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Maladie de Willebrand : du diagnostic au suivi du patient

Le diagnostic de Maladie de Willebrand (MW) est évoqué face à l’association de signes hémorragiques, qui doivent interpeller le clinicien, et d’anomalies biologiques, qui font adresser le patient à un centre spécialisé.

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Une seule diminution du taux de VWF ne suffit pas à porter le diagnostic.

Une seule diminution du taux de VWF ne suffit pas à porter le diagnostic.

Résumé

La Maladie de Willebrand est très hétérogène, tant sur le plan clinique que biologique et moléculaire.

Un diagnostic précis est impératif. Les patients doivent être orientés vers un des centres de ressources et de compétences des maladies hémorragiques constitutionnelles (CRC-MHC) répartis sur le territoire national, filière de santé maladies rares Maladies hémorragiques constitutionnelles (MHEMO).  

Le médecin traitant joue un rôle majeur dans le suivi des patients, en particulier pour faciliter leur parcours de soins en cas de geste invasif susceptible d’induire une hémorragie nécessitant un traitement spécifique.

Le Dr Camille Paris (centre de référence de la Maladie de Willebrand, CHU de Lille) a accepté de répondre à nos questions sur le diagnostic et le suivi de la Maladie de Willebrand, anomalie constitutionnelle de l’hémostase transmise le plus souvent sur un mode autosomique dominant.

VIDAL. Qu’est-ce que la Maladie de Willebrand ?

Dr Camille Paris. La Maladie de Willebrand (MW) [1] est une pathologie hémorragique découlant d’un défaut génétique de la concentration, de la structure ou de la fonction du facteur Willebrand (VWF). Ce dernier est un acteur essentiel de l’hémostase primaire.

Il agit principalement par deux mécanismes, en formant un pont entre le collagène du vaisseau lésé et les plaquettes, donc à la toute première étape de l’hémostase, et en intervenant dans le processus de coagulation via son rôle de « bus moléculaire » pour le transport et la protection du facteur VIII vis-à-vis de la protéolyse plasmatique, ce qui augmente sa demi-vie. 

Quels sont les types de Maladie de Willebrand ?

La Maladie de Willebrand est très hétérogène dans sa présentation clinique, biologique et moléculaire. La détermination du type exact de MW est importante pour une prise en charge optimale du patient, et relève de centres experts qui disposent d’outils biologiques et moléculaires spécifiques.

Il existe schématiquement trois types de MW :

  • Le type 1, le plus fréquent (de 50 à 75 % des cas), qui est en lien avec un déficit quantitatif partiel en VWF. Les formes asymptomatiques, qui, par définition, ne sont donc pas des MW puisqu’il n’y a pas de signes hémorragiques, sont relativement fréquentes. En revanche, la prévalence des formes symptomatiques, qui peuvent être qualifiées de MW, est peu élevée, estimée entre 30 et 125 cas sur 1 million.
  • Le type 2 correspond à un déficit qualitatif du VWF, qui peut porter sur sa composition multimérique, son affinité pour les plaquettes, pour le collagène ou sa liaison au facteur VIII.
  • Le type 3 découle d’un déficit quantitatif complet en VWF. Cette forme, la plus sévère, est très rare (prévalence de 1 cas sur 1 million).

Quelles sont les circonstances de découverte ?

Il s’agit le plus souvent d’une symptomatologie hémorragique isolée, essentiellement cutanéo-muqueuse : ecchymoses, épistaxis, gingivorragies, saignements prolongés de plaies mineures, ménométrorragies, parfois au moment des premières règles.

Le diagnostic doit aussi être évoqué face à des hémorragies gastro-intestinales et des complications hémorragiques postopératoires, gynéco-obstétricales, ou après extraction dentaire.

À l’exception du type 3, il y a moins de complications à type d’hématomes, d’hémarthroses et d’hémorragies intracrâniennes que dans l’hémophilie.

Ces manifestations hémorragiques faisant évoquer une MW doivent faire rechercher des antécédents familiaux d’hémorragies, évaluer les traitements en cours (antiplaquettaires, anticoagulants) et réaliser un bilan d’hémostase.

Quel bilan demander ?

