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HTA du jeune adulte, un surrisque cardiovasculaire à long terme

L’HTA du sujet jeune est une réalité qui ne doit pas être négligée et doit faire rechercher une étiologie spécifique. Les mesures hygiénodiététiques sont toujours de mise et le choix du traitement doit être adapté au profil de chaque patient.

Isabelle Hoppenot 15 février 2024 Image d'une montre9 minutes icon Ajouter un commentaire
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Quelque 12 % d'adultes de 20 à 40 ans concernés.

Quelque 12 % d'adultes de 20 à 40 ans concernés.PeopleImages / iStock/Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Quelque 12 % de la population âgée de 20 à 40 ans est hypertendue et, de ce fait, exposée à une augmentation du risque cardiovasculaire à long terme.

En cause essentiellement l’hérédité, les habitudes alimentaires et la sédentarité, mais il faut également rechercher une étiologie spécifique en cas de valeurs tensionnelles supérieures à 160/100 mm Hg et/ou de signes d’appel cliniques ou biologiques.

Il faut aussi savoir éliminer une fausse hypertension artérielle, cas d’élévation isolée de la pression artérielle systolique.

La prise en charge se fonde en première intention sur les mesures hygiénodiététiques, rapidement associées à un traitement antihypertenseur si elles ne permettent pas d’atteindre la cible de 140/90 mm Hg, voire 130/80 mm Hg lorsque la tolérance est bonne. 

La prévalence de l’hypertension artérielle (HTA) augmente avec l’âge et, selon Santé publique France, elle toucherait, en France, quelque 12 % des jeunes adultes âgés de 20 à 40 ans et environ la moitié d’entre eux ont une HTA systolique isolée.

Il s’agit donc d’un problème important, car si chez ces jeunes adultes, le risque cardiovasculaire absolu à court terme (de 5 à 10 ans après) - tel qu’évalué par les scores de risque - reste faible, ce n’est pas le cas de ce même risque à long terme (de 20 à 30 ans après). Il faut donc prendre en compte l’exposition aux facteurs de risque sur la vie entière et ne pas négliger l’HTA dans cette population.

Facteurs de risque et diagnostic

Parmi les facteurs de risque reconnus d’HTA, il y a bien sûr l’hérédité, mais aussi différents facteurs modifiables, principalement d’ordre hygiéno-diététique (alimentation, obésité, excès de sel, sédentarité). Il faut y ajouter l’usage de drogues dites récréatives (cocaïne) et la consommation chronique d’alcool, qui agit via l’activation du système nerveux sympathique.

Chez le jeune adulte, l’HTA « blouse blanche » est assez fréquente, et il faut systématiquement confirmer la réalité de l’élévation des valeurs tensionnelles au cabinet, idéalement par une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA), sinon par une automesure en respectant la règle des 3 (3 mesures le matin avant le petit déjeuner, 3 mesures le soir avant le coucher, 3 jours de suite).

La pression artérielle (PA) est considérée comme normale haute lorsque les valeurs tensionnelles sont comprises entre 130 et 139 mm Hg pour la systolique (PAS) et/ou entre 85 et 89 mm Hg pour la diastolique (PAD).

L’HTA est de grade 1 pour des valeurs comprises entre 140 et 150 mm Hg pour la PAS et/ou entre 90 et 99 mm Hg pour la PAD.

L’HTA est de grade 2 pour les valeurs de PAS comprises entre 160 et 170 mm Hg et/ou de PAD comprise entre 100 et 109 mm Hg, et de grade 3 au-delà de 180/110 mm Hg.

Un interrogatoire minutieux

L’interrogatoire est essentiel chez ces sujets jeunes, à la recherche de signes évocateurs d’une HTA secondaire :

  • antécédents d’hypokaliémie, de crampes qui font rechercher un hyperaldostéronisme (dysplasie artérielle, surtout chez la femme, hyperaldostéronisme primaire) ;
  • claudication à l’effort, qui doit faire évoquer une coarctation de l’aorte ;
  • antécédents de maladie rénale/urinaire, nycturie, hématurie macroscopique ;
  • signes évocateurs d’un désordre hormonal, tels qu’une maladie thyroïdienne, une hyperparathyroïdie, une atteinte surrénalienne (syndrome de Cushing, triade de Ménard [sueurs, céphalées, palpitations])...
  • prise de certains médicaments, pilule estroprogestative, consommation de réglisse, d’alcool, de drogues ou de produits dopants (toujours y penser chez le jeune sportif) ;
  • ronflements/apnées du sommeil, y compris chez la jeune femme.

