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Progestatifs et méningiome : un niveau de risque différent selon les molécules

Selon une étude du GIS EPI-PHARE, le risque de méningiome intracrânien augmente en cas d'exposition à la médrogestone, la médroxyprogestérone et la promégestone. Mais les données sont rassurantes avec les DIU au lévonorgestrel et avec la progestérone et la dydrogestérone.

David Paitraud 29 juin 2023 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Prescrire à la dose minimale efficace pour une durée la plus courte possible.

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Résumé

Une nouvelle étude pharmaco-épidémiologique du GIS EPI-PHARE, réalisée à partir des données françaises, a évalué le risque de méningiome intracrânien associé à divers progestatifs.

Selon cette analyse, le risque de méningiome augmente chez les femmes traitées de façon prolongée par médrogestone (COLPRONE), acétate de médroxyprogestérone (DEPO-PROVERA) et promégestone (SURGESTONE, qui n'est plus commercialisé). 

En revanche, l'utilisation des dispositifs intra-utérins (DIU) au lévonorgestrel 13,5 mg et 52 mg, de la progestérone par voie orale/intra-vaginale et cutanée (UTROGESTAN et génériques) et de la dydrogestérone (DUPHASTON, CLIMASTON) n'est pas associée à un surrisque de méningiome. 

Concernant le diénogest, des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer ou infirmer le lien entre l'exposition à ce médicament et un surrisque de méningiome. 

Cette étude s'inscrit dans le cadre de la surveillance des progestatifs ; les conclusions seront utilisées pour ajuster les mesures de minimisation du risque à mettre en place chez les femmes concernées, comme c'est déjà le cas pour les acétates de nomégestrol (LUTENYL), de chlormadinone (LUTERAN) et de cyprotérone (ANDROCUR).

Pour rappel, des mesures préliminaires applicables aux spécialités de diénogest, de dydrogestérone, de médrogestone et de progestérone, ont été décidées en mars 2023. 

Le Groupement d'intérêt scientifique GIS EPI-PHARE a publié les conclusions d'une étude [1, 2] annoncée en mars 2023 (cf. notre article du 14 mars 2023), dont l'objectif était d'évaluer le risque de méningiome intracrânien associé à d'autres progestatifs que ceux déjà étudiés (chlormadinone, nomégestrol et cyprotérone), en tenant compte de la voie d'administration (orale, percutanée, intravaginale, intramusculaire ou en dispositif intra-utérin).

Plus précisément, cette nouvelle étude porte sur (cfTableau 1, extrait du rapport EPI-PHARE [2], page 32) :

  • la progestérone par voie orale/intravaginale (UTROGESTAN et génériques) et cutanée (PROGESTOGEL)
  • la dydrogestérone par voie orale (CLIMASTON en association avec l'estradiol, DUPHASTON)
  • la médrogestone par voie orale (COLPRONE)
  • l'acétate de médroxyprogestérone par voie injectable intramusculaire (DEPO-PROVERA)
  • la promégestone par voie orale (SURGESTONE, qui n'est plus commercialisé en France depuis 2020)
  • le lévonorgestrel en dispositif intra-utérin (DIU) (MIRENA 52 mg et JAYDESS 13,5 mg). L'étude n'a pas pris en compte DONASERT 52 mg et KYLEENA 19,5 mg, en raison de leur commercialisation trop récente.

Tableau - Principales indications des progestatifs concernés par l'étude selon les résumés des caractéristiques des produits (extrait de [2] page 32)

Comme d'habitude, l'étude pharmaco-épidémiologique du GIS EPI-PHARE a été réalisée à partir des données du Système national des données de santé (SNDS). Au total, elle a porté sur 18 061 femmes opérées d’un méningiome intracrânien et plus de 90 000 femmes « témoins », sur une période de 9 ans allant de 2009 à 2018 pour les progestatifs et une période plus restreinte pour les DIU (7 ans pour les DIU à 52 mg de lévonorgestrel, et 1 an pour le DIU à 13,5 mg).

Les appariements (1 cas de méningiome apparié avec 5 femmes témoins) ont été effectués aléatoirement, sur l'année de naissance et le département de résidence. Les auteurs ont également écarté toute exposition antérieure et/ou simultanée à l'acétate de cyprotérone, de chlormadinone et/ou de nomégestrol pour éviter un biais de confusion. 

Ce que cette nouvelle étude suggère

Un surrisque associé pour trois des progestatifs étudiés

À l'issue de cette étude, les auteurs concluent que l’utilisation prolongée de trois progestatifs supplémentaires est associée à un risque accru de méningiome : 

  • promégestone (qui n'est plus commercialisé en France) : odd ratio (OR) de 2,39 [intervalle de confiance à 95% de 1,85-3,09] ;
  • médrogestone : OR de 3,49 [2,38-5,10] ;
  • acétate de médroxyprogestérone : OR de 5,55 [2,27-13,56]. 

