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Pas de dépistage systématique de l'infection à CMV pendant la grossesse : explications du HCSP

Comme en 2018, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) n'est pas favorable au dépistage systématique de l'infection à cytomégalovirus (CMV) chez la femme enceinte. Il recommande de renforcer les actions de promotion des mesures d'hygiène vis-à-vis des jeunes enfants. 

David Paitraud 15 février 2024 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Toutes les femmes enceintes et leurs conjoints sont concernés par les mesures d’hygiène.

Toutes les femmes enceintes et leurs conjoints sont concernés par les mesures d’hygiène.Timm Creative / iStock/ via Getty Images

Résumé

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a actualisé son avis sur le dépistage de l'infection à cytomégalovirus (CMV) chez la femme enceinte, afin de prévenir les séquelles potentiellement graves chez l'enfant à naître. 

Il maintient sa position émise en 2018 et ne recommande pas la mise en œuvre systématique de ce dépistage pendant la grossesse. 

Bien que les séquelles d'une infection à CMV acquise in utero soient potentiellement graves au niveau individuel, l'impact est modeste à l'échelle de la population en termes de nombre. En outre, des inconnues persistent quant à la pertinence de dépister une infection à CMV chez toutes les femmes, notamment en termes de prise en charge thérapeutique, étant donné qu'il n'a pas été identifié de traitement efficace sur le devenir des enfants nés de mère ayant fait une primo-infection à CMV.

Pour limiter l'infection à CMV in utero, le HCSP recommande de promouvoir, auprès des femmes enceintes et de leur entourage, les consignes d'hygiène permettant de prévenir le risque de contamination.  

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a actualisé son avis de 2018 relatif au dépistage systématique de l'infection à cytomégalovirus (CMV) pendant la grossesse [1, 2]. La décision d'actualiser cet avis fait suite à la parution d'un essai randomisé contre placebo qui a étudié la possibilité de traiter par le valaciclovir les femmes ayant une primo-infection à CMV précoce [3]. Dans cette version réactualisée, le groupe de travail du HCSP a pris en compte les données internationales publiées au cours des sept dernières années, entre 2017 et 2023.

Les résultats de cette étude contre placebo montrent que le valaciclovir pourrait diminuer la transmission materno-fœtale du CMV s’il est administré après une primo-infection maternelle à CMV du premier trimestre de la grossesse. Cependant, le niveau de preuve est considéré comme « faible » et l’effet n'est pas significatif pour les infections périconceptionnelles. De plus, il n'a pas été mis en évidence d’efficacité sur les infections fœtales et congénitales et sur les anomalies fœtales après infections fœtales. De même, les études observationnelles et les méta-analyses ne permettent pas de conclure sur l’efficacité du valaciclovir dans le traitement de la primo-infection maternelle du premier trimestre pour limiter les séquelles de l’infection fœtale chez l’enfant.

Comme en 2018, le HCSP :

  • ne recommande pas de dépister l'infection à CMV de manière systématique chez les femmes enceintes ; 
  • recommande de :
    • renforcer les actions de promotion des mesures d'hygiène auprès des professionnels, des femmes enceintes et de leur famille, afin de prévenir l'infection congénitale à CMV (cf. Tableau), 
    • poursuivre les efforts de recherche sur :
      • la prévention de la primo-infection à CMV chez les femmes enceintes,
      • les infections congénitales et en particulier leurs séquelles après réinsertion ou réactivation du CMV au cours de la grossesse,
    • développer des études des effets indésirables du valaciclovir prescrit à forte dose au cours de la grossesse, en cas de primo-infection à CMV.

À propos de l'infection à CMV et des risques pour l'enfant à naître

L’infection à CMV est souvent asymptomatique ou sans gravité, mais potentiellement grave lorsqu’elle est acquise in utero. 

Selon une modélisation prenant en compte des études françaises récentes, la fréquence de l’infection congénitale à CMV serait de 0,39 % des naissances en France.

Le taux des enfants porteurs de séquelles d'infection congénitale à CMV est de 0,08 % environ (soit 8 pour 100 000) en Europe dont la moitié sont nés après une primo-infection maternelle et l’autre moitié après une infection secondaire. 

La très grande majorité (90 %) des enfants infectés durant la vie intra-utérine sont asymptomatiques à la naissance. Ces enfants asymptomatiques peuvent toutefois développer des anomalies ultérieures responsables dans 5 à 15 % des cas de séquelles tardives en particulier neurosensorielles.

Au total, en cas d'infection à CMV d’origine materno-foetale, le risque de complication est de 15 à 18 % avec des décès in utero, périnataux et néonataux (1 %), des troubles neurocognitifs dont une déficience intellectuelle grave ou modérée (de 5 à 15 %) et/ou un trouble auditif (12 %) et plus rarement une déficience visuelle.

« En termes de santé publique, l’impact de l’infection congénitale par le CMV peut être grave au niveau individuel, mais de conséquences modestes à l’échelle populationnelle en termes de nombre », commente le HCSP. 

Tous les critères ne sont pas réunis

L'objectif d'un dépistage systématique de l'infection à CMV chez la femme enceinte serait de réduire les conséquences de l'infection fœtale en dépistant les primo-infections maternelles par un ou deux tests sérologiques chez la mère en début de grossesse. Le dépistage porterait sur toutes les femmes enceintes. 

« Le grand défi d'un dépistage de l'infection à CMV réside dans le fait que l'identification de l'infection de la mère puisse être suffisamment précoce pour qu'une intervention efficace ait un impact sur l'enfant à naître », souligne le HCSP. 

Pour mener son évaluation, le groupe de travail a identifié huit critères à réunir pour valider la pertinence d'un dépistage systématique en comparaison à la prise en charge actuelle : 

  • l'infection congénitale à CMV doit être un problème de santé publique ;
  • la durée de la phase clinique : le temps entre l’infection de la mère puis du fœtus par le CMV et la survenue d'éventuelles conséquences graves doit être connu et suffisamment long pour pouvoir agir ;
  • la fiabilité des tests ;
  • la possibilité d'une intervention thérapeutique dont l'efficacité et la fiabilité ont été démontrées ;
  • le rapport avantages/inconvénients favorable du programme de dépistage ;
  • l'acceptabilité du dépistage ;
  • les modalités et les ressources engagées dans le dépistage doivent être acceptables par les professionnels de santé et le système de santé ;
  • toutes les interventions de prévention primaire coût-efficaces doivent avoir été mises en œuvre.

Pour le HCSP, ces huit critères ne sont pas réunis : « Une généralisation du dépistage ne peut être envisagée étant donné les inconnues sur l’efficacité et les risques d’un traitement prolongé à forte dose par valaciclovir sur le devenir du fœtus. Les données disponibles ne permettent pas de conclure à un rapport bénéfice-risque favorable du dépistage du CMV chez la femme enceinte par rapport à la prise en charge courante ».

En outre, le HCSP note que le dépistage n’apporterait « pas de bénéfice aux femmes ayant rencontré le virus avant la grossesse, alors qu’elles peuvent transmettre aussi fréquemment le virus à leur enfant ».

À ce jour, aucun pays ne recommande le dépistage généralisé chez la femme enceinte pour la prévention des séquelles de l’infection congénitale à CMV.

Tableau - Mesures d'hygiène pour se protéger du cytomégalovirus (CMV)
(Source : site du HCSP)

Pour les professionnels de la petite enfance :

  • utiliser des gants jetables pour les changes ;
  • et se laver les mains avant et après les changes ;
  • utiliser le gel hydro-alcoolique.

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