Quel bilan minimal chez tous les patients ?

Le bilan minimal à effectuer chez tout patient hypertendu est celui préconisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : hématocrite, glycémie à jeun, bilan lipidique complet, créatininémie, débit de filtration glomérulaire, ionogramme sanguin et, sur le plan urinaire, recherche d’une hématurie et d’une protéinurie, avec mesure du ratio albumine/créatinine sur échantillon.

Un ECG vient compléter ce premier bilan. Une échographie cardiaque est réalisée en cas d’anomalies à l’ECG, mais également chez le jeune hypertendu sportif.   

Quand faire un bilan d’HTA secondaire ?

Un bilan d’HTA secondaire est systématique chez un sujet de moins de 40 ans ayant une HTA à partir du grade 2 (≥ 160/100 mm Hg) et/ou en cas de signes d’appel (interrogatoire, examen clinique, biologie).

S’il est simple d’effectuer en ville un écho-Doppler des artères rénales, il est plus complexe de faire des dosages hormonaux dans de bonnes conditions standardisées et le patient doit alors être plutôt orienté vers une structure spécialisée. Dans la situation d’attente de ce bilan, il peut être traité par un antagoniste calcique. 

Des mesures hygiéno-diététiques pour tous, dès 130/80 mm Hg

Toutes les personnes ayant des valeurs tensionnelles au-dessus de 130/80 mm Hg doivent recevoir des conseils hygiéno-diététiques :

  • arrêter de fumer ;
  • bouger et perdre du poids (en visant une perte de 10 % du poids initial) ;
  • modérer les apports sodés (5 à 6 grammes par jour) ;
  • limiter la consommation d’alcool ;
  • accroître celle de fruits et légumes.

Ces mesures doivent être personnalisées et progressives (ne pas tout imposer d’emblée), en insistant sur les aspects positifs, par exemple de la pratique d’une activité physique (cf. notre article du 26 janvier 2023).

Le patient doit ensuite être réévalué entre 1 et 3 mois plus tard en fonction du niveau tensionnel, afin d’éviter le phénomène d’inertie thérapeutique.

Comment débuter le traitement ?  

Après 1 mois (dès le grade 2) à 3 mois de suivi des mesures hygiéno-diététiques, un traitement antihypertenseur est débuté lorsque les valeurs tensionnelles sont au-dessus de 140/90 mm Hg.

Les recommandations européennes sont globalement en faveur d’une bithérapie à faible dose d’emblée, mais il est toutefois proposé de commencer par une monothérapie chez les patients à faible risque cardiovasculaire et ayant une HTA de grade 1, ce qui est le cas de nombreux sujets jeunes. Cela permet de s’assurer de la bonne tolérance du traitement, qui est un gage d’observance sur le long terme.

En théorie, il peut être fait appel à n’importe quelle des grandes familles d’antihypertenseurs : inhibiteurs du système rénine-angiotensine (antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 et inhibiteurs de l’enzyme de conversion), diurétiques thiazidiques, bêtabloquants ou inhibiteurs calciques.

En pratique, chez l’adulte jeune, le traitement est souvent débuté avec un inhibiteur du système rénine-angiotensine (SRA), classe qui est associée à la persistance du traitement à un an la plus élevée, sinon, dans l’ordre, par un inhibiteur calcique, un diurétique thiazidique et enfin un bêtabloquant. En cas d’association, on s’oriente plutôt vers un inhibiteur du SRA et un inhibiteur calcique, en particulier chez les sujets sportifs, car ces molécules interfèrent moins avec les performances et ne sont pas considérées comme des produits dopants.

Parmi les effets secondaires des traitements peu appréciés des sujets jeunes : les œdèmes des membres inférieurs avec les inhibiteurs calciques, surtout en cas de climat chaud, et la révélation d’une dysfonction érectile plus fréquente avec les bêtabloquants et les diurétiques. L’incidence des œdèmes sous inhibiteur calcique est réduite de moitié en cas d’association à un inhibiteur du SRA.