Comme pour le nomégestrol, la chlormadinone ou la cyprotérone, le risque de méningiome est durée-dépendant : il augmente lorsque la durée d’utilisation de ces médicaments à la posologie autorisée par l’autorisation de mise sur le marché dépasse 1 an (cfTableau 2, extrait de [1]).

Tableau 2 - Risque relatif de chirurgie du méningiome avec une utilisation de progestatifs plus d'un an (extrait de [1])

Pas de surrisque pour les DIU au lévonogrestrel, ni pour la progestérone et la dydrogestérone

En revanche, selon cette même étude, l'utilisation des progestatifs suivants n'apparaît pas associée significativement à un surrisque de chirurgie de méningiome intracrânien :

  • les DIU au lévonorgestrel 13,5 et 52 mg, utilisés comme contraceptifs : respectivement OR de 1,39 [0,70-2,77] et OR de 0,94 [0,86-1,04],
  • la progestérone (voie orale/intra-vaginale et percutanée) et la dydrogestérone : respectivement OR de 0,88 [0,78-0,99], OR de 1,11 [0,89-1,40] et OR de 0,96 [0,81-1,14].

Diénogest et méningiome : des études complémentaires sont nécessaires

Initialement, l'étude EPI-PHARE prévoyait d'inclure le diénogest (VISANNE et génériques). Cependant, « du fait de l’absence de remboursement du VISANNE pendant la période d’étude, nous n’avons pas, dans le SNDS, de données sur son utilisation », commentent les auteurs. Par conséquent, aucune conclusion sur la relation entre le diénogest et le risque de méningiome n'a été formulée. Des études complémentaires sur le diénogest 2 mg, dont les génériques sont remboursables depuis 2020 (DIMETRUM, ENDOVELA et SAWIS), sont à envisager.

Des limites à prendre en compte

Les auteurs soulignent les limites suivantes de leur étude :

  • l'étude ne permet pas de se prononcer sur le rapport bénéfice-risque individuel de ces médicaments (dans les conditions d'utilisation recommandées par l'AMM), qui ne peut être évalué que par le prescripteur au regard du profil de la patiente et des alternatives disponibles ;
  • l'étude ne permet pas d'estimer l'effet de l'exposition simultanée aux estrogènes sur le risque de méningiome ; 
  • seul l'âge et le sexe sont pris en compte alors que d'autres facteurs de risque pourraient être évalués, dont la prédisposition génétique et l'exposition médicale ou environnementale à de fortes doses de rayonnements ionisants. 

Une base pour ajuster les mesures de prévention du risque de méningiome

En mars 2023, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avait émis les recommandations préliminaires suivantes pour sécuriser l'utilisation des spécialités progestatives de diénogest, de dydrogestérone, de médrogestone et de progestérone (cf. notre article du 14 mars 2023) : 

  • en cas d’antécédent de méningiome ou de méningiome existant, l’introduction d’un traitement progestatif est contre-indiquée, sauf exception à évaluer en réunion de concertation pluridisciplinaire sur la base du rapport bénéfice/risque individuel pour les personnes traitées et de la présence ou non d’alternatives thérapeutiques ;
  • avant toute nouvelle prescription ou switch entre progestatifs (notamment le relais après un traitement par cyprotérone, nomégestrol ou chlormadinone), vérifier l’ensemble des progestatifs déjà utilisés et leur durée d’utilisation au cours de la vie de la patiente ;
  • prescrire à la dose minimale efficace avec une durée d’utilisation la plus courte possible ;
  • réévaluer régulièrement le traitement (tous les ans), notamment aux alentours de la ménopause, le risque de méningiome augmentant fortement avec l’âge.

Pour faire suite à cette première étape, le comité scientifique temporaire (CST) portant sur les progestatifs a été convoqué pour ajuster si nécessaire, sur la base des résultats de cette nouvelle étude EPI-PHARE, les mesures de réduction du risque de méningiome applicables à ces progestatifs.

L'ANSM souligne que les sociétés savantes de gynécologie (CNGOF, GEMVI, CNEGM, FNCGM, SFG, CNPGO-GM, SEUD, FFER, SMR) et la Société française d’endocrinologie (SFE) ainsi que les autres parties prenantes qui ne peuvent être représentées au sein du CST ont été invitées à s’exprimer dans le cadre d’auditions lors du comité ou par une contribution écrite.

 

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