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Recommandations sanitaires aux voyageurs : les nouveautés de l'édition 2022

La version actualisée des recommandations sanitaires aux voyageurs a été publiée le 2 juin 2022. Les principales mises à jour concernent la chimioprophylaxie du paludisme, la prévention des piqûres de moustique et la prévention des thromboses en cas de trajet aérien.
David Paitraud 08 juin 2022 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les recommandations sanitaires aux voyageurs détaillent et argumentent les stratégies sanitaires et médicales à mettre en place en prévision d'un séjour à l'étranger (illustration).

Les recommandations sanitaires aux voyageurs détaillent et argumentent les stratégies sanitaires et médicales à mettre en place en prévision d'un séjour à l'étranger (illustration).

 
Résumé 
Comme chaque année, une version actualisée des recommandations sanitaires aux voyageurs a été publiée dans un numéro hors-série du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH).

Pour faciliter la comparaison avec la version 2021, les modifications de la version 2022 sont signalées en orange. Elles portent sur : 
  • les listes des pays dans lesquels un risque de transmission de certaines maladies est identifié : encéphalite japonaise, fièvre jaune, tuberculose, paludisme ; 
  • les mesures individuelles de prévention contre les piqûres de moustique : l'imprégnation des vêtements par la perméthrine (principal insecticide utilisé en France pour l'imprégnation) est abandonnée en population générale, en raison d'une balance bénéfice/risque désormais défavorable ;
  • la chimioprophylaxie du paludisme : la chloroquine (NIVAQUINE) n'est plus recommandée ;
  • l'utilisation de traitement anticoagulant en cas de trajet par avion, en fonction des facteurs individuels de risque de thrombose veineuse. 

L'édition 2022 des recommandations sanitaires aux voyageurs a été publiée dans un numéro hors-série du bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), le 2 juin 2022 [12].

Les actualisations apportées à cette version sont s
ignalées en orange dans le texte et les tableaux. Elles ont été approuvées par la Commission spécialisée des maladies infectieuses et maladies émergentes du Haut Conseil de la santé publique (HCSP).

Pour la première fois, les auteurs annoncent qu'une actualisation en ligne est prévue, dans la mesure du possible, avant l'édition 2023.

Maladies infectieuses : mise à jour des zones à risque
La liste des pays dans lesquels un risque de transmission d'une maladie infectieuse est identifié a été actualisée
à partir des données épidémiologiques disponibles : 
  • encéphalite japonaise : précisions des zones à risque de transmission en Australie (Queensland, Nouvelle-Galles du Sud, Australie Méridionale et Victoria) (cf. Tableau 1 pages 9 et 10) ;
  • fièvre jaune : il n'y a plus de risque de transmission, ni d'obligation de vaccination pour l'île de l'Ascension (Royaume-Uni), le Laos, la Libye, les Philippines, et le Territoire britannique de l'océan Indien. En revanche, de nombreuses nouvelles zones à risque d'exposition nécessitant la vaccination sont identifiées (cf. Tableau pages 13 à 22) ;
  • tuberculose : la liste des zones géographiques à forte incidence compte désormais l'Arabie saoudite, la Russie, l'Ukraine et la Croatie.

Vaccinations : COVID-19 et grippe saisonnière
Épidémiologie de la COVID et stratégie vaccinale : référencement des sites à consulter
Le paragraphe consacré à la COVID-19 présente : 
  • les sites officielles où trouver différents types d'information : classification des pays pour les conditions d'entrée et de sortie du territoire français, évolution épidémiologique dans le monde et en France, stratégie vaccinale et de protection ;
  • les vaccins disponibles en France (mars 2022) et les vaccins reconnus par l'Agence européenne du médicament (EMA) ou homologués par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ;
  • les modalités de traçabilité de la vaccination.

