre 2021 pour la spécialité IODURE DE POTASSIUM SERB 65 mg comprimé sécable. Cette spécialité n'est pas commercialisée à la date du 8 mars 2022, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).  


Administration de l'iode stable : une décision préfectorale 
Les comprimés d'IODURE DE POTASSIUM PHARMACIE DES ARMÉES contiennent 65 mg d'iodure de potassium. 

L'efficacité maximale de l'absorption d'iode est constatée s'il est ingéré dans les 6 à 12 heures après exposition.

Conformément à l'AMM, la durée du traitement peut varier d'une prise unique à une prise quotidienne réitérée pendant 7 jours maximum selon la cinétique et les caractéristiques de l'accident.
Il est cependant souhaitable « d'exclure la prise réitérée d'iodure de potassium chez la femme enceinte et allaitante, et l'enfant de moins de 12 ans » et de privilégier, pour ces populations, l'évacuation prioritaire de la zone contaminée.
Chez le nouveau-né, un dosage sanguin des hormones thyroïdiennes (TSH) doit être pratiqué 2 semaines après l'administration.


Une posologie selon l'âge
Conformément à l'AMM, la dose nécessaire pour réduire la fixation de l'iode radioactif tient compte de l'apport alimentaire en iode : 
  • dans la région où l'apport alimentaire en iode est « normal » : 1 dose supérieure ou égale à 30 mg d'iode ;
  • dans les régions où il existe une carence relative en iode alimentaire (cas de la France) : 50 à 100 mg d'iode.

Les recommandations posologiques sont définies en fonction de l'âge : 
  • enfant > 12 ans et adulte : 130 mg d'iodure de potassium par jour réitérée pendant 7 jours, soit 2 comprimés à 65 mg par jour pendant 7 jours, sauf instructions contraires des autorités compétentes ;
  • enfant de 36 mois à 12 ans : prise unique de 65 mg d'iodure de potassium, soit 1 comprimé ;
  • nourrisson de 1 à 36 mois : prise unique de 32,5 mg d'iodure de potassium, soit ½ comprimé (les comprimés sont sécables) ;
  • nouveau-nés < 1 mois : prise unique de 16 mg d'iodure de potassium, soit ¼ de comprimé.

Selon l'âge de l'enfant (afin de diminuer le goût métallique), le comprimé peut être dissout dans une boisson (biberon de lait, jus de fruit ou eau). La préparation doit être administrée immédiatement. 

Contre-indication médicale à l'iode stable, selon l'AMM 
Les contre-indications suivantes sont mentionnées dans l'AMM de IODURE DE POTASSIUM PHARMACIE CENTRALE DES ARMEES 65 mg :
  • hypersensibilité à l'iodure de potassium ou à l'un des excipients ;
  • quelques pathologies immunologiques préexistantes rarissimes (dermatites herpétiformes, vascularites hypocomplémentaires).

En dehors de ces situations, il n'y a pas de contre-indication à l'administration d'iodure de potassium, notamment aux enfants et adolescents jusqu'à 20 ans et aux femmes enceintes.

Pas de distribution organisée pour l'ensemble de la population française (à la date du 4 mars)
Selon les informations du ministère de la Santé relayées par l'ordre des pharmaciens, « l'acquisition et la prise d'iode stable en précaution par les Français, hors d'une instruction des autorités, n'est pas nécessaire », à la date du 4 mars 2022. Cette position s'appuie sur les informations rassurantes, fournies par l'autorité de sûreté nucléaire ukrainienne (SNRIU) à son homologue français, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN - cf. Encadré 1)

Encadré 1 - Synthèse des informations relatives à l'état des installations nucléaires ukrainiennes - IRSN, 8 mars 2022
  • L'Ukraine compte quinze réacteurs en exploitation. 
  • Suite aux combats près de la centrale de Zaporizhzhya dans la nuit du 3 au 4 mars 2022, aucune dégradation de la sûreté des réacteurs n'a été constatée par le SNRIU, ni aucun endommagement du circuit électrique.
  • Le réseau ukrainien de surveillance de la radioactivité dans l'environnement est opérant et n'indique pas d'élévation de la radioactivité à la suite de l'incendie de la centrale de Zaporizhzhya.
  • L'absence de rejet radioactif est confirmée par les réseaux de surveillance des pays limitrophes, qui ne montrent pas d'élévation anormale. 

Un plan ORSEC spécifique pour organiser la distribution d'iode en urgence
Si elle s'avère nécessaire, la distribution en urgence de comprimés d'iode à l'ensemble de la population sera organisée sous la responsabilité des préfets de département, dans le cadre d'un plan ORSEC iode.
La chaîne de distribution fait intervenir : 
  • les grossistes-répartiteurs : des stocks sont prépositionnés dans les agences réparties dans les départements, pour faciliter la distribution au sein de la population dans des délais très courts ;
  • des plateformes permettant de réapprovisionner les départements, si nécessaire ;
  • les communes : des points de distribution sont identifiés dans le dispositif ORSEC iode pour permettre la remise du ou des comprimés à la population. 

Des stocks d'État suffisants
Le ministère de la Santé précise par ailleurs que « si la situation le nécessitait, les stocks de l'État permettraient une distribution de comprimés à l'ensemble de la population ». Dans un avis relatif à la protection en cas d'accident nucléaire publié en 2021, le Haut Conseil de la santé publique estime le stock français à 130 millions de comprimés dosés à 65 mg.


Quid des résidents à proximité d'une centrale nucléaire ?
Une partie de la population française, résidant à proximité d'une centrale nucléaire (périmètre de 20 km), détient déjà des comprimés d'iode stable dans le cadre du plan particulier d'intervention (PPI) autour des centrales nucléaires de production d'électricité. Cette distribution est réalisée régulièrement dans le cadre de campagnes nationales, directement auprès des habitants ou via les pharmacies d'officines partenaires (cf. ministère de l'Intérieur, Campagne préventive de distribution des comprimés d'iode). En 2019,
2,2 millions de personnes et plus de 200 000 établissements (entreprises, écoles, administrations, etc.) ont reçu un kit de comprimés d'iode. À l'occasion de l'extension du périmètre de sécurité (de 10 à 20 km autour d'une centrale nucléaire), 600 000 foyers supplémentaires ont été approvisionnés par voie postale en février 2021. Selon l'IRSN, la France compte 18 centrales nucléaires sur le territoire.

Pour aller plus loin

Point de situation de l'IRSN sur les risques concernant les installations nucléaires ukrainiennes- Situation au 7 mars 2022 (IRSN, 8 mars 2022)

En situation d'urgence - Prise d'iode stable : mettre fin aux idées reçues (IRSN, actualisation mars 2022)

Dix-huit centrales nucléaires en France (IRSN, actualisation février 2022)

Demande en comprimés d'iode : quelles réponses apporter à la population ? (Ordre national des pharmaciens, 5 mars 2022)

Avis relatif à l'actualisation des recommandations concernant la protection des populations par l'iode stable en cas d'accident nucléaire (HCSP, 6 juillet 2021)


Liste des pharmacies situées dans les nouvelles aires PPI (10 - 20 km) (mise à jour 5 novembre 2020)


 

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