L’efficacité de ce traitement doit être évaluée après 4 à 6 semaines.

Les valeurs tensionnelles cibles

Le traitement vise une PA cible de 140/90 mm Hg, voire de 130/80 mm Hg s’il est bien toléré.

En cas de baisse insuffisante des valeurs tensionnelles après 4 à 6 semaines de traitement, il est préconisé, selon la prescription initiale, de passer à une bithérapie, d’augmenter les doses de la bithérapie ou d’ajouter, à l’association inhibiteur du SRA et inhibiteur calcique, un diurétique thiazidique.

La tolérance doit être appréciée cliniquement, notamment en recherchant une hypotension orthostatique et biologiquement (ionogramme et fonction rénale de 7 à 10 jours après la modification du traitement).

La persistance de valeurs tensionnelles au-dessus de la cible malgré une trithérapie bien suivie (ce qui n’est pas le cas chez la moitié des patients) définit l’HTA résistante, qui nécessite une orientation en centre spécialisé.

La prise en charge des autres facteurs de risque éventuels, en particulier d’une élévation du LDL-cholestérol, ne doit pas être oubliée.

Que faire en cas d'élévation isolée de la pression artérielle systolique ?  

Chez un jeune adulte, surtout de moins de 30 ans, qui présente une hypertension artérielle systolique isolée, la question de la ré-alité de l’HTA peut se poser.

En effet, la mesure de la PAS au niveau brachial ne reflète pas toujours la pression centrale en raison d’un phénomène d’amplification excessive de l’onde de pouls.

Ainsi, dans certains cas, par exemple un jeune adulte de 20 ou 25 ans avec une PA à 153/75 mm Hg confirmée en MAPA, il ne faut pas hésiter à faire réaliser en milieu spécialisé une mesure non invasive de la pression centrale, afin d’éviter de le traiter inutilement.

Encadré - Ne pas négliger une élévation isolée de la pression artérielle diastolique

La pression artérielle diastolique (PAD) augmente avec l’âge, jusqu’à atteindre un plateau vers 30-35 ans, puis diminue à partir de 60 ans, en raison de l’augmentation progressive de la rigidité artérielle.

Une élévation isolée de la pression artérielle diastolique (PAD > 90 mm Hg et PAS < 140 mm Hg) se rencontre chez de 2 à 8 % de la population selon les études, principalement chez des hommes de 30 à 40 ans avec un syndrome métabolique. Chez ces patients jeunes, le risque cardiovasculaire absolu à court terme est faible. Mais, à long terme, il existe un surrisque de maladie coronarienne et d’accident vasculaire cérébral.

Que faire en pratique face à un patient de 30 à 40 ans avec une PAD comprise le plus souvent entre 90 et 100 mm Hg et une PAS < 140 mm Hg ?

En premier lieu, confirmer la réalité des chiffres par une MAPA. Si l’hypertension est confirmée, réaliser le bilan minimal de l’OMS, notamment pour rechercher une atteinte des organes cibles (protéinurie sur la bandelette, hypertrophie ventriculaire gauche à l’ECG).

Il faut également mettre en place des mesures hygiéno-diététiques, aux bénéfices multiples chez ces patients volontiers en surpoids, ayant éventuellement des troubles du métabolisme glucidique, et souvent une consommation notable d’alcool et un tabagisme. 

Le plus souvent, le suivi de ces mesures permet d’abaisser la PAD sous le seuil de 90 mm Hg.

Si ce n’est pas le cas, un traitement médicamenteux peut être instauré, avec les mêmes seuils de prise en charge et les mêmes stratégies que pour l’HTA systolodiastolique. 

Quoi qu’il en soit, ces patients doivent être régulièrement suivis, car ils sont à risque de développer une HTA systolodiastolique plus élevé que les normotendus. Dans cette tranche d’âge, qui consulte généralement peu son médecin traitant, la médecine du travail joue un rôle important.

D’après un entretien avec le Pr Pierre Fesler, chef du service médecine interne et hypertension artérielle, CHU de Montpellier.

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