#Santé publique #Données épidémiologiques

Nette augmentation des cas de transmission de dengue en métropole

Avec l’expansion des zones d’activité du moustique tigre, les cas de dengue acquise sur le territoire français métropolitain ont été en nette augmentation en 2022, de la frontière italienne aux Hautes-Pyrénées.

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Le moustique tigre est actif dans 67 départements métropolitains.

Le moustique tigre est actif dans 67 départements métropolitains.

Résumé

Comme des données préliminaires communiquées en septembre dernier le laissaient prévoir : 2022 aura vu une nette augmentation des cas de dengue dont la transmission a eu lieu en France métropolitaine. En une année, le nombre de ces cas, dits « autochtones », a bondi de 38 % comparé au nombre total observé… au cours des onze années précédentes.

En valeur absolue, la dengue autochtone reste exceptionnelle avec 66 cas en 2022, survenus dans 9 foyers distincts, des Alpes-Maritimes aux Hautes-Pyrénées. Six de ces 9 foyers ont été identifiés dans des départements où aucun cas autochtone ne l’avait été auparavant (Sud-Ouest de la France et Corse).

Pour la première fois dans le contexte d’une transmission autochtone, le sérotype 3 du virus de la dengue a été identifié, d’emblée dans au moins 5 foyers, ce qui pose la question d’un avantage de ce sérotype en termes de transmission par les moustiques tigres métropolitains.

La dengue est causée par un flavivirus ayant quatre sérotypes distincts (DENV 1-4). Elle est transmise par les moustiques Aedes, principalement Aedes aegypti et Aedes albopictus. Dans le monde, la dengue est la plus répandue des infections virales transmises par les arthropodes.

Santé publique France vient de publier les données épidémiologiques métropolitaines de 2022 [1], tant pour les cas importés (contamination à l’étranger et dans les territoires d’outre-mer) que pour les cas autochtones (contamination sur le territoire métropolitain). Elles montrent que, si le nombre de cas importés reste stable, celui des cas autochtones a fortement augmenté en 2022, confirmant ainsi les premières estimations [2].

Face à l’expansion du moustique tigre, un dispositif de surveillance depuis 2006

En France métropolitaine, le moustique tigre (Aedes albopictus) a fait son apparition en 2004 dans les Alpes-Maritimes, à la frontière avec l’Italie. Depuis, son aire de répartition sur le territoire métropolitain n’a cessé de croître, phénomène également constaté aux niveaux européen et mondial. Au 1er janvier 2022, il était considéré comme implanté et actif dans 67 des 96 départements métropolitains [1].

L’implantation croissante du moustique tigre expose au risque de transmission autochtone du virus de la dengue, ainsi que ceux du chikungunya et du Zika, à partir de personnes infectées de retour de zones de transmission, notamment la zone intertropicale. Afin de limiter ce risque, un dispositif de surveillance de ces trois infections virales a été mis en place en 2006. Ce suivi est renforcé du 1er mai au 30 novembre, la période où ce moustique est le plus actif. Il a permis de documenter différents épisodes de transmission autochtone en France métropolitaine, les premiers datant de 2010.

Le nombre de cas de dengue importés est resté stable en 2022

En 2022, 378 cas importés de dengue, 23 de chikungunya et 6 de Zika ont été signalés en France métropolitaine. Les cas de dengue étaient principalement importés de Cuba (77 cas), d’Inde (25) et d’Indonésie (24). Ceux de chikungunya revenaient principalement d’Indonésie (9) et du Brésil (6), tandis que ceux de Zika revenaient de Thaïlande (4), du Cameroun (1) et du Sri Lanka (1).

Le nombre de cas importés de dengue pendant la période de surveillance renforcée en 2022 a été du même ordre de grandeur qu’en 2021 (164 cas), mais plus faible qu’en 2020 (834 cas) et 2019 (657), années épidémiques de dengue dans certains territoires d’outre-mer.

Une augmentation importante des cas de dengue autochtone

Mais l’année 2022 a surtout été marquée par une augmentation du nombre de foyers de dengue autochtone [1], de leur intensité et une extension des zones géographiques affectées.

En effet, 9 foyers de transmission de dengue autochtone ont été rapportés en France métropolitaine en 2022. Ils sont survenus en Occitanie (5 foyers), dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (3) et en  Corse (1). Six d’entre eux ont été identifiés dans des départements où aucun cas autochtone n’avait été signalé jusqu’à présent. Ils comprenaient entre 1 et 35 cas, le foyer de plus grande ampleur étant survenu dans les communes limitrophes de Saint-Jeannet et de Gattières (Alpes-Maritimes), avec respectivement 24 et 11 cas appartenant à une même chaîne de transmission. En Occitanie, 1 foyer totalisant 4 cas comprenait également 2 zones de circulation dans les communes d’Andrest et de Rabastens-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), distantes de moins de 10 km.