Le bilan standard d’hémostase (temps de prothrombine [TP], temps de céphaline activée [TCA], temps de céphaline kaolin [TCK]) peut être normal ; ce qui n’exclut pas le diagnostic.

Des dosages spécifiques doivent être réalisés : VWF (antigène et activité), facteur VIII, ainsi qu’une numération plaquettaire, car une thrombopénie est possible.

Il ne faut pas oublier de rechercher un syndrome inflammatoire (CRP ou fibrinogène), qui peut majorer le taux de VWF et donc fausser l’interprétation des résultats. Ceci est également le cas chez la femme enceinte.

Toute anomalie de ces tests doit faire adresser le patient à un médecin spécialiste de l’hémostase :

  • des centres de ressources et de compétences des maladies hémorragiques constitutionnelles (CRC-MHC) [2
  • et/ou du centre de référence de la Maladie de Willebrand (CRMW) [3

Ces centres font partie de la filière de santé maladies rares (FSMR) Maladies hémorragiques constitutionnelles (MHEMO) [4].

Inutile de multiplier les dosages en cas de bilan normal :  tout syndrome hémorragique inexpliqué doit être adressé à un spécialiste. 

Une fois le diagnostic établi, quel est le rôle du médecin traitant ?

Le médecin traitant doit s’assurer que le patient est toujours régulièrement suivi par un CRC-MHC et qu’il possède une carte de soins et d’urgence [5] remise par le médecin du CRC-MHC. 

Il renouvelle les ordonnances de traitement adjuvant antifibrinolytique (acide tranexamique), d’hémostatiques d’appoint (COALGAN, ALGOSTÉRIL, pommade cicatrisante HEC, pommade type HÉMOCLAR ou contenant de l’ARNICA).

Il prescrit des traitements hormonaux pour prévenir les ménorragies.

Il doit aussi dépister et traiter, le cas échéant, la carence en fer.

Quelles sont les précautions à prendre ?

De façon essentielle, le médecin traitant doit s’assurer qu’aucun geste invasif ne soit réalisé sans prendre en compte le risque hémorragique, y compris une infiltration ou une extraction dentaire (seul le détartrage peut être réalisé sans mesures spécifiques).

Il doit veiller à ce que le patient (quel que soit le geste invasif prévu) soit adressé d’emblée à un centre disposant des ressources nécessaires en cas d’hémorragie (concentrés de VWF et plateau technique permettant un monitoring quotidien par des dosages biologiques spécialisés), ce qui peut être le cas par exemple lors d’une exploration digestive. Le médecin traitant doit aussi s'assurer que le spécialiste soit averti afin d’éviter aux patients de perdre du temps lors du parcours de soins.

Il ne faut donc pas hésiter à contacter le CRC-MHC, qui dispose d’un réseau de correspondants exerçant dans des centres disposant des traitements spécifiques de la MW. 

Le médecin traitant intervient également dans la mise en place du protocole d’accueil individualisé établi par le médecin du CRC-MHC, dans les formes qui le nécessitent, et dans le renouvellement du protocole de soins pour l’ALD 30. 

Quels sont les médicaments contre-indiqués ?

L’administration d’antiplaquettaires est contre-indiquée, sauf situations très spécifiques, telles que certaines pathologies cardiovasculaires, où le rapport bénéfice/risque du traitement est évalué par le spécialiste en lien avec le cardiologue.

Le recours aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, y compris en topique du fait de leur passage systémique non négligeable, doit être limité (car ils sont susceptibles d’aggraver les symptômes hémorragiques), et associé à un protecteur gastrique.  

Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, qui peuvent induire une thrombopathie iatrogène, sont également à éviter, et sinon à utiliser sous surveillance très étroite. 

Quelle est la place de l’éducation thérapeutique 

L'éducation thérapeutique du patient (ETP) [6] est essentielle, en particulier dans les formes les plus sévères, compte tenu des mesures de prévention qui doivent être prises, dans des situations comme la grossesse ou lors de tout geste invasif. Elle est assurée par les équipes des CRC-MHC, en lien avec l’Association française des hémophiles (AFH) [7], et elle est relayée par le médecin traitant qui s’assure de la bonne compréhension des mesures et de leur respect au quotidien.

 

D'après un entretien avec le Dr Camille Paris, centre de référence de la Maladie de Willebrand, CHU de Lille.

 

Sources

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