Grippe saisonnière : harmonisation avec le calendrier vaccinal
Conformément au calendrier vaccinal 2022 [3], les professionnels exposés dans le cadre professionnel aux virus porcins et aviaires sont ajoutés à la liste des populations pour lesquelles la vaccination contre la grippe saisonnière est recommandée. 

Lutte et protection antivectorielle : l'imprégnation des vêtements n'est plus recommandée en population générale
Concernant la prévention contre les arthropodes, dont les moustiques, l'imprégnation des vêtements par des insecticides
n'est plus recommandée, sauf dans des groupes de population particuliers (réfugiés, militaires), lorsqu'ils n'ont pas accès aux moustiquaires imprégnées.

Pas d'efficacité démontrée et des risques documentés
Cette recommandation est conforme aux directives de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) contre le paludisme du 13 juillet 2021. En effet, la
 revue systématique de la littérature n'a pas permis de mettre en évidence une efficacité protectrice contre le paludisme attribuable à l'utilisation de vêtements imprégnés en population générale.

En outre, l'imprégnation des vêtements expose à un risque de toxicité individuelle et environnementale désormais bien documenté par :
  • des travaux de l'Inserm [4] : rapport de 2021 relatif aux effets des pesticides sur la santé humaine ;
  • un avis de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) relatif à un produit à base de perméthrine pour imprégner des tissus [5].

Ne plus utiliser la perméthrine en imprégnation des vêtements
En France, les sprays utilisés pour l'imprégnation des vêtements sont formulés avec des insecticides du groupe des pyréthrinoïdes, essentiellement la perméthrine. 

Selon le rapport de l'Inserm, ces insecticides présentent un rapport bénéfice/risque désormais considéré comme défavorable même pour une utilisation brève en situation d'exposition forte, du fait d'une toxicité :
  • soit en exposition chronique (exposition professionnelle, avec présomption moyenne d'association avec un risque de myélome multiple, de cancer de la prostate et de leucémies) ;
  • soit en exposition ponctuelle (des femmes enceintes et des petits enfants en population générale, avec présomption forte d'association avec des troubles du développement neuropsychologique de l'enfant).

En pratique, l'usage de sprays insecticides à base de pyréthrinoïdes pour l'imprégnation de vêtements et le port de tenues préimprégnées ne sont donc plus recommandés (cf. Encadré ci-dessous).

Encadré - Récapitulatif des moyens de prévention recommandés ou d'appoint contre les piqûres de moustiques (extrait des recommandations sanitaires aux voyageurs 2022)
Moyens recommandés
  • Moustiquaire imprégnée d'insecticide pour lit, berceau ou poussette, selon l'âge et les vecteurs
  • Moustiquaire non imprégnée (si l'imprégnation n'est pas possible)
  • Moustiquaires grillagées aux fenêtres et aux portes
  • Répulsifs cutanés sur les parties du corps non couvertes, en complément du port de vêtements amples, couvrants et légers

Moyens d'appoint
  • Diffuseur électrique d'insecticide (à l'intérieur)
  • Raquettes électriques
  • Pulvérisation intra-domiciliaire de « bombes » insecticides (disponibles dans le commerce)
  • Climatisation
  • Ventilation
  • Serpentin fumigène (extérieur)

Paludisme : la chloroquine n'est plus recommandée
Comme chaque année, un chapitre complet (chapitre 3) est consacré au paludisme dans le monde et en France.
S'appuyant sur les données OMS, les auteurs soulignent la situation mondiale dégradée marquée par une mortalité en hausse après la crise sanitaire du COVID-19 (cf. Récapitulatif de la situation mondiale et des recommandations : tableau 9, pages 48 à 61).

Une concentration sur une petite partie du globe 
L'analyse épidémiologique plus précise indique une concentration du paludisme dans les pays africains, dont 29 rapportent 95 % des cas. À l'inverse, le nombre de pays où le paludisme représente moins de 10 000 cas est passé de 26 en 2000 à 47 en 2020. 