Le cas primaire de dengue importé, celui probablement à l’origine de chacun de ces foyers de transmission, n’a pu être identifié que pour 2 des 9 foyers :

  • une personne de retour de l’île de La Réunion pour le foyer d’Andrest / Rabastens-de-Bigorre ;
  • une personne de retour de République démocratique du Congo pour le foyer de la Salvetat-Saint-Gilles (Haute-Garonne).

Toutes deux avaient été diagnostiquées biologiquement, mais aucune n’avait été déclarée par un professionnel de santé.

Au total, 66 cas autochtones de dengue ont été identifiés en 2022 (contre 48 au cours des 11 années précédentes !). Il s’agissait de 37 hommes et de 29 femmes, âgés de 5 à 89 ans.

Les dates de début des signes cliniques étaient comprises entre le 12 juin et le 22 septembre. La majorité de ces épisodes (8/9) sont apparus en zone périurbaine (zone urbaine pour un épisode) où l’habitat était principalement individuel pavillonnaire. Le sérotype de la dengue a pu être obtenu pour 8 foyers : il s’agissait du sérotype 3 (DENV-3 mis en évidence pour la première fois dans des cas de transmission autochtone) pour 5 d’entre eux et du sérotype 1 (DENV-1) pour 3 autres. Les souches de 7 foyers ont pu être séquencées génétiquement : toutes étaient significativement différentes, confirmant donc des introductions distinctes.

Garder à l’esprit les symptômes de la dengue

Le virus de la dengue provoque des symptômes chez environ 25 % des personnes infectées : fièvre élevée, maux de tête intenses, courbatures, troubles digestifs et, plus tard, éruption cutanée. Le plus souvent, il n’y a pas de complications et la guérison survient spontanément en quelques jours, même si la fatigue et les courbatures peuvent persister plusieurs semaines ou mois (« syndrome post-dengue »). Le traitement est symptomatique (antalgiques, antipyrétiques). L’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont à proscrire. 

Environ 5 % des patients symptomatiques évoluent vers une dengue sévère (souvent après disparition de la fièvre), qui se manifeste par des saignements (nez, gencives, estomac, selles), des hémorragies (digestives, cutanées, cérébrales...), de violentes douleurs abdominales, des vomissements, etc. Le risque de dengue grave est plus élevé chez les nourrissons, les sujets âgés, les personnes ayant contracté la dengue une seconde fois, celles souffrant de certaines comorbiditésIl n'existe pas de traitement antiviral et, en l'absence d'une prise en charge appropriée, la mortalité due à la dengue peut atteindre 13 % [3].

L'infection entraîne une immunité spécifique contre le sérotype responsable tout au long de la vie, et une immunité croisée limitée contre les autres sérotypes qui dure jusqu'à 2 ans.

Concernant les cas autochtones identifiés en 2022, tous étaient symptomatiques, les principaux signes cliniques décrits étant la fièvre (99 %), la fatigue (79 %), des maux de tête (76 %), des courbatures (64 %) et des douleurs articulaires (62 %). Parmi les autres signes cliniques déclarés, la majorité étaient des troubles digestifs (nausées, diarrhées, vomissements), tous accompagnés de fièvre. Deux patients ont été hospitalisés ; aucune forme grave et aucun décès n’ont été signalés.

Que faire face à une suspicion de dengue ?

Face à un tableau clinique évoquant une dengue, une recherche de l’ARN viral dans le sérum peut être effectuée par RT-PCR pendant la période de virémie pouvant débuter 2 jours avant les premiers signes cliniques et se poursuivre jusqu’à 7 jours après.

La recherche des anticorps IgM et IgG peut être réalisée par sérologie à partir du 5e jour après le début des signes cliniques. Il est donc recommandé d’effectuer ces deux types de tests sur la période de 5 à 7 jours après les premiers signes.

Un test de détection de l’antigène NS1 sérique peut être fait jusqu’au 7e jour après le début de la maladie. Sa sensibilité dépend du sérotype impliqué. Elle est souvent inférieure à celle de la RT-PCR en début de virémie, mais reste d’excellente valeur prédictive positive pour les cas dont la virémie serait déjà passée sous le seuil de détection.

Conclusion

L'année 2022 a vu une nette augmentation du nombre de cas de dengue autochtone comparativement aux années précédentes. Dans l’absolu, ils restent heureusement exceptionnels. Néanmoins, au vu de l’extension des territoires colonisés par le moustique tigre et de la prolongation de sa période d’activité (sous l’effet du réchauffement climatique), il est probable que le nombre annuel de cas autochtones continuera à augmenter.

À noter également en 2022, de nouvelles zones géographiques ont été concernées avec la survenue de 6 des 9 foyers dans des départements où aucun cas autochtone n’avait été identifié auparavant (Sud-Ouest de la France et Corse).

Enfin, dans les conclusions de son article, Santé publique France remarque qu’un nombre important de foyers identifiés étaient dus, pour la première fois en métropole, au sérotype 3. Elle émet l’hypothèse que ce dernier puisse être davantage adapté au moustique tigre « métropolitain » que les trois autres, favorisant ainsi la transmission autochtone.

 

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