Le retard de diagnostic : principal facteur d'évolution négative
En France, un des principaux facteurs de risque pour les accès graves et les décès associés au paludisme est le retard au diagnostic, souvent lié à une prise en charge inadaptée des patients lors d'une première consultation.

Face à ce constat, les auteurs émettent les recommandations suivantes : 
  • pour les professionnels de santé :
    • évoquer systématiquement un paludisme en cas de fièvre survenant dans les deux mois suivant le retour de zone endémique et adresser sans délai ces patients vers les services hospitaliers compétents (maladies infectieuses et tropicales, médecine interne, services d'accueil des urgences) pour une prise en charge diagnostique et thérapeutique rapide et adaptée ;
    • rechercher un paludisme au retour de zone d'endémie éventuellement en parallèle d'une recherche d'infection SARS-CoV-2 et même en cas de COVID-19 confirmé (co-infection) ;
    • évoquer un accès palustre en cas de thrombopénie d'étiologie inconnue au retour de zone d'endémie (lecture attentive du frottis au niveau érythrocytaire) et prendre contact avec le clinicien en charge du patient pour discuter de cette éventualité ;
  • pour les voyageurs : consulter sans délai leur médecin généraliste ou les services hospitaliers compétents en cas de fièvre survenant dans les deux mois suivant le retour de zone endémique.

Prophylaxie du paludisme : exit la chloroquine
Concernant la stratégie de chimio-prophylaxie du paludisme, la chloroquine (NIVAQUINE) n'est plus recommandée en raison de son profil de sécurité (génotoxicité imposant une contraception prolongée) et du fait de la présence d'alternatives thérapeutiques efficaces (cf.
Médicaments utilisables pour la chimioprophylaxie du paludisme chez l'enfant et l'adulte : tableau 8 page 44).

À ce titre, le médicament NIVAQUINE ne sera prochainement plus commercialisé en France :

Autres éléments d'actualisation : soleil, trajets en avion
Pas de bronzage sain !
Dans le paragraphe consacré à la protection solaire (6.3), les auteurs mettent en garde contre la notion de « bronzage sain » mise en avant par certaines marques cosmétiques et dans certains supports de communication. Ils précisent qu'une « peau bronzée est un signe de dommages causés par le soleil et il n'existe pas de bronzage sain »

Trajet en avion : des anticoagulants dans certaines situations à risque
Des recommandations sont émises pour l'utilisation d'anticoagulants en cas de trajet par avion, en prévention des thromboses veineuses profondes (paragraphe 9.1.2).
Pour les auteurs, il s'agit de mesures complémentaires aux mesures préventives (hydratation, mobilité, compression médicale) à envisager de façon individuelle :
  • présence de risque de maladie thromboembolique veineuse (MTE) ;
  • durée de vol (supérieure ou égale à quatre heures). 

Le niveau de risque est considéré élevé pour les voyageurs :
  • avec antécédent de MTE ;
  • en cas de chirurgie à risque ou de traumatisme récent ;
  • avec cancer actif ;
  • ou en présence de deux facteurs de risque. 

Le traitement prophylactique par anticoagulant repose sur l'utilisation d'héparines de bas poids moléculaire ou de fondaparinux (inhibiteur du facteur X).

La prise d'aspirine n'est pas recommandée dans cette indication.

La place des anticoagulants oraux directs (AOD), rivaroxaban ou apixaban, n'est pas définie.

Pour aller plus loin
[1] Communiqué - Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2 juin 2022, n°Hors-série Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2022 (à l'attention des professionnels de santé)
[2] Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2022 (à l'attention des professionnels de santé) - BEH Hors-série, 2 juin 2022

[3] Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2022 (ministère de la Santé)
[4] Pesticides et santé - Nouvelles données (Inserm, actualisé en novembre 2021)
[5] Questions on unresolved objections during the mutual recognition procedure of the PT 18 biocidal product Konservan P 40 containing permethrin
 (ECHA, 17 juin 2021)
 
Sources

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